Noisy-le-Grand : « l’innovation nous permet de faire les bons choix et d’accélérer notre transition énergétique »

Cap Digital
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7 min readMay 2, 2024

Nous avons souhaité en savoir plus sur la stratégie d’innovation de notre nouvel adhérent, la ville de Noisy-le-Grand, en allant à la rencontre de Philippe Sajhau, Directeur de la ville intelligente, de l’innovation et de la donnée et ancien VP d’IBM France. Interview.

Philippe Sajhau, Directeur de la ville intelligente, de l’innovation et de la donnée et ancien VP d’IBM France.

Pouvez-vous nous présenter dans les grandes lignes la stratégie d’innovation de la ville de Noisy-le-Grand ?

Avant toute chose, il faut rappeler un point essentiel : Noisy-le-Grand, c’est une ville de 70 000 habitants qui est un peu la tête de pont de l’Est de Paris. Historiquement, elle a été le symbole de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, il y a une cinquantaine d’années. A l’époque, Marne-la-Vallée avait cette particularité de ne pas être un seul et même espace urbain, comme les autres villes nouvelles, mais un ensemble de villes, avec une ambition assumée : faire du quartier d’affaires du Mont d’Est à Noisy-le-Grand le pendant du quartier de la Défense à l’Est de Paris. Ce quartier, aujourd’hui en renouveau, est devenu la priorité de Brigitte Marsigny, Maire de Noisy-le-Grand depuis 2020.

Autre particularité : Noisy-le-Grand est une ville assez variée en termes de population et d’aménagements urbains. Nous avons des maisons en bord de Marne, des grands ensembles, des quartiers résidentiels plus larges etc.

Notre objectif, en tant qu’équipe municipale, c’est de redynamiser l’attractivité de Noisy-le-Grand en misant sur l’innovation et le développement d’une ville intelligente et durable, ce dernier point étant évidemment le plus important. Quant au volet « intelligente et innovante », il est devenu absolument structurant. D’après nous, il faut devenir un territoire d’expérimentations pour les innovations de la ville, pour nous-mêmes et pour tous les autres territoires qui nous regardent.

Pour que cela fonctionne, c’est d’après nous une question de compétence et d’équipe. Nous avons dès le début fait le choix peu courant d’avoir un adjoint dédié à la question de l’attractivité et de la ville intelligente, Harald Poillot, et une ressource à plein temps chargée de l’innovation. Nous sommes aussi en mesure de porter cette dynamique grâce à un budget dédié et à une vision politique claire. A terme, nous souhaitons aussi avoir un lieu d’innovation pour créer un showroom des expérimentations menées dans la ville ou les villes de la Métropole du Grand Paris.

Quelles sont aujourd’hui vos priorités et principaux objectifs ?

Un des premiers objectifs auquel je pense, c’est de continuer à être visible de l’écosystème innovant et à travailler avec des grands groupes en tant que partenaires d’innovation. Voici plusieurs exemples d’expérimentations qui ont été rendues possibles grâce à cette approche partenariale :

o Un partenariat avec la RATP sur de la reconnaissance d’images via des caméras qui pourraient être embarquées dans les bus ;

o Un partenariat avec une filiale de VINCI, Resallience, pour dresser une carte de nos vulnérabilités aux aléas climatiques à longue échéance (2050) ;

o Un partenariat avec GRDF dans le cadre du programme CIVIGAZ, afin d’aider 800 familles à ne pas tomber dans la précarité énergétique.

En plus de cela, il est très important pour nous de développer des collaborations avec d’autres acteurs clés de l’innovation : les start-up et PME. C’est d’ailleurs dans cette optique que nous avons répondu présents à l’appel à projets de la Métropole du Grand Paris « Quartiers Métropolitains d’Innovation », dont nous sommes lauréats 2023 aux côtés d’Aulnay-sous-Bois, Meudon et Sceaux. L’objectif ? Mener à bien huit expérimentations de solutions portées par des start-up et PME innovantes sur la commune d’ici la fin de l’année.

Nous devons continuer à saisir des opportunités, notamment via le soutien de Cap Digital, et répondre aux appels à manifestions d’intérêt susceptibles de nous intéresser pour contribuer aux financements de ces projets..

Finalement, en activant ces différents leviers, nous poursuivons un seul objectif : préfigurer le futur et transformer la façon de travailler dans la ville. Démontrer que le numérique et l’innovation peuvent aider les agents dans leurs métiers, et que si on capte les bonnes innovations au bon moment, nous pouvons faire mieux, que ce soit au niveau des matériaux, des processus ou encore des données.

Comment faites-vous pour sensibiliser vos concitoyens à ces grands projets de transformation ?

Cela se fait progressivement. L’enjeu, c’est de faire en sorte que l’innovation ne soit pas perçue comme un joujou de quelques élus. J’ai toujours été surpris que les villes n’aient pas de service R&D, alors que les entreprises dépensent 1 à 6% de leur chiffre d’affaires en recherche et développement. Cela n’existe pas dans l’organisation des villes. Alors faire de l’innovation, c’est en quelque sorte une manière de remplacer ce manque.

Et pour que cela soit bien compris, il est primordial de bien communiquer. Au fur et à mesure de l’avancement des projets, nous restons en lien avec la population, que ce soit pour les mobiliser, les informer et/ou leur partager l’état d’avancement des expérimentations en cours.

Vous souhaitez ouvrir en 2025 un lieu d’innovation, sera-t-il justement accessible à tous ?

L’idée du showroom de l’innovation et de l’inclusion que nous souhaitons ouvrir en 2025 c’est pour proposer à la fois un endroit où on montre des innovations à des acteurs économiques avertis ou aux élus d’autres villes, mais aussi de créer un lieu d’accueil des élèves ou des habitants et un lieu d’inclusion pour la population, avec notamment des conseillers informatiques disponibles sur place. Un autre enjeu qui nous tient particulièrement à cœur, c’est de faire venir la jeunesse, avec par exemple un tout premier événement début mai : un hackathon sur l’IA, autour de 3 thèmes (la reconnaissance d’image, l’orientation scolaire et le gaspillage dans les cantines).

En quoi la stratégie que vous nous présentez aujourd’hui répond-t-elle aux enjeux spécifiques des villes médianes ?

Si on parle bien au niveau de la ville (et non de l’agglomération, de la communauté urbaine ou de la métropole), il y a des compétences que nous n’avons pas : les déchets domestiques, le réseau de l’eau, les énergies de réseaux, les transports etc. Et cela change tout car au départ, les enjeux de la « ville intelligente » se concentraient surtout sur ces réseaux-là. La première problématique qu’une ville moyenne rencontre, c’est donc celle du manque de compétences : la stratégie d’innovation doit donc être adaptée à un périmètre bien précis.

La deuxième chose, c’est qu’une ville moyenne, donc de 30 000 à 100 000 habitants, attire beaucoup moins les grands groupes qu’une métropole et ses grands marchés. Il n’y a pas d’intérêt spontané de leur part vis-à-vis de nous, c’est une réalité. Il faut donc susciter l’intérêt en communiquant davantage sur nos initiatives.

Pour autant, les défis auxquels nous devons faire face sont les mêmes que les autres, l’adaptation au changement climatique en tête : gestion de la pollution, mobilité partagée, verdissement de la ville etc. Pour tous ces défis, si vous ne testez pas des solutions innovantes, si vous ne cherchez pas des moyens de se faire aider par la donnée, si vous ne rencontrez pas de nouveaux fournisseurs, vous n’avancerez pas. D’autant que la « smart city », ce n’est pas un produit sur étagère, c’est une transformation en continue qui ne connait pas de fin.

En quoi l’innovation vous aide-t-elle justement à renforcer votre engagement dans la transition énergétique ?

Dans la transition énergétique, il y a plusieurs choses, dont certaines qui ne dépendent pas vraiment de la ville. Alors à notre niveau, nous avons lancé plusieurs initiatives : le déploiement d’un système de pilotage en temps réel de nos consommations énergétiques avec de l’IA (le projet RECITAL), l’audit de notre propre production d’énergie et la mise en place d’une centrale biomasse pour la piscine municipale, ou encore notre intégration à l’appel à projets de la MGP sur la solarisation des toits avec une analyse exhaustive de nos 200 bâtiments. En résumé, on peut dire que l’innovation nous permet de faire le bon choix parmi toutes les possibilités offertes sur le marché, et d’accélérer notre transition énergétique.

Le projet RECITAL (Réduction des Consommations Immédiates et à Long Terme) s’inscrit dans cette dynamique. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’état d’avancement du projet ?

En 2022, le constat a été sans appel : sur la question de la sobriété énergétique, sans innovation, on ne s’en sortirait pas. Nous avons donc réalisé un sourcing avec un axe énergétique et numérique, et avons cherché un moyen de se faire épauler et financer à travers l’appel à projets « Territoires Intelligents et Durables » lancé par le Gouvernement et conduit par la Banque des Territoires, les données récoltées ayant permis d’estimer le budget d’investissement nécessaire aux travaux de rénovation du patrimoine immobilier de la ville à plus de 80M d’€.

À terme, la solution déployée permettra le pilotage des politiques publiques grâce à la captation des donnée et leur exploitation et permettre ainsi la priorisation des projets de rénovation avec une moindre utilisation de capital et le meilleur retour sur la réduction de la consommation et de l’empreinte carbone.

Vous venez de rejoindre la communauté Cap Digital, comment comptez-vous vous appuyer sur notre collectif pour faire avancer tous vos projets ou de futures actions structurantes ?

Depuis le lancement de cette nouvelle politique d’innovation, nous avons franchi pas mal d’étapes et accompagné les agents dans leurs questionnements. L’étape d’après, c’est de nous ouvrir à un écosystème plus large afin de valider ce que l’on fait et d’aller maintenant chercher le bon niveau d’innovation. Cet écosystème, nous l’imaginons aux côtés du CEREMA, d’Urban IA ou encore plus récemment de Cap Digital, que nous rejoignons pour y rencontrer grands groupes et start-up. Nous espérons pouvoir bénéficier de l’appui de cet écosystème sur nos grands programmes. C’est également un excellent levier pour rester en veille sur les sujets technologiques qui nous concernent tous.

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