5 Artistes découverts grâce au KIKK Festival
Direction la Belgique pour un retour sur les 2 jours d’un festival design, tech, résolument utopique, selon le credo affiché par le Kikk_Festival.
Le KIKK Festival est un événement gratuit qui regroupe les cultures numériques et créatives se déroulant chaque année à Namur. Il brouille les frontières des différents milieux de la tech, de l’ingénierie, de la science, du design et de l’art. Le parti pris est de mélanger les domaines, les genres mais également les générations. Nous avons été plongés dans une incroyable diversité d’activités : exposition d’art numérique, marché des innovations, conférences, performances, soirées festives et musicales.
Cette année, le KIKK présente l’univers du « invisible narratives », paradoxe d’une société entre la dématérialisation de nos dispositifs et de nos infrastructures omniprésentes mais dissimulées. L’espace, sous terre ou des data centers surprotégés forment un tissu impénétrable et imperceptible. « Ces systèmes complexes ont donné naissance à un monde imprévisible où les machines prennent la place d’un tout-puissant qui contrôle notre destin et suscite des questions de pouvoir et d’égalité ». Le festival belge se plonge donc dans une invisibilité des émotions humaines, de la nature et de la technologie…
À l’occasion de sa 7ème édition, le KIKK Festival a joué les prolongations en invitant encore plus d’artistes et en augmentant le nombre de conférences. Voici le résumé des 5 intervenants que nous avons eu la chance d’écouter.
BIOLOGIC
Initié au MIT Media Lab, le projet BioLogic mélange le savoir faire du tangible avec la science de l’intangible.
Le tangible se caractérise par des objets qu’on peut toucher comme les arbres ou les vêtements tandis que l’intangible a besoin d’outils pour être observé et compris comme les bactéries sous microscope.
L’initiative du projet est de programmer des organismes vivants et d’inventer des interfaces réactives et transformables.
La nature a créé sa propre géométrie et sa propre structure matérielle pour une transformation efficace à travers le temps. BioLogic introduit donc un type spécifique de cellules vivantes comme les nanoactuateurs qui réagissent à la température corporelle et au changement d’humidité. Ces cellules sont récoltées dans un laboratoire biologique et assemblées par un système de bio impression à résolution micronique.
BioLogic est une harmonisation entre son aspect biologique et son aspect design pour créer un vêtement qui devient une « seconde peau ». Ce vêtement réagit à la chaleur corporelle et à la sueur, ce qui provoque l’ouverture des rabats autour des zones de chaleur permettant à la sueur de s’évaporer et de refroidir le corps lors d’une activité sportive.
Un autre aspect du projet dévoile une utilité supplémentaire à ces nanoactuateurs. Si on observe la nature, les feuilles des arbres évoluent en fonction des saisons. Elles vont grandir, s’épanouir pour ensuite flétrir en changement de couleur et de forme en se recroquevillant. Par exemple, une feuille de thé vivante signale une transformation lorsque le thé est prêt. L’observation de la nature avec l’imagination permet d’apporter un nouveau regard sur le tangible de demain mais favorise également l’apprentissage de l’intangible des cellules et bactéries.
Vidéo du projet : https://vimeo.com/142208383
YAN BREULEUX
Yan Breuleux est un artiste praticien québécois. Son parcours aux travers du son et de l’image l’a amené à devenir Professeur de théorie & pratique de l’art numérique @ NAD en passant par un doctorat de Musicologie. Il a besoin de manipuler les logiciels pour savoir ce qu’il peut obtenir et ce qu’il veut.
Il nous parle d’une foule de technologies qu’il a pu expérimenter au cours de ses créations artistiques, inspirées, notamment, par l’univers de l’infiniment grand et de l’espace.
Sa conférence tourne autour du sujet de la conception d’expériences immersives par la construction d’environnement narratif.
Paradoxalement, le phénomène d’immersion est une expérience collective mais malgré tout très individualisée.
L’humain étant au centre de l’interaction, les cadres et les images ne suffisent plus pour immerger les gens. Il est possible de concevoir des systèmes qui prennent en compte la partialité de chaque personne : incorporer une narrativité, une histoire. C’est cela qui va rendre une expérience plus intense pour chacun. Il est alors essentiel de privilégier l’environnement dans sa totalité, créer un espace et la situation particulière qui s’en découle. Le but étant de créer une véritable narrativité et ainsi rendre les expériences d’autant plus pertinentes.
Yan Breuleux évoque enfin une dernière immersion. Celle qui fait que nous sommes absorbés par nos smartphones : l’immersion tactique. Elle se définit par la concentration de notre attention qui nous coupe du monde réel. Notre attention est absorbée on perd alors le fil du monde réel pour être concentré dans le monde virtuel que nous offrent les applications mobiles, les jeux. Aujourd’hui l’attention est devenue une monnaie. On parle d’ailleurs d’économie de l’attention. Ce concept est quand même dangereux nous avertit l’artiste, car les notions du virtuel et du réel risquent de se confondre.
SAMUEL BIANCHINI
Samuel Bianchini est artiste et enseignant-chercheur à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (EnsAD), PSL Research University, Paris.
Ses divers œuvres mettent en relation des opérations physiques et symboliques, incitant à contempler et à réfléchir autour de la problématique de l’installation. Soutenant le principe d’une « esthétique opérationnelle », Samuel interroge les rapports entre nos dispositifs technologiques et nos formes d’expériences esthétiques avec nos organisations sociales.
Pour cela, il collabore avec de nombreux laboratoires de recherche en sciences de la nature et en ingénierie pour créer ses différentes installations artistiques.
PLEUREUSES 2010–16
Cette installation présente des plaques de verre de taille humaine qui reçoivent des gouttes d’eau. Ces gouttes prennent des chemins aléatoires qui épousent des tracés invisibles, qui à leur tour, dessinent des portraits de femmes qui pleurent.
Certaines parties de ces plaques sont hydrophiles ce qui permet à l’eau de s’arrêter pour créer ces esquisses. D’autres hydrophobes entraînent l’eau à terminer sa route sur le sol.
Cette œuvre permet de conjuguer le processus technique (traitement de surface des plaques) par le processus esthétique et symbolique du métier des pleureuses qui est une personne engagée pour feindre le chagrin lors de diverses représentations comme le chagrin lors de funérailles afin de faire paraître plus important l’hommage rendu.
Vidéo : https://vimeo.com/198216791
SARA HENDREN
Sara Hendren, est une artiste et chercheuse en design résidente à l’Olin College. Elle y est responsable du laboratoire créatif Adaptation + Ability Group consacré à la technologie et au corps.
L’intervention de Sara Hendren, place le handicape au cœur de la réflexion du design. Elle travaille avec les étudiants du Olin College. Leurs travaux s’axent sur l’amélioration du quotidien des personnes handicapées en remettant en question les dispositifs high-tech qui existent déjà.
Elle prend l’exemple d’une personne ne possédant pas de mains, pour qui un bras articulé high-tech gênait. D’une part par son apparence jugée trop “dark vador” qui ne correspondait pas à une femme d’un certain âge.
D’autre part par son poids, trop lourd et trop encombrant. Les élèves et l’artiste se sont alors concentrés sur ces principaux besoins. Pour cette dame, ce qui manquait le plus, était de pouvoir tenir un crayon pour pouvoir se maquiller et écrire. Ils ont alors élaboré une prothèse qui suffisait à ce besoin et qui, par la suite, a permis à d’autres personnes d’adopter cette prothèse. Moins chère, moins compliquée et plus légère elle répond aux besoins vitaux, comme manger ou encore se brosser les dents de manière totalement indépendante.
Nous avons ensuite vu la création de modules pour la ville. Ces modules conçus pour faciliter la vie des personnes en fauteuils roulants, ont été également adoptés par des skateurs. Nous retrouvons encore une fois la double utilisation qui montre que des choses simples peuvent finalement répondre à plusieurs besoins.
Sara Hendren nous raconte enfin, l’histoire d’une danseuse en fauteuil roulant : Alice Sheppard. La jeune femme se rend dans leur laboratoire et parle de son besoin de danser. Les étudiants vont alors analyser sa façon d’appréhender l’espace et ses performances.
Ces études aboutissent à une véritable piste de danse formée de différents nivelés. Ces volumes permettent à la danseuse de jouer avec les vitesses et les ralentissements. Cette infrastructure installée dans la rue se fond parfaitement au paysage et attire les enfants qui utilisent cet espace comme terrain de jeu.
Elle a aussi travaillé sur le logo des personnes en situation de handicap.
Le modèle standard, que nous retrouvons partout dans le monde, figure les handicapés comme des personnes rigides, beaucoup trop péjoratives.
Avec l’aide d’un street artiste, ils redessinent ce pictogramme avec une ligne plus dynamique. L’image va alors se répandre dans l’environnement public. Cette transformation touche énormément les personnes handicapées, représentées dès lors par une image plus positive. Le travail aboutit à une mobilisation mondiale autour du hashtag #movingformal et d’un site proposant les icônes en libre téléchargement.
Pour conclure, Sara Hendren nous apprend qu’il y a des narratives invisibles partout. Celles-ci ne demandent qu’à être questionnées et travaillées: “invisible narrative everywhere to work on”.
KATHERINE MELANÇON
Artiste Numérique, entre nature morte et composition abstraite, le travail de Katherine Melançon place sa réflexion sur la nature morte croisée avec la nouvelle technologie. Elle suggère un nouveau rapport au temps, mais également notre rapport au numérique. Ses œuvres se présentent comme des « mystères picturaux » dont le processus de création est difficilement décelable.
Ces échantillons végétaux, et organiques, souvent représentatifs d’un lieu font l’objet d’une manipulation au numériseur, qui capte des images glitchées suggérant des états altérés de ces matières organiques.
L’artiste explique qu’elle retrouve dans le numériseurs, les mêmes paramètres que dans photographie : le focus, la vitesse, la profondeur de champ.
Surexposition 2016
Cette expérience artistique se compose d’un monolithe noir de six mètres de hauteur.
Elle permet de créer une collaboration entre les utilisateurs dans la ville. Ce faisceau s’éteint puis s’allume à chaque message envoyé par les personnes.
Chaque message transmis par le public, est projeté en morse et envoyé par une lumière qui éclaire le ciel étoilé. À une autre échelle, chaque utilisateur reçoit également le message en morse sur son smartphone en émettant eux aussi de la lumière par le flash au rythme du monolithe. C’est donc une volonté de communiquer à l’échelle de la ville et son public commence par un dispositif individuel (leur téléphone) à l’échelle de la main. Le message est ensuite transmis à l’échelle de la ville. Ces deux moyens de diffusion du message partageant un espace et un temps identique. L’expérience sensibilise sur le sens même des messages transmis par les utilisateurs qui se perdent dans le ciel.
Vidéo : https://vimeo.com/160883499
Conclusion
Festival international des cultures numériques et créatives, le KIKK rassemble des intervenants tous azimuts. Ils peuvent être designers, scientifiques, makers, entrepreneurs, artistes, architectes, développeurs, musiciens et pendant 40 minutes, ils livrent leurs propres expériences professionnelles et présentent leurs œuvres. Le cumul de ces talks permet un gain considérable d’inspiration et de contact grâce à l’interaction des différents intervenants avec le public. Le verbe “interférer” signifiant aussi “intervenir”, de nombreux artistes activistes brouillent les systèmes pour dénoncer les pratiques jugées envahissantes. Le design a également son importance : un dispositif, une pratique ou un marché “disruptif”, peut se positionner d’abord comme une interférence avant d’être considéré comme un modèle dans le monde.
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