La REVUE du CAIUM
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Le terrorisme d’extrême droite : un spectre de violence et de peur

Photo prise le 10 avril 2019 devant la mosquée Islamic Community Center. Photo: Khaoula El Khalil

terrorisme fascine et fait peur à la fois… et c’est son but ! Le terrorisme et l’extrémisme violent ne sont pas des phénomènes nouveaux, mais s’inscrivent dans des trajectoires historiques bien ancrées. Le terrorisme comme l’extrémisme violent sont des nébuleuses en constante mouvance puisqu’ils changent sans cesse d’endroits, de formes et d’aspects. On apprend ainsi qu’au Moyen-âge, des groupes comme la secte des Assassins, la branche armée du mouvement ismaélien de nizaris, avaient commis des actes terroristes extrêmement violents ; le terrorisme d’État en France avec la Révolution des années 1793–1794 ; la Terreur rouge avec la politique répressive du gouvernement bolchévique durant la guerre civile russe […]. Mais le terrorisme moderne, celui que l’on connait aujourd’hui, débute finalement qu’au dernier tiers du XIXe siècle, marqué par les mouvements anarchistes, à savoir des attentats: Oklahoma City (1995) ; 11 septembre 2001 aux États-Unis; Oslo et Utoya en Norvège (2011); la fusillade à Ottawa (2014); l’attentat de Nice le 14 juillet 2016; l’attentat de la grande mosquée de Québec (2017); la fusillade dans une synagogue de Pittsburgh le 27 octobre 2018; et encore plus récemment l’attentat de Christchurch le 15 mars 2019 et la suite d’attentats au Sri Lanka le 21 avril dernier. On s’aperçoit encore une fois l’existence non pas d’un terrorisme, mais bien « des terrorismes » (Campana 2018,12).

Pendant très longtemps, la tendance des gouvernements et des médias était de mettre l’accent sur le terrorisme religieux djihadiste et de surenchérir sur la question sécuritaire, cette position tend à mettre relativement à l’abri l’extrémisme de droite. Selon Kearns, Betus et Lemieux, le terrorisme de droite reste sous-étudié et sous-rapporté dans les médias (Kearns, Betus et Lemieux 2019)[1]. En effet, des récentes recherches montrent que l’extrémisme de droite est peu étudié même par la communauté académique : dans un article récent, basé sur les données de 3 442 articles, Bart Schuurman de l’Université de Leiden a démontré de manière empirique que la radicalisation et la violence d’extrême droite sont largement sous-estimées. En passant en revue les neuf revues universitaires de langue anglaise les plus importantes dans le domaine de la recherche sur le terrorisme entre 2007 et 2016, Schuurmann a découvert que, alors que 74,5% de tous les articles étaient consacrés à des groupes djihadistes, seuls 1,9% d’entre eux traitaient de mouvements d’extrême droite (Shuurmann 2019,8 )[2]. De même, ces projets sont souvent financer par les gouvernements: la recherche sur le terrorisme est toujours motivée par la dernière attaque et liée à des appels de financement influencés par le gouvernement(Shuurmann 2019,2).

D’autant plus que « la représentation du terrorisme d’extrême droite et du terrorisme d’État, par exemple, a sans doute contribué à favoriser la perception du terrorisme comme une chose qui est domaine exclusivement des acteurs non étatiques et pratiquement synonyme de djihadistes » (Traduction libre Shuurmann 2019,14)

À l’aide d’articles scientifiques, et d’une entrevue réalisée avec le professeur Samuel Tanner, professeur agrégé du département de criminologie de l’Université de Montréal et Membre du comité exécutif du Canadian Research Network on Terrorisme, Security and Society (TSAS), nous avons cherché à examiner les enjeux et débats existants entourant la définition de la notion de terrorisme et de l’extrémisme violent. Pour ensuite s’intéresser à la pédagogie de l’extrémisme de droite à savoir ses idéologies, ses dynamiques ainsi que ses modes d’action, notamment au rôle des médias sociaux et des influenceurs. Et, enfin, pour nous questionner sur le futur du terrorisme d’extrême droite et la responsabilité du gouvernement en matière de régulation du web.

I. Le terrorisme et l’extrémisme de droite: des définitions aux contours flous

« Le combattant de l’un est le terroriste d’un autre » : en effet, cette citation montre clairement la complexité et les questionnements que la notion du terrorisme sous-tend ; qu’est-ce qu’un acte terroriste et qu’est-ce qui n’en est pas un ? Cet acte relève-t-il de l’extrémisme violent ? Ou d’un simple geste de résistance ? Qu’est-ce qui est légitime et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Les critères définitionnels du terrorisme et de l’extrémisme de droite sont extrêmement nombreux et sont souvent très politisés. Et il n’existe pas de consensus autour de la définition ni dans la littérature scientifique ni dans l’opinion publique et encore moins dans le droit international [3]. Ainsi, on se rend compte que les notions de terrorisme et d’extrémisme violent sont insaisissables, élastiques et font l’objet de différentes interprétations dépendant de l’environnement social, politique et culturel dans lesquels ils évoluent [4]. Néanmoins, cela peut donner « une marge d’appréciation aux États dans son utilisation, qu’il s’agisse de justifier des régimes juridiques dérogatoires et exceptionnels, ou de stigmatiser un ennemi dans une perspective politique » .[5]

Ce manque de consensus autour d’une définition claire, précise et opératoire du terrorisme et de l’extrémisme violent peut fausser notre compréhension de ces phénomènes et retarde le processus de mise en place des politiques internationales pour contrer le terrorisme et maintenir ainsi la cohésion et la sécurité dans nos sociétés. Pour cet article, on fait recours à la définition classique du terrorisme : « l’utilisation de la violence à des fins politiques ou idéologiques par un groupe ou un individu » (Tanner, entrevue). Et pour l’extrémisme de droite : « On peut raffiner la question de l’idéologie. Ce sont plus des idéologies de replis, conservatrices, des idées contre l’immigration, promotion d’un certain type de citoyens. Cela concerne aussi des questions plus identitaires. » (Tanner, entrevue). Toutefois, sur quelles bases peut-on définir la nature terroriste d’un attentat ?

« Je pense qu’il faut faire une distinction entre une définition politique du terrorisme versus une définition juridique du terrorisme » , affirme le professeur Samuel Tanner en entrevue au CAIUM. « La définition juridique est complexe, car si on accuse quelqu’un de terrorisme alors il faut pouvoir le condamner en fonction de cette accusation-là. Or prouver au-delà de tout doute raisonnable l’intention terroriste d’un individu est extrêmement compliqué, [cela] entraîne le risque d’obtenir un arrêt des procédures voire à un non-lieu […]. Dans ce contexte-là on observe une requalification en deçà de l’accusation terroriste, pour meurtre, voies de fait dont on est plus certain d’aboutir à une condamnation de la personne. Finalement Alexandre Bissonnette n’a pas été condamné pour terrorisme ! »

En effet, le Tribunal avait estimé que « les actes posés par l’accusé le 29 janvier 2017 ne peuvent être qualifiés de “terroristes’’ »[6]. En vue de l’article 83.01 du Code criminel, un acte terroriste se définit « comme un acte commis à la fois au nom d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, religieuse ou idéologique, en vue d’intimider toute ou une partie de la population quant à sa sécurité ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s’en abstenir » (R. v. Granados-Arana, préc., note 292. ). Ainsi Bissonnette a été condamné pour meurtres multiples dont six meurtres de premier degré et 6 tentatives de meurtre (R. c. Bissonnette 2019)[7]. Le 8 février 2019, le juge François Huot de la cour supérieure avait déclaré qu’Alexandre Bissonnet devait faire 40 années d’emprisonnement avant d’être éligible à une libération conditionnelle : « le bénéfice de la libération conditionnelle d’Alexandre Bissonnette sera subordonné à l’accomplissement d’au moins 40 ans de sa peine. » [8]

« Pour la définition politique, la question politique du terrorisme est délicate parce que forcément vu le monde opératoire et vu les faits, la question du terrorisme c’est à dire de l’intention [d’utiliser ] la violence contre un groupe pour son appartenance, sa religion, sa culture, etc. peuvent sembler manifestes, mais ces questions sont très instrumentalisées. »

II. Le terrorisme d’extrême droite : Idéologies, dynamismes et médias

1. Le terrorisme d’extrême droite, un phénomène nouveau?

Les préoccupations politiques relatives à la question du terrorisme se sont beaucoup centrées sur le terrorisme islamiste, djihadiste notamment, avec l’État islamique, Al-Qaïda auparavant et la droite demeurent sous les radars une bonne partie. Le professeur Samuel Tanner explique que c’est à partir de l’attentat d’Oslo et Utoya commis par Anders Behring Breivik en Norvège le 22 juillet 2011 que « les choses ont changé, ont basculé dans la mesure où on a réalisé que le terrorisme pouvait être fait par d’autres groupes ». De plus, l’extrémisme de droite « n’est pas nouveau : le mouvement suprématiste blanc, le mouvement des milices aux États-Unis sont présents depuis de nombreuses années ». On peut penser aussi à l’attentat d’Oklahoma City[9]. Même si le terrorisme d’extrême droite n’est pas nouveau, le professeur note l’inexistence de l’extrême droite dans les politiques gouvernementales canadiennes pendant très longtemps : « Quand on a commencé à lancé nos recherches en 2013–2014, dans les politiques gouvernementales canadiennes, l’extrême droite n’existait pas en matière de prévention de la violence; de prévention de la radicalisation; prévention du terrorisme. On s’était rendu compte à l’époque que ça faisait une vingtaine d’années qu’il n’y avait pas eu de recherche sur l’extrême droit au Canada. C’est vrai que c’est très récent finalement que l’extrême droite est abordée frontalement par les politiques gouvernementales et je dirais un des actes les plus récents c’est la mise sur pied d’un fond attribuer à une collègue de Ontario Institute of Technology , Barbara Perry d’un fond d’à-peu-près 350 000$ pour étudier la question d’extrême droite au Canada. »

2. Radicalisation et extrémisme violent

Pourquoi ces personnes se radicalisent? Comment l’extrémisme idéologique fait basculer ces gens dans la radicalisation menant à la violence? Encore une fois, la notion de radicalisation ne fait pas consensus. Si bien que ce terme n’apparait que réellement à partir des années 2006 dans les deux principales revues anglo-saxonnes consacrées au terrorisme[10]. La raison est que cette notion sert avant tout des choix politiques puisqu’elle devient un « outil de stigmatisation et de sécurisation d’une communauté (musulmane) dont les pratiques culturelles étaient ainsi associées à l’usage de la terreur »[11].

Cela tend à minimiser les actions perpétrées par des extrémistes autres que djihadistes[12] Les définitions académiques souffrent aussi du manque de précision, car les chercheurs tentent de définir différents types de radicalisation à savoir la radicalisation violente ou non-violente (ou cognitive) : « La tenue de vues radicales n’inclut pas nécessairement ni ne conduit inévitablement à l’acceptation de la terreur comme une tactique. » [13].

« Nous retenons pour cet article, la définition de Schmid, qui définit la radicalisation comme “un processus individuel ou collectif (de groupe) par lequel, généralement dans une situation de polarisation politique, les pratiques normales de dialogue, de compromis et de tolérance entre les acteurs politiques et les groupes ayant des intérêts divergents sont abandonnées par un ou les deux camps dans une dyade de conflit en faveur d’un engagement croissant à s’engager dans des tactiques conflictuelles de conflit de guerre. Ceux-ci peuvent comprendre soit (i) l’utilisation de la pression (non violente) et de la coercition (II) diverses formes de violence politique autres que le terrorisme ou (III) les actes d’extrémisme violent sous forme de terrorisme et de crimes de guerre. Le processus est, du côté des factions rebelles, généralement accompagnées d’une socialisation idéologique loin du courant dominant ou du statu quo — positions orientées vers des positions plus radicales ou extrémistes impliquant une vision du monde dichotomeuse et l’acceptation d’un autre point focal de mobilisation politique en dehors de l’ordre politique dominant puisque le système existant n’est plus reconnu comme approprié ou légitime. » [14]

Le facteur commun entre et l’extrémisme violent est essentiellement l’idéologie. En effet, selon Martha Crenshaw « l’engagement idéologique partagé et la solidarité de groupe sont des déterminants beaucoup plus importants du comportement terroriste que les caractéristiques individuelles » [15]. La radicalisation sous-tend une quête sans cesse de sens, la réponse à des questions, un besoin d’appartenance. Les idées extrémistes sont la source même de la radicalisation. Puisque l’extrémisme djihadiste ou l’extrémisme de droite entretiennent des idées, des croyances, des frustrations qui vont finir par conduire l’individu au bord d’un précipice et de l’irréparable qui est l’acte terroriste (Info radical, page 7)[16]. L’extrémisme de droite se base sur cette dualité du « Nous » et de « l’Autre ». « L’ Autre » serait une menace pour le « Nous », celui qui menace notre identité, nos valeurs, notre culture, notre histoire. L’extrémisme se nourrit donc de ces peurs, de ces incertitudes, de ces doutes ainsi que de ses stéréotypes et préjugés qui l’entretiennent activement dans nos sociétés.

3. La toile médiatique : levier pour l’extrémisme violent?

L’émergence de la technologie et des outils de communication (Internet, réseaux sociaux) à l’échelle mondiale a créé un véritable décloisonnement virtuel. L’internet “ facilite l’extrémisme violent en permettant la propagation de l’idéologie à travers l’Internet “[17] . À titre d’exemple, l’attentat des deux mosquées à Christchurch en Nouvelle-Zélande marque « un élément important dans la transformation de ce type de tuerie de masse », affirme le professeur Samuel Tanner. Selon lui, « il n’y avait aucune tuerie à ma connaissance qui a été organisée dans le but de devenir un produit à visionner pour d’autres sur le web et en plus il fait beaucoup de références à des personnes clés du web […]c’est complètement référencé et c’est diabolique, mais ça marche ! »L’attentat a été minutieusement orchestré, il s’agit clairement « d’une mise en scène, l’auteur de la tuerie a prémédité ce qu’il allait faire en se lançant sur Facebook en direct et en ayant une caméra sur son casque » . Un peu comme une sorte de jeu vidéo.

Des influenceurs et des médias sociaux diaboliques

L’extrémisme de droite a passé à la vitesse supérieure et la violence a un niveau avancé. Non seulement ils bénéficient d’une couverture médiatique accrue, mais les extrémistes de droite ont une reconnaissance politique et sont représentés aussi dans les instances de l’état comme le parlement. De plus les médias traditionnels permettent de forger nos représentations du terrorisme et la construction de l’image terroriste. Le rôle des influenceurs sur le web ne doit pas donc être négligé.

Des personnes extrêmement influentes sur le web comme Mino yiannopoulos qui s’était autoproclamé « plus grand super-vilain d’Internet » [18] ou encore Richard spencer [19]sont affilié à cette sorte de mouvement qu’est l’Alt-Right. Ce que le professeur Samuel Tanner remarque, c’est que ces influenceurs « maîtrisent très bien les plateformes numériques et les outils de communication ». Et comme « YouTube contrairement à des moteurs de recherche comme Google ou d’autres plateformes n’est pas un agrégateur de contenu » , il y a « un vide de données un data void sur YouTube , YouTube a besoin qu’on lui injecte du contenu. » Les influenceurs du web qui sont affiliés à cette « droite identitaire, droite libertarienne, droite nationaliste, white suprémaciste produisent du contenu qui va être relayé sur YouTube et qui va être consulté grâce aux algorithmes de recommandations. »

Capture écran Twitter.Crédit photo:https://static.cnews.fr/sites/default/files/styles/image_640_360/public/pepe_the_frog_sad.jpg?itok=M43Ptmzc

Ces contenus vont être visionnés, partagés par d’autres utilisateurs et la chaine de réaction va continuer jusqu’à ce qu’on se retrouve dans un cercle vicieux, car la même information se démultiplie et se diffuse partout dans le monde. Selon la théorie de l’acteur réseau (Actor-Network Theory) [20], on suppose l’existence d’une « médiation technique entre l’objet et l’humain ou deux actants humain et non humain [de plus on assiste à ] un échange de propriété qui se fait, c’est-à-dire que la technologie va servir l’individu, mais va dépasser l’intention que l’individu avait auparavant cette médiation technique elle va produire à un moment donné un nouvelle actant [Agent de l’action, représenté par un substantif] qui va être plus que la somme de l’actant humain et non humain et c’est là qu’intervient la notion du mème ». (Selon l’Oxford English Dictionary, un « mème » est un élément d’une culture ou d’un ensemble de comportements qui se transmet d’un individu à l’autre par imitation ou par un quelconque autre moyen non génétique.)

« Le mème est à la culture ce que le gène est à l’espèce ». À ce sujet on peut rappeler l’exemple de Pepe la grenouille qui au début n’était qu’un personnage de fiction créée par Matt Furie dans les comics Boy’s Club paru en 2005. Mais durant la campagne présidentielle des États-Unis en 2016, Pepe la grenouille a été réapproprié par les extrémistes américains et devient dès lors un symbole effectif du mouvement suprématiste blanc. D’ailleurs, Pepe la grenouille fut ajouté à la liste des symboles raciste par la Ligue anti-diffamation (ADL)[21]. L’auteur de l’attentat de Christchurch utilise aussi des mèmes, que ce soit de la culture d’Internet en invitant les gens à s’abonner à PIE DIE PIEW[22] ou encore ses armes où on voit clairement écrit et dessiner des symboles liés à l’extrême droite. Ainsi, les influenceurs vont créer une culture d’Internet autour des mèmes: des symboles, des images, des objets qui vont avoir une signification symbolique pour les personnes membres et qui s’associent à ces mouvements extrémistes.

Le commentaire de Robert Bowers sur Gab.Crédit photo https://i.cbc.ca/1.4881407.1540675000!/cpImage/httpImage/image.jpg_gen/derivatives/original_780/shooting-synagogue-suspect.jpg

Laura Huey explique que Daesh utilise aussi toute une symbolique de solitude comme le DJIHADI COOL pour justement séduire les jeunes. Elle explique comment le djihadisme militaire est transformé pour devenir un élément à la mode qui est « cool » et qui séduit le public plus jeune par le biais des médias sociaux, des vidéos, des vêtements […] [23]. Frederick Jameson définit le « Cultural Jamming » (ou sabotage culturel en français) comme une forme de « politique culturelle qui permet aux brouilleurs de se confronter à la société de l’image en sapant l’image au moyen de l’image elle-même, en implosant ainsi sa logique et en présentant le spectateur avec un sens alternatif, souvent ironique ou satirique. » [24]

L’attentat de la synagogue de Pittsburgh a été lui aussi motivé par une idéologie d’extrême droite.[25]

L’auteur de l’attentat Robert Bowers a utilisé les réseaux sociaux pour préméditer son acte. Avant l’attentat, Bowers a publié sur son compte Gab un commentaire faisant référence à la HIAS (Hebrew Immigrant Aid Society): « HIAS likes to bring invaders in that kill our people. I can’t sit by and watch my people get slaughtered. Screw your optics. I’m going in. » [26]

En créant ainsi une atmosphère d’angoisse et de tension, le terrorisme se sert des moyens de communication afin de favoriser la mobilisation des militants et de l’opinion publique.[27] De même, les médias participent à la construction de l’imaginaire collectif (perception vis-à-vis de l’immigration, du chômage, de la sécurité, de l’identité) et diffuse une culture de violence qui nourrit le terrorisme.[28]

D’autres mouvements comme La Meute, au Québec, — un groupe de pression identitaire et nationaliste crée en octobre 2015 par Éric Venne et Patrick Beaudry, deux anciens membres des Forces armées canadiennes en réaction à la décision des autorités canadiennes d’accueillir 25 000 réfugiés syriens dans le pays [29] — galvanise l’opinion publique.

Toutefois, La Meute ou encore Sauvons Calais sont des plateformes qui vont « offrir des réponses extrêmement simples pour des problèmes ultras complexes, mais ça rassure. […] Ces plateformes fonctionnent comme une bulle informationnelle ou chambre à écho ou les informations, les idées, les croyances sont amplifiées par la communication et la répétition dans un système défini. »

III. Le futur du terrorisme de l’extrémisme de droite Les démocraties face au terrorisme 1. L’État a-t-il le droit de surveiller les réseaux sociaux? Faut-il renoncer aux principes démocratiques pour lutter contre le terrorisme? Quelle est la part de responsabilité des gouvernements?

Le danger de ces plateformes est la « désinformation, les fake news » soulignent le professeur Samuel Tanner. De plus, « ces plateformes n’attendent qu’une chose, c’est chauffer les gens, les mettre en colère en espérant que l’un ou l’autre [perdra le contrôle de soi] ». « Ces plateformes ne vont jamais dire ‘‘faites ceci ou cela, aller tuer ou autre on laisse toujours aux gens le dernier centimètre de réflexion’’ », explique le chercheur.

« La régulation du web, c’est comme l’écologie. Si le Canada décide d’instaurer des lois extrêmement sévères par rapport à la régulation du contenu, on peut toujours utiliser des proxy et passer par des hébergeurs ou des serveurs qui ne sont pas sur le territoire canadien et c’est pire. La régulation du web est complexe, [car elle implique à la fois] le citoyen, les fournisseurs d’accès et les grosses compagnies : Google, Facebook […] et cela impliquent aussi les autorités », estime le professeur Samuel Tanner.

2. La montée de l’extrémisme ici au Canada et au Québec peut-elle aboutir à une radicalisation des personnes et mener ainsi à un acte terroriste? Sommes-nous à l’abri du terrorisme ici au Canada…

« L’État a quand même un rôle important au niveau de la régulation même s’il n’a pas forcement toutes les ressources : il a le pouvoir de faire pression sur les compagnies Facebook-spectre qui agite les gouvernements par rapport à Google YouTube et Facebook à nos jours. Les gouvernements veulent rendre ces compagnies responsables de leur contenu ». D’ailleurs, Facebook est poursuivi en justice en raison de sa gestion très controversée des données personnelles des dernières années. Selon la Federal Trade Commission (FTC), Facebook risque d’avoir des amendes très salées, pouvant aller jusqu’à 5 milliards de dollars américains pour violations des données personnelles.[30]

« Pour moi ce dont il faut faire attention, c’est que l’extrême droite est très visible en ce moment parce qu’on en parle beaucoup. Ce qui m’inquiète c’est ce rapport a l’information je pense qu’il y a un travail d’éducation à l’information, à la manière dont on comprend l’information qui doit être faite. Sans cela j’ai bien peur que ces gens aient passablement de pouvoir et quand je dis ces gens-là je parle des influenceurs. » Samuel Tanner estime que pour faire évoluer les recherches sur la question du terrorisme et de l’extrémisme de droite il est impératif de s’intéresser davantage « aux pratiques de consommation des jeunes. Comment les jeunes utilisent les médias sociaux, comment ils s’informent ? Qu’est-ce qu’ils font avec cette information ? Est-ce qu’il la compare ? Quelles sont les pratiques médiatiques de ces jeunes ? »

Prenons par exemple l’activiste de droite Lauren Southern, qui s’était déjà présentée candidate pour le parti libertarien en Colombie-Britannique pour les élections fédérales de 2015 et travaillait à Rebel Media [31]Elle détient notamment une chaine YouTube. Le professeur Samuel Tanner explique que Southern « fonctionne comme un troll sur le web » . Elle a la « volonté de provoquer, de créer le débat pour attirer l’attention sur elle et à partir de là elle diffuse son discours. Elle vient frapper là où c’est sensible, là où les gens sont mal à l’aise, […] là où les gens se sentent vulnérables ; on frappe là où c’est mou! Ce qui fait peur c’est qu’au niveau de Lauren Southern, on n’est plus de l’ordre de l’extrémisme de droite avec des croix gammées : ce sont des dinosaures qui n’occupent plus le terrain de la violence. Je pense que c’est ça qui est très inquiétant : il y a raison de garder ça à l’œil et être très attentif dans la manière dont ils utilisent les médias pour transmettre » leur message.

[1] Kearns, E. M., A. Betus, and A. Lemieux. 2019. “Why Do Some Terrorist Attacks Receive More Media Attention than Others?” Justice Quarterly, Online First

[2] 2 Bart Schuurman (2019): Topics in terrorism research: reviewing trends and gaps, 2007–2016, Critical Studies on Terrorism.

[3] Beaucher, Serge.2019. Qui a peur du terrorisme. En ligne http://www.contact.ulaval.ca/article_magazine/qui-a-peur-du-terrorisme-1171/

[4] Staiger, I., R. Letschert, A. Pemberton et K. Ammerlaan.2008. Victims of Terrorism: Towards European Standards for Assistance, rapport du European Forum for Restorative Justice.

Weinberg, L., A. Pedahzur, et S. Hirsch-Hoefler. 2004. “ The Challenge of Conceptualizing Terrorism “, Terrorism and Political Violence, no 16, p. 777. Extrait le 5 juin 2008 de la base de données Informaworld.

Fletcher, G. P. 2006. “ The Indefinable Concept of Terrorism “. Journal of International Criminal Justice, no 4, p. 894.

[5] Dubuisson, François. “ La définition du “ terrorisme “ : débats, enjeux et fonctions dans le discours juridique “, Confluences Méditerranée, vol. 102, no. 3, 2017, pp. 29–45.

[6] ( Harmelin v. Michigan, préc.p. 501) https://supreme.justia.com/cases/federal/us/501/957/).

[7] R. c. Bissonnette 2019. En ligne Http://t.soquij.ca/j8KTi

[9]L’attentat d’Oklahoma City est un acte terroriste perpétré le 19 avril 1995 par Timothy McVeigh.Ce dernier était adepte de l’idéologie de suprématiste blanche. Avec un véhicule piégé à l’explosif (2000 kilos d’explosifs) Cette attaque terroriste viser le bâtiment fédéral Alfred P. un vétéran de la guerre du Golfe âgé de 27 ans dont on a refusé l’entrée dans les forces spéciales. Résultat de l’attentat, on enregistre 168 morts. (Source : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=1584)

[10] Crettiez,Xavier et Sèze,Romain.2017. Saisir les mécanismesde la radicalisation violente :pour une analyse processuelleet biographique des engagements violents.Rapport de recherche pour la Mission de recherche Droit et Justice.Avril 2017.En ligne. http://www.gip-recherche-justice.fr/wp-content/uploads/2017/08/Rapport-radicalisation_INHESJ_CESDIP_GIP-Justice_2017.pdf

Crettiez, Xavier et Sèze,Romain.2017,8

[11] Staun,Jorgen.2010.”When, how and why elites frame terrorists: a Wittgenstein ananalysis of terror and radicalisation “, Critical Studies on Terrorism, vol. 3, n° 3, 2010, pp. 403–420. Jonathan Githens-Mazer, “ The rhetoric and reality: radicalization and political discourse , International Political Science Review, vol. 33, n° 5, 2012, pp. 556–567.

[12] Aurélie Campana, L’impasse terroriste. Violence et extrémisme au XXIe siècle, Éditions Multimondes, 2018. (Campana 2018,11 )

[13] Bartlett, J., Birdwell, J., and King, M. (2010) The edge of violence. A radical approach to extremism. London, Demos.

[14] Schmid, A. 2013.Radicalisation, De-radicalisation, Counter Radicalisation: A Conceptual Discussion and Literature Review International Centre for Counter Terrorism, The Hague. (Traduction libre Shmid 2013,18)

[15] Crenshaw, M. 2000. ‘The Psychology of Terrorism: An agenda for the 21st Century’, Political Psychology, vol. 21, no. 2( Jun 2000), pp. 405–420)

https://info-radical.org/wp-content/uploads/2019/02/GUIDE_LABOMBE.pdf

[16] Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence. Guide de la Bombe.En ligne.

[17] Flores,Ygnacio.2017. The Pedagogy of Violent Extremism. Bern, Suisse: Peter Lang US

(Fiores,Ygnacio 2017, 81)

Stevens, T. and Neumann, P. 2009. Countering Online Radicalisation: A Strategy for Action. International Centre for the Study of Radicalisation and Political Violence Policy Report. Avalable at: icsr.info/projects/thechallenge-of-online-radicalisation).

[18] Milo Yiannopoulos est journaliste britannique du site ultraconservateur américain Breitbart

[19] (Hail Trump, hail our people, hail victory !”, c’est en ces termes que Richard B. Spencer le président du National Policy Institute — un think tank de la mouvance de l’Alt Right fondé en 200 s’est exprimé” Plus loin dans son discours il déclare :L’Amérique était il y a encore une génération, un pays blanc fait pour nous et [pour assurer] notre prospérité. C’est notre création, notre héritage et elle nousappartient video:https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-richard-spencer-et-le-vrai-visage-de-lalt-right;https://www.youtube.com/watch?v=I0nQttz11dY ).

[20] La théorie de l’acteur réseau est une approche sociologique développée à partir des années 1980 par Michel Callon, Bruno Latour, Madeleine Akrich et d’autres chercheurs du Centre de sociologie de l’innovation de Mines

[21] site internet:http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/01/18/32001-20170118ARTFIG00014-pepe-l-histoire-d-une-grenouille-devenue-la-mascotte-de-l-extreme-droite-sur-internet.php ethttps://twitter.com/i/status/822600697560625154

[22] site internet:http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/01/18/32001-20170118ARTFIG00014-pepe-l-histoire-d-une-grenouille-devenue-la-mascotte-de-l-extreme-droite-sur-internet.php ethttps://twitter.com/i/status/822600697560625154

[23] Huey.2015.The University of Western Ontario-article:This is Not Your Mother’s Terrorism: Social Media, Online Radicalization and the Practice of Political Jamming). Daesh utilise aussi le “cultural jamming” Huey 2015,4)

[24] Jameson, F. 1992. Postmodernism, or the Culture of Late Capital. Durham, N.C.: Duke University Press. Page 409

[25] United States of America vs. Robert Bowers, Criminal Complaint, United States District Court for the Western District of Pennsylvania, October 27, 2018, https://www.justice.gov/usao-wdpa/press-release/file/1105371/ download.)

[26] Screenshot of Robert Bowers’ profile on Gab, October 27, 2018.

[27] Jerry Mander. Four Arguments for the Elimination of Television. Mapusa, Goa: Other India Press, 1998.

[28] FriedrichHacker, Terreur et terrorisme, Paris, Flammarion, 1976.;

Lima, L., C. S. Reis, P. Melo, F. Murai, L. Araújo, P. Vikatos, and F. Benevenuto “Inside the Right Leaning Echo Chambers: Characterizing Gab, an Unmoderated Social System”. IEEE/ACM

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[29] Samuel Tanner & Aurélie Campana (2019): “Watchful citizens” and digital vigilantism: a case study of the far right in Quebec, Global Crime.Page 8

[30] Isaac,Mike et Kang,Cecilia. Facebook Expects to Be Fined Up to $5 Billion by F.T.C. Over Privacy Issues 2019.En ligne.https://www.nytimes.com/2019/04/24/technology/facebook-ftc-fine-privacy.html

[31] Rebel Media est un site Web de médias de commentaire politique et social d’extrême droite canadien crée en 2015 par Ezra Levant, un avocat, chroniqueur et militant conservateur canadien.

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Le Comité des Affaires internationales de l'Université de Montréal

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Khaoula El Khalil

Rédactrice au CAIUM. Étudiante à la maitrise en science politique à l 'Université de Montréal.