Innovation dans la gestion des ressources en eau

Benjamin Allamel
La REVUE du CAIUM
Published in
5 min readSep 20, 2018

Repenser la valorisation des eaux usées traitées face à la rareté des ressources en eau

La pénurie de l’eau, une effayante réalité. Credit photo : AgriMaroc

L a raréfaction des ressources en eau liée intrinsèquement aux changements climatiques doit alerter l’opinion publique et les politiques publiques de manière à pouvoir anticiper et organiser des stratégies de valorisation des ressources disponibles à travers une perspective d’économie circulaire, par l’écologie industrielle et le recyclage des eaux usées traitées. D’ici 2025, certains pays du pourtour méditerranéen feront face à des disponibilités en eau très faibles voire nulles, comme l’Israël qui est un pays de l’Est méditerranéen qui connaît une démographie forte ainsi qu’une urbanisation rapide.[I]

La valorisation des ressources en eau serait donc profitable à l’ensemble des acteurs de la société comme les agriculteurs, les citoyens et les entrepreneurs. La revalorisation des eaux usées traitées (REUT) permet d’économiser l’eau conventionnelle qui est taxée dans certains pays tels que la France. La revalorisation des eaux usées apporte une valeur ajoutée aux pays qui favorisent cette transition, car les eaux usées traitées sont des propriétés riches en nutriments pour fertiliser et irriguer les terres agricoles. L’Israël se présente comme le leader mondial en matière de revalorisation des eaux usées traitées et en fait sa richesse plutôt que ses déchets. Ce petit pays du bassin méditerranéen a su faire preuve de solutions innovantes comme la REUT pour pallier à des insuffisances en eau, et ainsi irriguer des terres agricoles dans le désert du Néguev qui occupe 60% du territoire israélien. A présent, l’Israël est devenue autonome en eau depuis qu’elle valorise presque entièrement cette ressource, soit près de 85%. Cette réussite n’a pourtant pas eu d’échos dans la plupart des pays nord-méditerranéens. Les raisons sont de diverses natures.

La prise de décision pour implanter un projet de REUT est complexe du fait qu’elle prend en considération les impacts environnementaux à chaque étape de l’analyse du cycle de vie, comme les technologies (produits chimiques, infrastructures) et les énergies utilisées, les pollutions (de l’air, des sols, de l’eau), les effets sur les ressources en eau en quantifiant la privation de l’eau sur les écosystèmes, ainsi que sur les autres usages, comme les exigence de salubrité, le tourisme et la dégradation de la qualité. L’Israël irrigue son agriculture à 86% par des eaux usées traitées préalablement par des stations d’épuration à des fins d’usage agricole, ayant recours à la « fertigation » (fertilisation & irrigation), soit un mélange d’eau et d’engrais pour augmenter les rendements. Ce procédé technique innovant est associé à un système d’irrigation révolutionnaire présenté la première fois par l’entreprise Nétafim qui l’a nommée le « goutte à goutte enterré», ce qui permet d’irriguer à la racine les plantes en Israël.[II]

‘Treatment and reuse system’ dans Shafdan, Israël. Crédit photo : Tahal Group

Pour l’usine Shafdan en Israël, l’enjeu est de réduire la contamination des eaux saumâtres et de les réutiliser le plus possible. Cette usine de traitement récupère dans un premier temps tous les solides dans les tuyaux. Par la suite, les boues sont transformées en engrais organiques qui sont donnés gratuitement aux agriculteurs de la région.[III] L’usine Shafdan appuyée par les institutions gouvernementales, s’inscrit dans une logique d’économie circulaire, à travers la répartition équitable et charitable des boues revalorisées en engrais organiques. Les agriculteurs bénéficient donc de la gratuité de ces ressources revalorisées, ce qui permet indirectement de conscientiser ces derniers dans l’optique qu’ils adoptent par la suite un système d’irrigation plus vertueux à l’image du « goutte à goutte enterré » utilisé en Israël, qui réduit le gaspillage en eau et qui permet d’irriguer à la racine les cultures tout en apportant les engrais nécessaires, ce qui facilite le travail de l’irriguant.

Mise en bouteille de l’eau recyclée et buvable. Crédit photo : Newater label

Le second usage à mettre en exergue est la grande avancée en terme de traitement des eaux usées en Israël jusqu’à la consommation de celles-ci en eau buvable. La récupération des eaux usées est issue majoritairement de l’eau des canalisations qui est recueillie dans les centres de traitement pour être purifiée. Cette eau purifiée est utilisée pour l’irrigation du désert Néguev en raison d’une décision prise par Mekorot, l’autorité de l’eau en Israël. Les avancées technologiques et scientifiques montrent qu’il ne serait pas nocif de boire cette eau recyclée, le seul obstacle est l’acceptation et la confiance léguées par la communauté envers les autorités publiques. On relève néanmoins des régions dans le monde qui valorisent ces eaux usées traitées en eau potable comme Singapour et certains comtés étatsuniens comme Orange en Californie. Singapour couvre près de 35% de ses besoins en eau par cette « eau de qualité potable », qu’elle utilise à des fins de consommation avec sa marque « Newater », et l’objectif tend vers 55% d’ici 2060[IV].

La problématique tournée autour de la raréfaction de l’eau et de la surexploitation de l’eau par l’agriculture intensive, additionnée à la demande plus forte d’engrais pour augmenter les rendements agricoles, et ainsi suivre le rythme de la croissance démographique, nous pousse à remettre en question l’efficacité de notre économie orientée vers le gaspillage, dans le but d’entrevoir des stratégies de revalorisation des ressources que l’on utilise au lieu de les rejeter.

Références

Mohammed Ben Blidia, « Problèmes de la gestion de l’eau en Méditerranée », dans Aménagement et nature, Institut Méditerranéen de l’Eau, n°121, pp. 51–57.

Netafim, « L’eau prend racine avec le goutte à goutte enterré », [http://www.netafim.fr/article/l-eau-prend-racine-avec-le-goutte-goutte-enterr-]

Francis Pisani, « Qui veut boire l’eau des égouts ?», [https://www.lemonde.fr/citynnovation/article/2016/02/09/qui-veut-boire-l-eau-des-egouts_4862031_4811669.html]

Elwatan, « Le Newater avec l’aide de la haute technologie Singapour invente une nouvelle manière de s’alimenter en eau », [http://impactjournalism.elwatan.com/impact-journalism/le-newater-avec-l-aide-de-la-haute-technologie-singapour-invente-une-nouvelle-maniere-de-s-alimenter-en-eau-22-06-2013-218250_262.php]

[I] Mohammed Ben Blidia, « Problèmes de la gestion de l’eau en Méditerranée », dans Aménagement et nature, Institut Méditerranéen de l’Eau, n°121, p. 53.

[II] Netafim, « L’eau prend racine avec le goutte à goutte enterré », [http://www.netafim.fr/article/l-eau-prend-racine-avec-le-goutte-goutte-enterr-]

[III] Francis Pisani, « Qui veut boire l’eau des égouts ?», [https://www.lemonde.fr/citynnovation/article/2016/02/09/qui-veut-boire-l-eau-des-egouts_4862031_4811669.html]

[IV] Elwatan, « Le Newater avec l’aide de la haute technologie Singapour invente une nouvelle manière de s’alimenter en eau », [http://impactjournalism.elwatan.com/impact-journalism/le-newater-avec-l-aide-de-la-haute-technologie-singapour-invente-une-nouvelle-maniere-de-s-alimenter-en-eau-22-06-2013-218250_262.php]

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Benjamin Allamel
La REVUE du CAIUM

Master in International Studies specialized in Environmental protection and environmental crime