La crise politique togolaise

Une transition difficile vers la démocratie.

Équipe de Rédaction
La REVUE du CAIUM
4 min readOct 10, 2017

--

Gnassingbé Faure, président actuel du Togo. Crédit photo : Afrique Éducation

Un texte de Lyn Madjétè Tongo, étudiante au Baccalauréat en Économie et politique à l’Université de Montréal et VP commandite du CAIUM.

Le Togo, petit pays de l’Afrique de l’Ouest, rencontre d’énormes problèmes en vue de l’installation d’une réelle démocratie, contrairement à ses confrères de la sous-région. L’un des problèmes majeurs est celui de l’alternance présidentielle. Gnassingbé Eyadema arrivé au pouvoir en 1967, après un coup d’État, y est demeuré jusqu’à sa mort en février 2005. Il fut alors remplacé par l’un de ses fils Gnassingbé Faure, qui est aujourd’hui toujours au pouvoir. À son troisième mandat comme président de la République togolaise, il compte 12 ans de règne à son actif.

Cela fait un total de 50 ans de règne pour la famille Gnassingbé. Bien qu’il y ait souvent eu des manifestations à ce sujet, celles-ci n’ont jamais eu d’impacts décisifs.

Cependant, le 19 août 2017 marqua le début d’une nouvelle série de crises politiques au Togo. Un nouveau parti est créé en 2014, dont beaucoup n’ont entendu parler que ce 19 août dernier. Nommé le PNP (Parti National Panafricain), le leader est un certain Tikpi Salifou Atchadam auparavant un total inconnu de la scène politique togolaise.

Ainsi, l’opposition togolaise vit donc la naissance d’un nouveau leader plus charismatique et plus actif que ses prédécesseurs. Il réussi, ce 19 août dernier, à faire sortir une foule hors du commun, une foule qu’aucun parti n’a réussi à rassembler depuis 2012 et cela malgré le fait qu’il n’ait jamais participé à une élection majeure. Les objectifs de ce rassemblement étaient dans un premier temps d’exprimer le ras-le-bol du pouvoir Gnassingbé, d’exiger le retour à la constitution de 1992 et enfin, vous l’aurez deviné, le départ immédiat de Faure Gnassingbé.

Le ras-le-bol

La manifestation du 19 aout 2017. Crédit photo : news.alome.com

Le ras-le-bol de la population togolaise provient du règne interminable d’une dynastie qu’on peut caractériser de dictatorial. Le parti d’État unique a régné jusqu’en 1991 sans opposition, suivi ensuite par le RPT (Rassemblement du Peuple Togolais) que Faure a muté en 2012 en UNIR (Union pour la République). Durant ce règne RPT-UNIR, le Togo peine à atteindre un idéal social économique. La pauvreté constitue un fléau majeur auquel le régime n’arrive pas à trouver de solutions adéquates. Le clientélisme affecte cette administration à tous les niveaux où rien n’est possible sans relations avec le pouvoir. C’est ainsi que la masse populaire est devenu marginalisée, exclue d’un système politique contrôlé par une élite politique restreinte.

En 1992, des réformes constitutionnelles avaient été entamées suite à des grèves publiques, mais ces premières n’ont pas abouti quand le NON l’avait remporté au referendum de septembre 1992. Les principales caractéristiques de cette constitution se résument aux articles 59 et 60, où est inscrit le fait que nul ne peut exercer plus de deux mandats et que l’élection du Président de la République a lieu lors d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Cette constitution permet aussi le vote de la diaspora togolaise qui s’élève à près de deux millions d’individus et dont les transferts de fonds s’élèvent en moyenne à 187 milliards de francs CFA annuellement. La diaspora togolaise estime qu’elle contribue largement au PIB et au développement du pays, et qu’elle mérite de participer à la vie politique de son pays d’origine. De ce fait, on a observé dans différents pays, comme le Sénégal, la France, l’Allemagne, la Belgique, le Canada et les États-Unis, des marches de protestation pour le retour à la constitution de 1992 et le départ immédiat du président Faure.

Des manifestations qui dérangent

La marche du 19 août dernier ne pourrait être considérée comme une marche pacifique. Sa répression sanglante par le régime Faure a été ressentie au travers du pays. Après la marche du 19 aout, celles du 6 et du 7 septembre ont engendré la coupure de l’accès à l’internet partout dans le pays pendant plusieurs jours. Depuis, de manière régulière, les marches politiques se succèdent. Ces manifestations ont toujours suscité une forte mobilisation chez la populace, mais aussi des fortes représailles de l’armée togolaise. Ces représailles ne semblent pas décourager cette foule déterminée à avoir gain de cause cette fois-ci, quel que soit le prix à payer.

Devant cette pression, le régime a tenté tant bien que mal d’entamer des réformes constitutionnelles. Les grandes lignes de ces réformes sont la limitation à deux mandats constitutifs, ne comptant pas les mandats faits avant la réforme, ce qui permettrait essentiellement à Faure de pouvoir se représenter aux élections de 2020. Ces dispositions sont critiquées par l’opposition qui refuse que Faure se représente aux prochaines élections. Le parti au pouvoir propose de soumettre les nouvelles réformes à un référendum, avec ou sans l’opposition. Notons que l’opposition avait été totalement absente, volontairement, de la session parlementaire portant sur les réformes.

L’opposition togolaise a plutôt pris la décision de descendre dans les rues togolaises jusqu’au moment où elle aura gain de cause complet. Le régime, lui, soutient fermement ses réformes et compte les soumettre très prochainement à un référendum public. Cela plonge le pays dans une crise politique où s’est installé un climat très conflictuel, laissant présager une escalade des tensions. Un sentiment d’inquiétude et d’insécurité règne à travers la population où chacun craint les débordements sur lesquels pourrait déboucher cette crise dans un avenir proche.

--

--

Équipe de Rédaction
La REVUE du CAIUM

Équipe de rédaction du Comité des Affaires Internationales de l’université de Montréal, chargée de publier les textes soumis par les étudiants.