Destituer Donald Trump ?

Équipe de Rédaction
La REVUE du CAIUM
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4 min readFeb 13, 2021

L e 20 janvier 2017, Donald Trump prêtait serment sur les marches du Capitole, où il jurait de « préserver, protéger et défendre la Constitution des États-Unis ».

Quatre ans et une tentative d’insurrection plus tard, sur ces mêmes marches, force est de constater qu’il a gravement manqué à son devoir.

L’attaque sur le Capitole, le phare de l’appareil législatif américain, n’était en rien une action spontanée. Il s’agit plutôt du pur produit d’une rhétorique incendiaire et mensongère amplifiée par un président baignant dans un marais de réalités alternatives depuis son entrée en politique, accompagné de représentants, sénateurs et de certains médias vociférant les mêmes calomnies avant même qu’un bulletin de vote n’ait été compté. Néanmoins, l’interprétation de l’acte d’accusation porté contre le président Trump ne doit pas se limiter aux événements du 6 janvier, mais bien à tous les événements qui ont mené à ce moment fatidique.

Pensons, notamment, au 1er février 2016, jour du caucus de l’Iowa lors des primaires républicaines, où le sénateur Ted Cruz l’emporta sur Donald Trump à l’occasion du premier affrontement entre les 12 candidats. Pour ce dernier, la raison de sa défaite fut fort simple: « Ted Cruz didn’t win Iowa, he stole it », gazouillait-il, une version des faits qu’il ne changera d’ailleurs jamais.

Lors de cette même année, alors comme nominé de son parti, il suggéra sans preuve que l’élection contre Hillary Clinton allait lui être volée, et qu’il n’accepterait les résultats de ces élections que s’il les gagnait. Lorsqu’il aura fini par remporter l’élection, mais pas le vote populaire, il avança qu’au-delà de 3 millions d’électeurs avaient voté frauduleusement, une affirmation qu’un comité de la Chambre des représentants mis sur pied à cet effet n’aura jamais pu valider.

Puis, vint la pandémie. Tout un hasard que celle-ci tombe en pleine année électorale, diront certains. Pendant ce temps, monsieur Trump ne manqua pas une occasion de discréditer le vote par la poste en suggérant que celui-ci serait truffé de fraudes, une déclaration à contre-courant des faits, mais aussi du message des gouvernements d’États qui tentaient d’en élargir l’accès.

Pour ses plus avides partisans, l’issue était scellée avant même le jour du vote. Alors que les médias annonçaient le possible avènement d’un Blue Shift dans les jours suivant l’élection, cela était annonciateur, selon eux, de l’imminence d’une fraude électorale massive.

Ensuite, lorsque la victoire de Joe Biden fut confirmée, Donald Trump s’élança dans une croisade contre la volonté du peuple américain à coups de poursuites frivoles without merit, pour citer les mots des différents juges ー une soixantaine, la plupart nommé par Trump ー qui ont rejeté sa cause. Parmi ses efforts subséquents les plus méprisables, il exhorta le secrétaire d’État de Géorgie à trouver 11 780 votes en sa faveur, jongla avec l’idée d’imposer la loi martiale afin de saisir les bulletins de vote, dénonça son vice-président d’avoir manqué de courage en refusant de changer l’issue de l’élection et, enfin, envoya des ultrasons à sa base électorale en la gavant de faussetés délirantes, celle-ci étant maintenant convaincue à jamais que le système les a dérobés d’une victoire éclatante.

Puis, après que toutes ses tentatives eurent échoué, il invita ses ouailles à Washington DC, le 6 janvier dernier, jour de la certification des votes, dans le but « d’envoyer un message » aux élus. Après que Rudy Giuliani ait suggéré, suite à ses recours judiciaires infructueux, d’avoir un trial by combat, le président Trump, réitérant qu’il était urgent de stop the steal et de sauver le pays, les invita à marcher jusqu’au Capitole, où une violente meute fit irruption dans l’enceinte, du jamais vu depuis la Guerre de 1812, terrorisa les élus et créa un cauchemar que les Pères fondateurs n’auraient jamais pu imaginer.

Tout compte fait, l’assaut contre le Capitole n’est que le point culminant d’une offensive sans précédent contre la démocratie, offensive orchestrée depuis longtemps par un président sans foi ni loi qui avait décidé que l’État de droit pouvait périr avec lui.

Ses actions ont torpillé plus de 200 ans de stabilité démocratique, où successeurs et prédécesseurs avaient, au-delà de leurs désaccords, un profond respect pour les institutions démocratiques, ce que Trump n’avait manifestement pas.

Comme ses efforts ont été sans précédent, la réponse à ces actes se doit d’être robuste et sans équivoque.

Au-delà de la partisanerie, le Sénat a le devoir d’établir un précédent. La chambre haute du pays se doit de montrer aux futures générations qu’un président en exercice ne peut bafouer et subvertir la volonté du peuple impunément parce que le résultat ne lui est pas favorable. Qu’un président en exercice ne peut faire appel aux velléités les plus mesquines dans le but de prendre en otage l’héritage des penseurs des Lumières.

Et surtout, que les agissements les plus grotesques et antidémocratiques d’un président en exercice ne peuvent rester impunis.

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