Startup jungle: la foire aux accompagnements

Guillaume Odier
Captain Data
Published in
8 min readOct 5, 2017

La nouvelle attraction du Zoo de Vincennes… l’entrepreneur!

Ah les start-up! Fleurons de l’économie du 21ème siècle, emblèmes de la jeunesse, de sa force et de sa beauté resplendissantes … Ces start-up, on en parle beaucoup, on les met sur un piédestal, on crée pléthore de structures pour les encadrer, les “conseiller”, les former.

Mais au fait, une start-up qu’est-ce que c’est ?

Une startup c’est ni plus ni moins qu’une (petite?) entreprise, qui ne gagne pas d’argent, du moins pendant un temps. Derrière cette entreprise, un fondateur (chômeur ? ou aussi étudiant, cadre démissionnaire …) porte sa “vision” d’une innovation et est un obstiné de la croissance. Si vous n’êtes pas un obstiné de la croissance, vous créez une PME, pas une startup. Accessoirement, vous avez un business model (c’est mieux), sinon, vous le trouverez éventuellement en route ou vous mourrez sur le champ de bataille.

Et du coup cette jeunesse éclatante dont je fais partie, cette fameuse génération Y-Z, est prise de plein fouet par les médias et la fascination pour ce monde de l’entreprise sur-vitaminée. Pas de problème en apparence: en France il existe plus de 200 structures d’accompagnement, des milliers de coachs et des super formations en ligne (big up Koudetat).

Retour sur deux ans d’entreprenariat dans l’univers des apprentis “licornes”.

Les programmes ne sont pas adaptés

Quelques exemples de ce que je considère représenter +80% des structures/programmes d’accompagnements.

  1. En pole position nous avons “enseigner la théorie de pilotage d’un business” alors que le business … n’existe pas. On tente de vous expliquer comment piloter votre business alors que vous ne savez pas vraiment ce que vous faites. C’est particulièrement vrai pour les programmes d’accompagnement “early-stage”.
  2. Être accompagné (exclusivement) par des gens qui n’ont jamais entrepris. Attention, je ne dis pas que les gens n’ayant jamais entrepris ne sont pas compétents. Être entrepreneur c’est avant tout une culture, un mind-set et une façon de vivre, toutes ces choses qu’il faut vivre au jour le jour pour bien comprendre l’entrepreneur et l’accompagner dans sa réussite, et surtout dans ses échecs.
Credits Derek Halpern

3. Pas de véritable vision sur l’accompagnement à apporter. Dans les faits, le contenu à transmettre est (plus ou moins) connu et assimilé, et même disponible en ligne (Y Combinator, The Family etc.). Un incubateur vous promettra des bureaux, un accélérateur des perks (réductions sur des services partenaires) et du réseau potentiel (parfois thématique). Avec du recul, là où j’ai le plus appris, c’était en face d’un entrepreneur aguerri. Il sort son appli calculette sur son smartphone et te dit “ok donc si je comprends bien, toi tu as besoin de X pour vivre et ton marché, c’est ça ?”.

4. Un problème économique. Ou comment enseigner la construction d’un business model sans en avoir un soi-même. Et donc peu de moyen, et donc plus difficile d’attirer le graal d’un point de vue staff.

5. Peu de long terme et de création d’une vraie communauté: les programmes se passent souvent sur une période one-shot, et si la communauté des entrepreneurs n’est pas alimentée/suivie, le feu finit par se tarir. La force d’un accélérateur comme The Family se ressent dans la communauté d’entrepreneurs exceptionnels qui s’y trouvent et tout ce qui s’en dégage: meet-up, soirées etc.

Ces problèmes sont principalement liés à une vision opportuniste de l’accompagnement, et malheureusement rarement lié à une vraie conviction d’aider et de supporter les entreprises.

C’est un peu comme quand Nokia voit l’iPhone sortir et tente de s’y mettre: ça ne marche pas.

Changez moi ce CD rayé!

Mais alors comment faire aux prémices de la création de son entreprise, quand aucun accélérateur digne de ce nom ne daignera vous aider ?

Entourez-vous. Vous connaissez forcément quelqu’un qui a entrepris, quelqu’un qui a réussi, ou pas. N’allez pas voir (seulement) votre vieil oncle qui est un entrepreneur successful, même s’il a sûrement de très bons conseils, le business d’aujourd’hui n’a plus grand chose à voir avec celui d’il y a +20 ans.

Aujourd’hui vous pouvez tester votre idée et mesurer l’engouement en deux clics, générer de la demande sans avoir rien avoir à offrir de palpable.

Testez, testez, testez. Inutile d’écrire un business plan et de se manger toute la théorie sur le lean start-up et autre : sortez votre calculatrice, regardez si l’opportunité représente un marché assez important et sortez de chez vous. On ne construit pas une start-up depuis son garage à développer un super produit dont personne ne veut.

N’oubliez pas que tout le monde se fiche bien de ce que vous faites et dites-vous bien que votre idée ne vaut rien. Seuls l’acte de vente et la croissance que vous en tirez importent. Vendez quelque chose même moche et non “scalable” (Do things that don’t scale), et vous verrez après comment améliorer vos process et tirer parti de votre produit au maximum.

Une fois que vous avez testé votre concept, c’est-à-dire que vous arrivez à montrer un engouement (vous avez une page Facebook avec 10 000 abonnés, vous avez récolté 1000 emails …) vous pouvez commencer à chercher de l’accompagnement pour automatiser vos processus, apprendre des techniques de vente/management etc.

Maia Mater

Et puis il y a cette étrange création. Cette rencontre entre le secteur public (villes de Nantes & Saint-Nazaire) et un entrepreneur (Quentin Adam, Clever-Cloud): Maia Mater.

Gratuit. Logé. Nourri. Des offices hours toutes les semaines avec des entrepreneurs à succès. What else ?

J’ai (nous avons!) été très chanceux de pouvoir intégrer Maia Mater avec Captain Data. Ça nous a permis de pivoter, de nous renforcer sur plein d’aspects business et de nous pousser à aller de l’avant.

Pas de programme délirant, le seul contenu proposé étant les vidéos de Koudetat. L’idée principale : permettre à des “first time” entrepreneurs de se donner à fond dans leur projet sans aucune contrepartie. Tous les vendredis des offices hours sont programmés avec des fondateurs expérimentés: Flat, MailJet, Dictanova etc. pour faire le point sur nos blocages, faire une rétrospective de nos erreurs et voir comment mieux exécuter.

C’est avant tout un plongeon dans la culture start-up qui permet de développer ce mind-set de guerrier résilient ⚔. Ça permet aussi de se prendre les “bonnes” claques et de se remettre en question.

Et pour prendre des claques, il faut du feedback. Manque de bol, il n’y a rien de plus frustrant que demander du feedback en France. A croire que les gens ont peur de vous offenser. L’éternel “c’est cool” d’une de vos connaissances, qui n’est absolument pas dans votre cible, est à bannir. C’est comme un article de presse: à part vous rebooster l’égo, il ne vous apportera rien. L’inverse, “c’est nul j’y comprends rien”, n’est d’ailleurs pas (non plus) toujours exact : demandez-vous toujours si votre interlocuteur est dans votre cible et remettez la situation dans son contexte, ça vous évitera de vous tirer les cheveux à chaque fois.

Back dans les bacs

What’s next ? Comment repenser les modèles actuels et se recentrer sur l’essentiel. Je pense fondamentalement qu’un programme “hardcore” basé sur de la pratique et concentré sur la vente et le marketing, sur une courte période (deux semaines) a aussi sa place :

  • Définition du problème et de l’économie globale du projet
  • Création d’un prototype non fonctionnel, juste une démo vidéo (profitez d’Adobe XD pendant que c’est gratuit!)
  • Landing page
  • Prospection terrain
  • Enfin, rien à voir avec son produit : construire son réseau, en commençant avec sa promo programme. Ne pas être seul dans sa quête de gloire, pouvoir discuter avec des gens dans la même situation que vous etc. L’entrepreneuriat c’est avant tout une aventure humaine, ne l’oubliez pas.

En deux semaines, en fonction du produit, vous pouvez commencer à vendre, à créer une base de beta testeurs, construire une base de clients potentiels etc. sans dépenser un centime, et ce même si vous ne savez pas coder.

Je pense sincèrement que ce type de programme a sa place. Bien sûr, je ne parle pas de remplacer des structures d’accompagnement dans des innovations qui demandent de l’expertise technique complexe et un suivi long terme, mais bien de remplacer les programmes “tendance” de ces dernières années par quelque chose de plus utile et efficace.

J’ai d’ailleurs découvert cette année avec plaisir l’existence de la Spartan Republic Week qui propose ce type de programme intense sur cinq jours (avec à la clé un accompagnement plus intense sur trois mois).

spartan.startup-republic.fr

Vous ne passez pas cinq jours à écouter quelqu’un parler (ok, il y a toujours un minimum de théorie), vous passez cinq jours à faire: vous sortez de là avec un prototype que vous pouvez tester, dans la rue, en club, là où vous voulez. Bien sûr, ce prototype ne vaut rien dans l’immédiat, mais il permet à vos futurs utilisateurs de visualiser votre proposition de valeur et de vous faire des retours très vite. Et puis, ce n’est jamais que cinq jours 😀

Aussi surprenant que ce soit, beaucoup d’entrepreneurs se confortent dans l’idée que leur produit a du potentiel et restent chez eux à imaginer la lune, sans se confronter à la dure réalité du terrain, des retours clients et autres, et passent des mois à développer le produit et modéliser des montées en charges complexes (j’adorais faire ça 🤗). Ça peut durer longtemps, très longtemps.

Enfin, comme beaucoup d’entrepreneurs, je pensais que le principal problème était un problème technique. C’est un véritable symptôme, surtout chez les non-tech, de se dire “oh mon dieu sans la tech j’y arriverai jamais”, ce qui est complètement faux. In fine, le véritable problème de tout business, c’est la vente : vous ne réussirez pas si personne n’achète, point. Et, non, ce n’est pas en écrivant un business plan que vous vendrez mieux 🤔.

Je ne renie pas tout ce que j’ai appris pendant tous ces programmes, bien au contraire. Ce sont ces expériences qui me permettent aujourd’hui d’y voir beaucoup plus clair et de prendre du recul sur cet univers passionnant, mais aussi chaotique!

--

--

Guillaume Odier
Captain Data

Co-Founder @Captain Data | Tech lover & entrepreneur