Pékin 2022 : un défi pour l’idéal olympique

Équipe de Rédaction
La REVUE du CAIUM
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4 min readMar 28, 2021

Le 8 mars dernier, un rapport d’experts indépendants sur la situation au Xinjiang concluait sans détour que la Chine est en train de perpétrer un génocide contre la communauté musulmane ouïghoure. Les autorités enferment, torturent, stérilisent et assimilent la population dans de véritables camps de concentration. Et pourtant, malgré ces horreurs, le Comité international olympique (CIO) maintient toujours l’organisation des Jeux olympiques de 2022 à Beijing. Les pays du monde entier sont confrontés à un dilemme: est-il moralement acceptable d’envoyer des athlètes participer à une compétition sportive dans un État qui s’adonne à un génocide? La réponse est évidemment non, et pourtant, un boycott n’est pas envisageable. Le déplacement des Jeux vers un autre pays est une option plus convenable.

Le sport au service de l’humanité. Voilà le dicton des Jeux olympiques depuis plus de 100 ans. Récemment, plusieurs politiciens, journalistes, penseurs et citoyens ordinaires demandent que les Jeux olympiques soient à la hauteur de cet adage et conjurent du même souffle les pays occidentaux de boycotter les Jeux olympiques d’hiver de Beijing de 2022. Parmi ceux qui demandent ce boycott, Jean-François Lisée, dans une chronique du quotidien Le Devoir, qui faisait valoir de solides arguments pour justifier cette action, en soulignant notamment les exactions commises par la Chine à l’encontre de la communauté ouïghoure. Cela dit, quoiqu’il ne fasse aucun doute que les droits humains des ouïghours en Chine sont bafoués, boycotter les Jeux olympiques n’est toutefois pas la réponse appropriée pour tenir tête à la Chine.

La futilité de boycotter les Jeux olympiques a été démontrée à de multiples reprises. Déjà, en 1976, les pays africains décidèrent de boycotter les Jeux olympiques de Montréal afin de protester contre la présence de la Nouvelle-Zélande qui avait joué au rugby en Afrique du Sud malgré l’Apartheid. Puis, en 1980, ce fut au tour des États-Unis et de leurs alliés de s’absenter des Jeux de Moscou pour protester contre l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS. Enfin, en 1984, l’URSS et les pays du pacte de Varsovie boycottent à leur tour les Jeux de Los Angeles. En une décennie, plus des deux tiers des pays avaient boycotté au moins une fois les Jeux olympiques, témoignant ainsi des divisions du monde de cette époque. Mais qui se souvient aujourd’hui des raisons de ses boycotts et des pays qui les ont faits? Saviez-vous que les olympiques, qui ont couronné Nadia Comaneci en gymnastique, avaient été boycottés par un continent au complet? Ce qu’on retient des Olympiques, ce sont les prouesses des athlètes. En 1968, deux athlètes remportaient la course du 200 mètres. Lors de la remise des médailles, ces champions américains levèrent le poing en guise de contestation à la ségrégation raciale aux États-Unis, une image qui reste gravée dans la mémoire collective. On pourrait débattre, qu’en fin de compte, la présence de ces deux athlètes a eu beaucoup plus d’influence sur le cours des choses que l’absence d’un continent entier. Que dire de la présence de Jesse Owens aux Jeux olympiques de Berlin en 1936. Sous les yeux de Hitler lui-même, le jeune coureur afro-américain surpassa tous ses adversaires, ce qui lui valut 4 médailles d’or. Un véritable exploit qui fit blêmir de rage le Führer.

Olympique de 1968 Photo: BrutMedia

Aussi, il ne faut pas oublier les conséquences pour les premiers concernés par ces Jeux : les athlètes. Pour tous ces sportifs, boycotter la Chine signifie mettre une croix sur des années de travail acharné. Les Jeux olympiques représentent, pour eux, l’objectif ultime de leur carrière d’athlète. Comment le Canada peut-il demander un tel sacrifice à ses athlètes? Cette politisation des Jeux pourrait aussi contribuer à la démotivation chez les jeunes qui verrait leur rêve troqué pour des actions hors de leur contrôle.

Il est certes fâchant de donner un rayonnement international à un pays qui commet des crimes épouvantables. Mais la solution, c’est le CIO qui la détient. Il est impératif de déplacer les Jeux dans un pays respectueux des droits humains.

L’objectif premier des Jeux est l’union dans le sport. Un génocide contrevient, sans l’ombre d’un doute, à cet idéal. Les Olympiques ne peuvent tout simplement pas se dérouler en Chine, qui contrevient de façon aussi flagrante aux droits humains. Les Jeux représentent bien plus qu’une simple compétition sportive. Ils rassemblent les pays du monde entier pour compétitionner de manière pacifique. Ils valorisent la pratique du sport tout en améliorant les relations entre les citoyens de toutes les régions du monde. Les Jeux olympiques devraient toujours être un espace de réunion pacifique où seul le sport est célébré. Pour qu’en ce sens, le sport soit au service de l’humanité.

Pour approfondir

Lisée, Jean-François. “Les Olympique de la honte”, LeDevoir, 08/02/2021, https://jflisee.org/les-olympiques-de-la-honte/.

New Lines Institute for Strategic and Policy & Raoul Wallenberg Centre for Human Rights. “The Uyghur Genocide: An Examination of China’s Breaches of the 1948 Genocide Convention”, March 2021, https://newlinesinstitute.org/wp-content/uploads/Chinas-Breaches-of-the-GC3.pdf.

Avec la collaboration d’Alicia Prieur-Couture

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Équipe de rédaction du Comité des Affaires Internationales de l’université de Montréal, chargée de publier les textes soumis par les étudiants.