Saïd Assadi — “Le 360 Paris Music Factory est un laboratoire augmenté”

Cap Digital
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5 min readMay 28, 2018
Saïd Assadi, fondateur d’Accords Croisés

Saïd Assadi, fondateur de la maison de production Accords Croisés, du festival Au Fil des Voix et maintenant du lieu de création musicale Le 360 Paris Music Factory (qui ouvrira ses portes en janvier 2019) a pris le temps de nous exposer sa vision du monde de l’industrie musicale. Grand passionné par le monde des musiques et défenseur des artistes en développement, sa vision du modèle de l’industrie de la musique actuelle est intéressante, sinon nécessaire, dans le contexte d’un MIDEM qui arrive à grands pas (5 au 8 juin),qui rassemble les grands acteurs internationaux de l’industrie musicale.

L’activité de Saïd Assadi et son équipe, ce sont les artistes en développement. Le numérique étant une partie toujours plus importante dans la culture, il l’est également dans l’associatif. Pour lui c’est bien simple, on ne peut pas évoquer le numérique sans parler de la situation actuelle des artistes et de leur modèle économique.

Baisse des subventions, baisse de diversité dans la création

De la production à la diffusion, tous les maillons de la chaîne doivent être considérés pour assurer le développement des artistes. C’est encore plus vrai dans un contexte de mutation numérique. La situation économique actuelle n’est plus adaptée, d’où la nécessité de s’obliger à repenser un système cohérent. Actuellement, la diversité de la création dépend de structures qui sont subventionnées au moins à 50% par les collectivités et l’Etat. Notre constat c’est qu’au fil des années, ces financements sont toujours moins conséquents, surtout pour le secteur des musiques émergentes (artistes, lieux, réseaux). Cette baisse de subventions a des conséquences évidentes : une baisse de revenus des artistes en développement, du nombre de concerts… De manière générale, c’est la baisse des moyens pour la diversité de la création.

Le CNV avait publié une étude édifiante : entre 2008 et 2014, sur les festivals en France, le budget de la musique a bénéficié d’une hausse de 3%, les salaires des têtes d’affiche ont augmenté de 200% en moyenne. Le marché français est dominé par des géants internationaux comme AEG ou encore Live Nation, dont le travail est prioritairement axé sur des têtes d’affiche et des concerts dans de grandes salles. Il reste donc peu de place pour les artistes en développement.

La diversité de la création est en danger, nous sommes de plus en plus guidés vers une musique formatée.

Le numérique, coeur d’une solution alternative

Le 360 Paris Music Factory est la matérialisation d’un modèle alternatif, qui respecte la diversité culturelle en facilitant l’accès à des artistes et publics issus de toutes les composantes de notre société actuelle. Le modèle auquel nous croyons est complémentaire au secteur public. Il est fondé sur l’entreprenariat de l’ensemble des corps de métiers, des professionnels de l’industrie aux artistes eux-même, pour qu’ils aient également accès à cette mutation pour une adaptation des plus actives dans leur travail de création.

Le 360 Paris Music Factory : espace de création, production, diffusion, ouvert sur le quartier (la Goutte d’Or) et le monde.

Un espace de création, production et diffusion des grandes voix du monde

Nous souhaitons rester fidèles à nos valeurs éthiques et l’activité culturelle. Notre mission est de développer l’accès à la culture, aux concerts et actions culturelles pédagogiques. La création du 360 Paris Music Factory est issue de cette volonté de rassembler l’ensemble des maillons de la chaîne, de donner la possibilité aux artistes de créer leurs projets dans un même lieu. Nous partons du volet numérique comme maillon essentiel : il permet de créer la visibilité nécessaire pour le travail et les artistes.

En réfléchissant à ce modèle alternatif, on comprend l’importance du numérique, indispensable dans le développement.

Le numérique fait partie intégrante du projet, jusqu’au bâtiment lui-même : il est connecté, fibré (pour permettre d’interagir avec les spectacles via smartphones en temps réel) et les salles de concert seront équipées en caméras robotisées (pour nos pratiques de streaming, captation et retransmissions live). Mais nous travaillons également des applications qui ne sont pas encore entrées dans le domaine culturel et la musique.

Nous sommes au coeur du chantier de la transition numérique, d’abord sur le volet déjà connu comme le streaming, et sur un aspect expérimental sur lequel nous nous entourons pour mieux expérimenter. Nous sommes déjà accompagnés par Cap Digital, mais aussi par des universitaires spécialistes du numérique pour travailler sur cette transition. Notre valeur ajoutée est la proximité des professionnels et la compréhension des besoins des artistes, tout en se comportant comme un laboratoire expérimental.

La clé est de comprendre qu’il existe une voie parallèle.

Penser un nouveau modèle collectivement

Une comparaison parlante est celle de l’agroalimentaire. Dans les années 80, chaque quartier à Paris, était peuplé de commerces de proximité, facilitant le contact parmi les habitants du quartier, même pour un étranger parlant encore mal la langue comme moi ! Au fur et à mesure, les grandes surfaces se sont développées, mettant fin à plusieurs petits commerces. Nous sommes arrivés à une alimentation unique, identique pour tous et les petits producteurs se sont retrouvés sous le joug de grands groupes alimentaires, qui prennent les décisions pour eux, mais aussi pour les consommateurs. Il a ensuite fallu attendre une vingtaine d’années pour que les alternatives bio émergent.

Pour moi, c’est ce qu’il se passe actuellement dans la musique. Nous tendons à une monopolisation du marché de la diffusion, avec un modèle régi par de grands investisseurs et des petites structures qui n’ont plus la capacité de concurrencer de système. La diversité n’est plus au centre de la création. C’est une situation dangereuse pour la culture, d’autant plus aujourd’hui. Dans un contexte où nos sociétés connaissent des crises sociales, économiques, politiques… le rôle de la culture est plus important que jamais. Il faut inciter les individus à échanger et créer du contact, et c’est ce qu’il se passe dans les espaces culturels. Il est primordial que l’ensemble des acteurs concernés, les associations, les petites et moyennes entreprises, l’Etat et les collectivités changent leurs modes de fonctionnement et échangent davantage pour (re)penser ensemble les efforts vers un nouveau modèle économique, l’utilisation positive du numérique pour une intégration du public et des artistes.

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