Bien rater sa Start-up #1 : On casse tout

Castr
The story of Castr
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5 min readSep 7, 2016

Une incroyable plongée dans l’univers merveilleux d’une Start-up qui a tout raté, aimablement racontée par son fondateur désespéré mais qui ne lâchera pas l’affaire, t’entends.

Dans 6 mois, on est milliardaires, c’est sur

Alors voila. Il y a un peu moins de trois ans, en voyant passer des avions de chasse au dessus de Paris pour le 14 juillet, on a pensé à une idée de réseau social plutôt cool qui permettrait de savoir ce qu’il se passe autour de soi. Parce que non, à l’époque, aucun des gros réseaux ne permettait vraiment de situer l’information sur une carte, et donc de pouvoir dire: “ok, je suis en slip à la plage, mais il se passe quoi là tout de suite à répu, j’ai besoin de savoir.” On est donc avant Periscope, hein, pour ceux du fond.

Le premier truc que l’on s’était dit, c’est que c’était tellement évident que ça devait probablement déjà exister, mais, recherches faites, non. Evidemment, il y a tous les services qui permettent de draguer dans son quartier, mais pour de l’info en temps réel et locale, quedalle (grosse rime).

Donc, on s’est lancés. On est parti en parler à droite à gauche, chez nos clients de Yodog — oui, on fait de la prod vidéo pour vivre sinon, on est pas des bêtes — dans la famille, dans les potes. Love money. Et quand je dis en parler, en gros on avait un pdf qui racontait le projet dans les grandes lignes, l’équipe, pourquoi c’était génial, et basta. Pas une démo, même pas un screenshot.

Et ça a marché, ca a marché à fond ! On pensait lever 10 ou 20 000 Euros, de quoi tomber un petit prototype, et finalement on s’est retrouvés avec 150 000 balles dans les bras. Du fric à l’infini.

Alors je vais pas tout vous raconter maintenant, d’une part parce c’est une longue histoire, et surtout parce que j’ai la flemme d’écrire 50 pages là tout de suite, donc je vais faire un fast forward de 30 mois. On se retrouve après la pub.

Bon ben à la prochaine boite, on est milliardaires, c’est sur.

Deux ans et demi plus tard, donc: tout ce truc à complètement raté. On a trois utilisateurs, plus de fric, une appli plutôt puissante mais aussi très compliquée à maintenir et encore plus à utiliser (en général c’est pas bon).

Et la concurrence, aujourd’hui, elle existe. Comme je le disais plus haut, il y a évidemment Periscope, qui permet donc de se filmer et de broadcaster la vidéo partout dans le monde en temps réel (ce qui, en temps que tel, va déjà plus loin que ce que l’on fait, puisque l’on se limite au posts texte + photo). Facebook a réagi en lançant un service similaire et organisé autour d’une carte, très similaire à la fonction Mapsearch qui est au centre de notre service, et je ne compte plus le nombre de services qui utilisent les API d’Instagram, Twitter ou Facebook pour placer du data sur une carte.

Alors, aujourd’hui, il est temps de prendre une décision. On arrête Castr. En tout cas on arrête cette grosse usine à gaz qu’est la première version de Castr.

Mais c’est pas grave ! Parce qu’on ne s’arrête pas vraiment, en vrai. On refait. Je vais pas parler de pivot parce que je ne suis vraiment pas certain qu’il s’agisse de ça, mais en gros:

  • On repart sur une nouvelle version de Castr, sobrement intitulée Castr 2. En gros ça va servir à parler aux gens autour de soi, et ça a pour ambition d’être complètement con. J’en reparlerai.
  • On continue de bosser sur un autre truc dont on a assez peu parlé et qui s’appelle “The 100 Experiment”. J’en reparlerai aussi.

Alors le but de ce papier n’est pas d’être un infomercial, mais d’être le point de départ d’une sorte de journal qui racontera comment on s’est débrouillés pour échouer à ce point, dans l’espoir que ça serve au prochain couillon qui montera sa boite en se disant “dans 6 mois on est milliardaires, c’est sur”.

Et il y a des tonnes de choses à raconter, parce que quand on rate une boite, ce n’est en général pas à cause d’une raison précise, mais plutôt de l’accumulation de nombreuses petites erreurs qui, mises bout-à-bout, finissent par sonner le glas de ce genre d’aventure.

De l’autre côté, il y a aussi plein de choses à dire sur ce qui a marché, les trucs à apprendre, et je vais pas vous mentir, je compte bien, quand même, profiter de l’occasion pour vous montrer ce sur quoi on avance maintenant (et pourquoi c’est cool).

Ah, dernier truc: sans rentrer dans le détail pour le moment, il y a un truc très aliénant dans le fait de monter une startup, et c’est que l’on y dédie toute son énergie mentale. On vit, on mange, on pense startup en permanence, et parfois il en résulte une sorte de grand vide intérieur quand on prend conscience, sporadiquement, qu’autour de soi le monde continue de tourner et que l’on en fait pas vraiment partie. Alors pour compenser — un peu — les éventuels lecteurs qui viendront se perdre ici, et qui, je n’en doute pas, bouffent de l’”article startup” à longueur de journée, je m’autorise une minute culture qui n’a RIEN A VOIR avec tout le reste. A prendre ou à laisser. Cette semaine: Das Boot.

Instant culture: Das Boot

Das Boot, c’est un film ouest-allemand de 1981 qui met en scène l’équipage d’un sous marin, allemand lui aussi, durant la deuxième guerre mondiale. Ca dure 3h28. Vous l’aurez compris, c’est le film que l’on chope sur les conseils d’un pote et qui reste 2 ans au fin fond d’un disque dur parce qu’on ne se motive jamais à le mater. Et pourtant, essayez, c’est vachement bien.

Le film décrit précisément et exhaustivement, avec mille détails, le quotidien claustrophobe de cette bande de jeunes allemands qui n’en demandaient pas tant et qui se retrouvent là, à crever de trouille pendant le grenadage des destroyers anglais, à devenir fous à l’idée de voir la coque de leur U-boat s’écraser sous la pression de l’eau, à faire la fête quand ils se rendent compte, un peu ébahis, qu’ils sont encore vivants, sous la mer, dans l’odeur permanente de sueur et le grouillement des morpions.

Ma copine s’est endormie en 15 minutes, moi en 2h.

Mais le lendemain, j’ai regardé la fin, MOI AU MOINS, et ouais, c’était vachement bien.

Allez, on se retrouve la prochaine fois.

Cheers

Barth Picq

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