Au Congo, criminalité économique… ou la malédiction des ressources naturelles

Adama Ndour
La REVUE du CAIUM
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17 min readApr 11, 2019
« L’une des principales raisons du problème est la corruption endémique qui a été érigée en un vrai système affectant tous les secteurs, même en dehors des ressources naturelles », estime l’auteur. Photo: Wikimedia

La mauvaise gestion des ressources qui cause du tort au pays serait en grande partie due à la corruption endémique.

Le 30 juin 1960, lors d’un discours désormais historique, c’est avec courage que Patrice Lumumba, figure de proue de la résistance congolaise, rappelle que l’indépendance n’est pas une gracieuseté du colonisateur belge. Non ! Au contraire: elle a été conquise par le feu, le sang et les larmes. Se tournant vers le futur, il évoque une autre lutte: « Nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur… Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement à ses enfants ». Déjà à cette époque, on connaissait l’importance d’une bonne gestion des ressources du pays. Alors comment, près de 60 ans plus tard, en est-on arrivé à parler aujourd’hui de « malédiction des ressources naturelles » ? Pourtant, l’article 58 de la constitution congolaise est clair : « Tous les Congolais ont le droit de jouir des richesses nationales. L’État a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au développement ». Il ne fait aucun doute que la criminalité économique est une raison importante pour laquelle l’objectif de cette lutte sublime n’a pas encore été atteint. En attendant, c’est la population congolaise qui en subit les conséquences avec au mieux la complaisance des élites et au pire leur participation active dans le pillage des ressources nationales.

Grande corruption : les réseaux d’élites

Les crimes économiques sont des activités illégales réalisées dans le contexte de la vie économique, des affaires et de la finance. Ils peuvent prendre plusieurs formes, comme la fraude fiscale ou encore les crimes environnementaux. Une de ses formes la plus connue est la corruption, c’est-à-dire l’abus de pouvoir d’un ou plusieurs individus à des fins personnelles. Selon la définition qu’en donne Rose-Ackermann, la grande corruption est celle impliquant l’élite politique, sociale et économique. Dans la région des Grands Lacs, elle est effectuée par de véritables réseaux qui transcendent les frontières nationales. D’après le Rapport final du groupe d’Experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesses de la République Démocratique du Congo. (2002), « ces réseaux ont la mainmise sur une série d’activités commerciales comprenant l’exploitation des ressources naturelles, le détournement de recettes fiscales et d’autres opérations productrices de revenus dans les trois zones distinctes, respectivement tenues par le Gouvernement de la République démocratique du Congo, du Rwanda et de l’Ouganda ». Ce contrôle leur permet d’avoir recours à des activités criminelles afin de détourner les bénéfices financiers des ressources naturelles de la RDC, et ce, au détriment du reste de la population. L’ampleur de ces activités est vertigineuse: on estime qu’en trois ans, le transfert des actifs du secteur minier public à des entreprises privées contrôlées par les réseaux s’élèverait à 5 milliards de dollars. L’instabilité à l’est de la RDC ne nuit pas aux réseaux, bien au contraire. Certains auteurs vont jusqu’à parler de « résistance à la bonne gouvernance »; le problème n’en est donc pas un d’incompétence des élites, puisque le désordre dans le pays est motivé par un besoin pour les réseaux de préserver leurs rentes.

Le contrôle de l’État : la stratégie de la faiblesse

Pour les réseaux d’élite, il y a un plus grand intérêt à préserver la justice faible et inefficace, comme le résume Goldman« too many high level people are involved in resource extraction, they realise that mafia rackets are far more lucrative than effective bureaucracy could ever be » . Cette faiblesse, soit de permettre l’impunité, encourage la relation corruptible car la valeur de l’illégalité domine celle de l’honnêteté. L’impunité dans le pays est telle qu’elle évoque les mots de Solon, car effectivement les lois en RDC sont « comme des toiles d’araignées, elles arrêtent les faibles et les petits, les puissants et les riches les brisent et passent au travers ». En plus, les politiciens interviennent souvent directement auprès de l’administration, des douanes et de l’armée. Ironie du sort, cette politisation de l’appareil administratif diminue la capacité de l’État à collecter des revenus censés servir à payer les fonctionnaires et financer les services publics. C’est qu’en effet la République démocratique du Congo en comparaison aux autres pays africains est un des pays ayant la capacité la plus faible à percevoir des recettes. On ne parle que de 10 % du PIB, là ou le Kenya est à 18 % .Vu les pertes qu’elle entraîne à l’État on peut qualifier cette corruption de collusive.

Lorsque les médias traitent de la RDC, la tenue d’élections est le principal sujet. On néglige un autre aspect crucial de la démocratie : les contrepoids au pouvoir exécutif. Comme disait Montesquieu : «Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir» . Autrement dit, non seulement il faut une séparation (réelle) des pouvoirs, mais aussi l’équilibre entre eux. Par exemple en RDC, la justice manque cruellement de ressources, il n’y a qu’un seul juge pour 30 000 citoyens. En 2005, le budget du ministère de la Justice était évalué à deux millions de dollars, des miettes en comparaison avec les 17 millions alloués à la présidence. C’est ainsi que le pouvoir judiciaire ne peut jouer son rôle de contrepoids, permettant aux hommes politiques de s’immiscer dans les affaires judiciaires, érodant encore plus la crédibilité et l’autorité des juges.

Contrats léonins et interférences politiques

Selon la perspective néo-libérale, la corruption est perçue comme un obstacle à la libre concurrence mondiale ou pour reprendre les mots de la convention de l’OCDE de 1997 elle « fausse les conditions internationales de concurrence ». Elle est faussée par l’avantage que le corrompu offre au corrupteur, le mettant ainsi dans une position privilégiée par rapport à d’autres personnes.

En ce qui concerne la RDC, c’est un décret de Mobutu (ancien Chef d’État) qui a privé les gestionnaires de tout pouvoir réel en attribuant le contrôle des compagnies minières à la Présidence et aux ministères. C’est ainsi que le Président contrôle les nouveaux contrats et concessions. Cela a été confirmé par le Service international d’information pour la paix : «ce sont des entreprises parapubliques qui négocient les accords de joint-ventures [entre les entreprises minières d’État et les entreprises privées] mais ils reçoivent leurs directives des responsables de Kinshasa, souvent du Président lui-même, ou de conseillers ». Concrètement, le président sortant, Joseph Kabila, a approuvé des contrats entre la Gécamines (entreprise d’État) et deux entreprises : Katanga Mining Ltd. et Global Enterprises Corporate. Les propriétaires de ces entreprises ont été cités dans le rapport de l’ONU sur l’exploitation illégale des ressources naturelles, il s’agit de George Forrest et Dan Gertler. Ils ont également été mentionnés dans le rapport de la Commission Lutundula, une commission spéciale de l’Assemblée Nationale chargée de l’examen de la validité des conventions à caractère économique et financier conclues pendant les guerres de 1996–1997 et 1998. D’ailleurs, cette commission a préconisé la renégociation pour une douzaine de contrats. Tous ayant été jugés n’apporter qu’une contribution limitée voire inexistante au développement du pays. En vérité, ces contrats ont pour conséquence de provoquer des pertes significatives en recettes fiscales, car l’État a accordé des exonérations fiscales importantes aux joint-ventures sur des périodes de 15 à 30 ans. Sans compter les autres avantages disproportionnés en faveur des sociétés privées qui ne reflètent absolument pas l’apport important de la Gécamines en termes de ressources et d’installations. Dans le même ordre d’idées, un Mémorandum de l’ONG Rights and Accountability in Development (RAID) conclut après l’analyse des contrats que leur objectif premier est d’assurer aux partenaires privés le remboursement des emprunts qui ont servi à financer les projets. Le RAID estime que même après le remboursement des emprunts il ne restera que peu ou pas de profits pour la Gécamines. Le rapport de la commission Lutundula décrit de la façon suivante le rôle des acteurs politiques de Kinshasa dans la négociation des contrats: « les dirigeants politiques au sommet de l’État interviennent dans l’ombre par le jeu du trafic d’influence et par des ordres intempestifs donnés aux négociateurs ou aux signataires des contrats. Ils suivent de près les activités du partenariat et y interférent ». Force est de constater qu’il est difficile, voire impossible, de faire des affaires au Katanga sans bénéficier de ce qu’on appelle en RDC un « parapluie politique », c’est-à-dire la protection et le soutien des politiciens de Kinshasa.

Corruption systémique : la petite corruption

Selon Transparency International, en 2016, la RDC était le 20ème pays le plus corrompu au monde. La corruption est dite systémique lorsqu’elle implique toutes les sphères de la vie socio-économique. En d’autres termes, sa fréquence est telle qu’elle constitue la règle plutôt que l’exception. Dans ce cas, on peut également parler de culture de la corruption. L’analyse suivante de Sardan va dans ce sens : « Il apparaît que les pratiques corruptives sont justifiées et euphémisées par leur grande proximité ou interpénétration avec des pratiques sociales communes et normales. Les mots et les discours participent ainsi à une même entreprise de banalisation ». À vrai dire, nombreux sont en lingala les euphémismes pour désigner la corruption et cette diversité est sans aucun doute une information permettant de mesurer l’ampleur que le phénomène a pris dans la vie courante, on peut citer ici : madesu ya bana (les haricots pour les enfants), kolomba (offrir), mbongo ya rame (l’argent pour les rames). La petite corruption, celle vécue par le peuple, n’est pas distincte de la grande corruption elle est plutôt un continuum de celle-ci puisque c’est la cupidité des réseaux d’élite qui réduit les ressources disponibles, poussant ainsi les fonctionnaires subalternes à mettre leur pouvoir discrétionnaire au service de leur portefeuille. D’après le Comité épiscopal congolais, « tout peut s’acheter au Congo : une décision judiciaire, un titre universitaire, un diplôme scolaire, une carte d’identité, un permis de conduire, un passeport, une nomination politique, une promotion, un certificat de naissance ». Ainsi peut-on dire, en RDC la petite corruption est légitimée par les dysfonctionnements étatiques, car si la corruption est partout il faut, pour s’en protéger, la pratiquer à titre préventif. Pour les entreprises bien souvent, le « parapluie politique » est nécessaire mais insuffisant. Selon Surveys Enterprise « 4 entreprises sur 5 ont dû verser de l’argent de façon informelle à des fonctionnaires pour faire avancer les choses, 66,25 % d’entreprises ont fait des cadeaux pour obtenir une licence d’exploitation. Lors de rencontres avec des fonctionnaires des impôts, 64,42 % d’entreprises ont recouru aux cadeaux. » Les chercheurs congolais se sont penchés sur les causes de cette culture de la corruption, une étude microéconomique de Nakamwambila Kiadiamuyika et Kabanga Kazadi conduite en 2007 a donné les résultats suivants « 63,5% de ses enquêtés en moyenne ont déclaré l’impunité et le manque d’éthique professionnelle comme causes principales de la corruption. Ceux ayant déclaré la modicité des salaires comme cause principale de la corruption sont représentés à 53% contre 47% de ceux qui n’étaient pas corrompus et les mariés ont une probabilité élevée d’accepter d’être corrompus que les célibataires ». Cette étude établit une corrélation entre la corruption et les variables suivantes : l’impunité, le manque d’éthique, le niveau de salaire, l’état matrimonial, la pauvreté et l’origine géographique. La variable de l’origine géographique peut être expliqué par le fait que vu l’immensité du territoire congolais, la corruption bien que endémique n’est pas au même niveau partout, notamment dans l’est du pays qui est délaissé par l’État, en 2005 moins de 2% du budget national a été dépensé hors de Kinshasa ! Ainsi, les personnes vivant dans les régions où il y a une banalisation de la corruption parce que l’opposition à celle-ci est faible, voire inexistante, ont tendance à être plus tolérants face aux pratiques de corruption.

La corruption peut prendre plusieurs formes, il ne s’agit pas uniquement de pots-de-vins, de détournements de fonds ou autres opérations donnant lieu à des échanges monétaires. D’où le nouveau concept de corruption discrète qui selon la Banque mondiale se produit lorsque « des employés de l’État ne fournissent pas les services ou les intrants payés par des deniers publics ». Ce type de corruption n’est pas négligeable, l’on peut même affirmer que si la petite corruption et la grande corruption forment la partie visible de l’iceberg, la partie invisible est la corruption discrète. C’est ce que l’actualité nous a rappelé dernièrement avec le phénomène fortement médiatisé qui infeste les universités à Kinshasa ; les « notes sexuellements transmissibles » (NST). Les étudiants troquent des faveurs sexuelles en échange de points, cela illustre la façon avec laquelle l’opportunisme se répand dans la société congolaise au point d’affecter même les plus jeunes.

Les pays limitrophes

Les pays limitrophes à la République démocratique du Congo comme le Rwanda, l’Ouganda et le Zimbabwe tirent avantage de l’économie de guerre en associant leurs armées à des groupes criminels. Toutefois, ils commencent peu à peu à retirer leurs troupes, comme le Rwanda qui en prévision de ce retrait a trouvé le moyen de mettre en place des mécanismes de contrôle économique ne nécessitant pas une présence militaire continue. Par exemple, des rwandais ont pris la place des directeurs congolais au sein d’entreprises paraétatiques et la monnaie locale a été remplacée par la monnaie rwandaise. Des superviseurs de l’Armée patriotique du rwanda (APR) surveillent directement l’extraction de colombotantalite et l’évacue directement vers Kigali avec notamment des avions militaires rwandais, aucune taxe n’est versée. C’est ainsi que pas moins de 60 à 70% du colombotantalite est extrait dans l’est de la République démocratique du Congo.

C’est dans le même ordre d’idées que les zimbabwéens créent de nouvelles entreprises et font des contrats afin de protéger leurs intérêts économiques à long terme. La Minerals Business Company (MBC) est une entreprise crée par le Zimbabwe et la RDC, elle oeuvre dans le commerce de diamants, secteur très lucratif. Mais la MBC sert surtout d’influence militaire et politique exercée par le Zimbabwe pour se soustraire aux lois congolaises et donc éviter de s’acquitter de droits de licence onéreux.

Congo v. Congo : le cas des diamants

Les diamants ont une grande valeur, ils sont petits et fongibles donc facile à cacher des autorités. En outre, les diamants peuvent facilement être utilisés comme monnaie. La preuve est dans le Rapport final du groupe d’Experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesses de la République Démocratique du Congo (2002) « Les diamants de la guerre de Kisangani sont commercialisés par des réseaux de criminels. Le produit de ces ventes criminelles est blanchi par l’achat à Dubaï de grandes quantités de biens d’équipement ménager — sucre, savon, tissu et médicaments — qui sont ensuite importés en République démocratique du Congo et proposés aux vendeurs locaux à des prix intéressants. Les grossistes rwandais utilisent les bénéfices réalisés en francs congolais pour acheter des dollars et — pour boucler la boucle — acheter des diamants ».

La plupart des diamants de la République de Congo (RC) proviennent de la RDC, cela fait des décennies que les comptoirs de diamants à Brazzaville exportent des diamants de la RDC vers l’Europe. Deux raisons appuient cette conclusion. En premier lieu, les exportations de la RC dépasse ses capacités. En effet, sa capacité de production est estimée à 55 000 carats par année. Or, le RC exporte 5.2 million de carats chaque année soit 9000 % de plus que sa capacité. Ensuite, la taxe d’exportation sur les diamants n’est que de 2 % alors que dans la région elle est autour de 3 %. Cette différence n’est pas anodine, elle est la preuve de la volonté étatique de la RC d’encourager le trafic illicite de diamants. Effectivement, une plus faible taxe d’exportation encourage les trafiquants à exporter les diamants de la RDC à partir de la RC. C’est dans ce contexte que la RC a été expulsée du Processus Kimberley (KP) en 2004. Malheureusement, cela a été insuffisant pour arrêter le trafic illicite. Selon Global Witness entre 2004 et 2006 il y a eu pour une valeur de 10.2 millions de dollars de trafic illicite de diamants entre les participants et les non-participants du KP.

La marche à suivre

Réponse internationale. Comme cette étude en témoigne, les problèmes sont nombreux et complexes. Néanmoins, il existe une littérature considérable sur les différentes solutions à commencer par le Rapport d’experts de l’ONU: « l’établissement d’un gouvernement de transition à Kinshasa devrait s’accompagner de quatre éléments, à savoir : le désarmement de tous les groupes rebelles en République démocratique du Congo; le retrait progressif des troupes étrangères; l’adoption de mesures visant à réduire de manière draconienne l’exploitation illégale au profit de l’exploitation légale; et la mise en oeuvre d’importants moyens de pression au niveau multilatéral et de mesures d’incitation ». Évidemment, vu le nombre d’acteurs impliqués au niveau international il est étonnant que le rapport ne fasse pas plus de place aux entreprises étrangères dans la solution. Toutefois, cela peut s’expliquer par le mandat que le Conseil de sécurité à donner au groupe d’experts : ‘‘Recommendations on measures a transitional Government in the [DRC] and other Governments in the region could take to develop and enhance their policies, legal framework and administrative capacity to ensure the resources of the [DRC] are exploited legally and on a fair commercial basis to benefit the Congolese people”. Ce mandat est restreint à dessein, on peut lire entre les lignes que le Conseil de sécurité ne veut pas de solutions où il aurait la charge de l’application si ce n’est d’envoyer toujours plus de militaires, faisant ainsi de la MONUSCO la deuxième plus grande opération de maintien de la paix. Pourtant, l’exploitation illégale des richesses congolaises a souvent lieu avec la complicité de compagnies étrangères puisque la corruption se fait à deux. À ce propos, le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, a déclaré : « en matière de corruption, toute transaction met en jeu deux parties. Il y a si vous voulez un corrupteur et un corrompu, et souvent le corrupteur est une entreprise dans un pays industrialisé ». Le problème est qu’à l’exception de la loi américaine sur les Pratiques de corruption à l’étranger et la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption, les réglementations concernant les sociétés multinationales sont généralement facultatives.

Réponse nationale. La publication des contrats est une solution simple à mettre en place et qui pourrait être efficace. Le FMI également défend cette idée : « la publication des contrats ne semble donc nuire que très peu à l’avantage stratégique des parties prenantes. On peut même soutenir que l’obligation de publier les contrats devrait en fait renforcer la position de négociation des autorités publiques puisque ces dernières doivent faire état des résultats de ces négociations à l’assemblée législative et au grand public ». Il ne fait aucun doute que plus de transparence ne peut que contribuer positivement à l’utilisation des recettes tirées des ressources naturelles. D’ailleurs, comme le disait Justice Brandeis : ‘‘Sunlight is said to be the best of disinfectants’’ . Cela pourrait aussi pousser le gouvernement à renégocier ou même annuler les contrats existants même s’il s’exposait à des poursuites pour violations des conventions internationales en matière d’investissement. Dans ce cas de figure, le gouvernement pourrait opposer que les conditions dans lesquelles ces contrats ont été conclus violaient la législation nationale, particulièrement le code minier.

Les recettes provenant des ressources naturelles devraient être dans des fonds séparés afin de les utiliser à des fins précises, comme l’investissement pour le développement. Contrairement au budget de l’État, un fonds distinct ayant des buts précis peut aider à protéger les recettes des ressources naturelles (RRN) des pressions politiques, mais surtout de la corruption. La Norvège comme le Botswana en sont des exemples.

La solution au problèmes congolais passera nécessairement par un renforcement des mécanismes de contrôle. Sur papier, ces institutions existent, mais comme nous l’avons évoqué, elles manquent de financement. Bien que ce soit le rôle du gouvernement de les financer, il va dans un premier temps lui falloir une aide extérieure. Mais une aide financière est insuffisante parce que ces institutions maintiennent une complicité en matière de corruption puisque « les loups ne se mangent pas entre eux ». La nomination d’observateurs internationaux à certains postes au sein des organes de contrôle devrait être envisagée comme cela se passe dans les forces armées, où le détournement a diminué grâce à l’introduction d’un mécanisme de versement des salaires indépendant de la chaîne de commandement institué par l’UE.

Conclusion

Depuis sa création la population de la République démocratique du Congo a été incapable de profiter de ses richesses naturelles. À la lumière de cet article, on ne peut que constater que l’une des principales raisons de ce problème est la corruption endémique qui a été érigée en un vrai système affectant tous les secteurs même ceux en dehors des ressources naturelles. Heureusement, la situation n’est pas irréversible et une coopération des autorités congolaises avec la communauté internationale peut contribuer à sortir le pays de l’instabilité. Mais la balle est dans le camp des élites congolaises, sans leur coopération rien n’est possible. Si la République démocratique du Congo est un cauchemar au paradis, la corruption en est le somnifère.

Papa Adama Ndour

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