L’innovation territoriale a besoin de l’Europe, et inversement — Retour sur nos Rencontres #CapDigital2022

Cap Digital
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8 min readJun 7, 2022

De retour après deux ans de distanciel imposé, les Rencontres 2022 de Cap Digital se sont tenues à la Cité des Sciences et de l’Industrie mardi 31 mai 2022. L’occasion pour notre équipe, nos adhérents et notre Gouvernance de (re)vivre un vrai moment de partage et de réflexion autour de notre modèle : une fabrique de l’innovation territoriale, où s’expérimente l’innovation au plus près du terrain avant de se déployer dans toute l’Europe. Retour sur les moments phares des talks et de la table ronde qui ont ponctué la matinée.

C’est bien connu, l’avenir appartient à celles et ceux qui se lèvent tôt. L’équipe Cap Digital a donc eu la bonne idée de commencer la journée aux alentours de 7h, à la Cité des Sciences et de l’Industrie. Cinq cafés et des kilos de matériel déchargés plus tard, il était temps d’ouvrir les portes de l’auditorium pour une Assemblée Générale en bonne et due forme, pilotée d’une main de maître par Charles Huot, Président de Cap Digital, et de lancer dans la foulée une journée d’interventions constructives autour de la question européenne : comment penser local et agir global ? En quoi la notion de communs est-elle primordiale pour réinventer nos politiques d’innovation ? Quelle place donner à l’engagement citoyen quand il s’agit d’innovation ? Comment appréhender le passage à l’échelle européenne dans son développement ? Comment redonner confiance en notre avenir à la jeunesse ?

Soutenir l’innovation à tous les échelons

Sur scène, c’est la Région Île-de-France, premier soutien de Cap Digital, qui ouvre le bal. Nelly Garnier, conseillère régionale et Déléguée Spéciale à la Smart Region rappelle d’emblée les fondamentaux : l’Île-de-France s’affirme depuis des années comme la première « Smart Region d’Europe » et peut compter sur une incroyable dynamique entrepreneuriale et académique qui fait le dynamisme et la compétitivité du territoire sur la scène européenne et internationale. Et l’édile de préciser qu’avec ses 1000 adhérents et sa capacité à faire de la transition écologique le nouvel horizon de l’innovation numérique, Cap Digital est un partenaire incontournable de l’exécutif régional.

Bruno Bonnell — Secrétaire Général pour l’Investissement.

En guise d’introduction, Bruno Bonnell, Secrétaire général pour l’investissement, a rappelé que “nous sommes tous en train de devenir des homo sapiens numériques”, et qu’il est urgent de reprendre la main sur cette part de nous-mêmes qui semble s’échapper dans le cloud — souvent américain — que l’on ne maitrise plus. Nous générons presque en continu des données numériques par nos comportements, et c’est la responsabilité de toutes et de tous de reprendre le contrôle de notre destin, en soutenant une innovation plus souveraine, plus inclusive, solidaire et durable.

“l’Etat est prêt à prendre beaucoup plus de risques que des VCs traditionnels.”

C’est d’ailleurs toute l’idée du plan d’investissement “France 2030” présenté par Emmanuel Macron en octobre 2021 et piloté par Bruno Bonnell : répondre aux grands défis environnementaux et sociétaux par le biais de l’innovation et accélérer le développement d’acteurs émergents (start-up, TPE et PME) dans les années à venir. 50% de l’enveloppe globale de 54 milliards d’euros leur seront d’ailleurs dédiés aux projets à impact car “l’Etat est prêt à prendre beaucoup plus de risques que des VCs traditionnels. Il ne faut pas simplement rester dans une idée de rentabilité à court et moyen-terme” précise Bruno Bonnell.

Ce soutien doit se faire en collaboration avec l’Europe, notamment sur les grands projets européens. C’est, d’après le patron du SGPI, une chance assez unique pour l’Union Européenne de marquer sa singularité dans la construction de nouveaux modèles économiques liés à l’innovation. C’est aussi, pour Akim Oural, adjoint au maire de Lille, élu de la Métropole européenne de Lille et Président d’OpenDataFrance, la direction que donne le Nouveau Bauhaus européen en cours de développement : faire de l’ensemble des projets portés par les entreprises innovantes des projets sociétaux, inclusifs et à impact positif. Daniel Gassmann, Head of Sector Ecosystems and EIC Prizes and Procurement à l’European Innovation Council and SMEs Executive Agency, EISMEA, a quant à lui rappelé combien il était important d’avoir “un environnement propice à l’innovation au niveau local, et la possibilité d’accéder facilement à d’autres écosystèmes, notamment européens. On ne peut pas dissocier l’innovation de l’international, ce sont deux facteurs extrêmement liés.”

Embarquer les citoyens dans la réflexion

Pour que ces actions de l’Etat et de l’Europe soient de vrais accélérateurs pour nos entreprises et pour la société dans son ensemble, d’autres acteurs majeurs doivent être impliqués dès le départ, ce sont (bien évidemment) les citoyens et citoyennes. “France 2030 n’est pas un plan top down, c’est là où c’est une innovation, c’est un plan démocratique : on invite les gens à proposer des solutions pour atteindre les objectifs”, rappelle Bruno Bonnell.

“Il est important de comprendre que la ville intelligente n’a rien à voir avec la technologie en soi.”

C’est aussi le point de vue défendu par Francesca Bria, Présidente de l’Italian national innovation fund & ex-CTO de Barcelone, qui depuis plus de 15 ans mène des projets d’envergure dans le domaine des villes intelligentes, des données personnelles et de la souveraineté numérique. Pour elle, “il est important de comprendre que la ville intelligente n’a rien à voir avec la technologie en soi. Lorsque nous parlons de ville numérique, nous pensons connectivité, blockchain, 5G, quantique et j’en passe, mais la nouvelle tendance technologique n’est pas ce qui va résoudre les grands défis auxquels nous sommes confrontés”. Aux services publics de raisonner comme des start-up : “il faut commencer par les enjeux fondamentaux des populations, les enjeux sociaux et environnementaux que sont par exemple le logement abordable, les transitions verte et énergétique, la lutte contre le changement climatique, la mobilité durable, la reconquête de l’espace public dans nos villes, de meilleurs soins de santé, une meilleure éducation, de meilleurs emplois etc”.

Il faudrait donc d’après Francesca Bria prendre la question de l’innovation par l’autre bout pour définir les véritables objectifs politiques et faire de la technologie un outil d’utilité commune. Pour cela, il faut pouvoir consulter la population et la faire participer aux décisions affectant leur vie quotidienne.

Encadrer, réguler et mettre en commun

Toutes et tous sur scène ont aussi rappelé les enjeux de la convergence qui doit se faire entre les territoires et l’Europe, en soulignant l’importance de la notion de communs. Pour François Cuny, Délégué général à l’innovation de l’Inria, “le sujet des infrastructures et des communs est un sujet majeur. Il faut travailler en réseaux, et se rendre compte que c’est une question d’argent qu’on investit. L’infrastructure, c’est de la dépense.

La question n’est donc pas tant de trouver une voie pour « combattre les GAFAM », mais de savoir dans quel monde on veut vivre demain. Pour Akim Oural, “entre automatisation et humanisation, entre immédiateté et sérénité, entre matérialisme et symbolisme, la question simple c’est de savoir quels sont les services qui répondront le mieux aux besoins des citoyens ?”.

Encadrer, réguler mais aussi simplifier

En conclusion des plénières, la députée européenne Stéphanie Yon-Courtin est revenue sur les enjeux de régulation en s’appuyant sur le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA) ; récemment adoptés à Bruxelles.

“Le principe de la régulation est simple : tout ce qui est interdit hors ligne doit l’être en ligne”

L’ère de l’auto-régulation est terminée et l’Europe s’affirme petit à petit comme un moteur de définition de standards internationaux sur la régulation du numérique et des plateformes. Mais “l’Europe ne doit pas être juste un continent qui régule” ajoute la députée. “Ces standards doivent répondre à des objectifs” et accompagner une stratégie commune à l’échelle européenne. C’est en tout cas une partie de la promesse des DMA et DSA qui sont au cœur de l’actualité depuis plusieurs mois. Quant à la préférence communautaire européenne en termes d’innovation, Stéphanie Yon-Courtin défend la mise en place d’une stratégie claire de soutien privé et public pour investir massivement dans le leadership européen. Du côté de l’accès à la commande publique européen, la députée invite l’assistance à défendre un modèle de préférence européen ; comme c’est le cas aux USA ou en Israël précise-t-elle.

Et même si l’appartenance à un marché commun européen semble être la voie plébiscitée par tous, nombreuses sont les entreprises innovantes à dénoncer une certaine complexité dans la manière d’aborder les mécanismes existants ; particulièrement quand on manque de temps et de ressources. Les dispositifs et supports locaux et européens sont très (trop ?) nombreux. Une bonne chose d’après Julien Camus, Directeur administratif de la startup Kayrros, mais “ce n’est pas facile de naviguer dans tout cet écosystème, cela prend du temps (…) Les appels à manifestation d’intérêt sont des solutions assez efficaces pour faire du matchmaking entre les solutions innovantes et les besoins des utilisateurs locaux.” Mais pourquoi passer par un dispositif européen pour toucher un acteur local français quand on est une start-up du territoire ?

Stéphanie Yon-Courtin, Députée européenne (ReNew Europe).

Le message est clair : pour faire corps avec le monde de l’innovation, il faut apprendre à mieux connecter les opérateurs locaux et simplifier le champ lexical des marchés publics. En attendant un éclaircissement, il reste l’option des structures d’accompagnement, comme Cap Digital, qui se sont spécialisées ces dernières années sur les projets européens (à bon entendeur!).

Redonner confiance à la jeunesse et l’accompagner par la formation

Pour dessiner cette Europe des transitions, le public comme le privé auront besoin de renouer avec la jeunesse, qui semble en pleine perte de confiance vis-à-vis de la science et des perspectives pour son avenir. Bruno Bonnell persiste à croire qu’il “faut parler d’enthousiasme, de solutions, de qualité scientifique. Il faut faire le pari que ce sont cette force de conviction et cette répétition qui vont changer les choses.” Un volontarisme que l’on retrouve chez Francesca Bria, qui souhaite travailler en priorité “avec des jeunes qui ressentent plus que quiconque l’urgence du changement, l’urgence de la justice climatique, qui sont vraiment désireux de transformer cette société”.

Pour François Cuny, c’est même le point le plus important pour les 20 prochaines années : il faut accompagner et former la jeunesse. “La transformation passe par la formation”, et cela doit être une priorité pour tous, à tous les niveaux, si on ne veut plus voir nos talents s’enfuir vers d’autres horizons.

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