Bilan carbone entreprise : Comment et pourquoi le réaliser ?

Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, il est nécessaire de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) de 7,6 % par an au cours des dix prochaines années, puis jusqu’à l’atteinte d’une neutralité carbone mondiale. Cet objectif est primordial pour limiter la hausse des températures à 1,5°C d’ici à 2100, conformément à l’Accord international de Paris. Au niveau de l’Union Européenne, cela signifie une diminution de 65% des émissions d’ici à 2030, selon les chiffres du GIEC.

Joy Schlienger
L’Actualité Tech — Blog CBTW
9 min readApr 1, 2021

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Photo by Carl Heyerdahl

De premières mesures d’empreinte carbone ont été réalisées par des entreprises dès les années 1990. À l’époque il s’agissait plutôt d’étudier les dépendances aux énergies fossiles et les risques induits par la diminution de ces ressources à terme.

C’est la loi Grenelle II de 2010 qui acte l’obligation pour les entreprises de plus de 500 salariés (et plus de 250 dans les départements d’outre-mer) de mesurer l’empreinte carbone de leurs activités. Ce bilan carbone doit apparaître dans leur rapport de gestion annuel et être réactualisé au minimum tous les quatre ans.

La loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte de 2015 a quant à elle lancé la ‘Stratégie Nationale Bas-Carbone’. Cette stratégie vise à atteindre la neutralité carbone collective avec une division par des émissions nationales d’ici 2050 sur le territoire, avec la mobilisation de l’État mais également de tous les acteurs non étatiques.

Pour être à la hauteur de ces enjeux et limiter les nombreux effets du changement climatique en cours et à venir, et envisager un avenir viable et enviable, gouvernements, collectivités, professionnels et particuliers, doivent donc tous agir en conséquence.

Qu’est-ce qu’un bilan carbone ?

Le bilan carbone, aussi appelé Bilan GES réglementaire, correspond à un bilan annuel de la quantité de gaz à effet de serre émise par individu ou une organisation.
Ce bilan comptabilise les émissions directes et indirectes des GES, dont les émissions de CO2 mais également de méthane, de protoxyde d’azote, d’hydrofluorocarbure, de perfluorocarbure et d’hexafluorure de soufre.
L’ensemble des données sont toutefois exprimées en équivalent CO2, gaz le plus répandu, et l’unité de mesure est la tonne.

Le bilan carbone d’une entreprise représente donc un outil de diagnostic extra-financier de son empreinte carbone et donc d’une partie de son impact écologique.
En effet, l’ensemble de l’impact écologique n’est pas pris en compte puisque par exemple l’épuisement des ressources et la pollution des eaux et des sols qui peuvent être liés à l’activité d’une entreprise ne sont pas mesurés dans cette méthode.

Les émissions comptabilisées dans le bilan carbone sont mesurées sur trois périmètres distincts :

  • Le scope 1 représente les émissions directes de l’entreprise liées à la production de produits ou services,
  • Le scope 2 représente les émissions indirectes d’une entreprise associées à sa consommation énergétique décentralisée (électricité, vapeur, chaleur, froid),
  • Le scope 3 représente l’ensemble des autres émissions indirectes d’une entreprise liées à sa chaîne de valeur (telles que : achats, fret logistique, utilisation et fin de vie des produits ou services fournis, etc.).
Bilan carbone entreprise : Principaux postes d’émissions du bilan carbone
Principaux postes d’émissions du bilan carbone — source http://www.carbone4.com/

La réglementation impose de comptabiliser uniquement les émissions des scopes 1 et 2, bien que suivant l’industrie le scope 3 puisse représenter une partie conséquente du bilan carbone. Ce qui est par exemple le cas des entreprises de service numérique telles que Linkvalue.
Il est donc important de mesurer des bilans carbone intégrant le scope 3, pour prendre en compte les émissions liées au cycle complet de production et au transport et assumer son engagement environnemental.

Le bilan GES réglementaire doit aussi comprendre le résumé des mesures et actions envisagées ou mises en place au regard des émissions mesurées.

Depuis 2011, le Bilan Carbone est une marque déposée désignant un outil et une méthode de comptabilité carbone mise au point par Jean-Marc Jancovici, pour le compte de l’ADEME et exploitée par l’Association Bilan Carbone (ABC).
Cette méthode est officiellement reconnue et a notamment contribué à la définition de la norme internationale ISO 14069.
Pour qu’un bilan GES réglementaire soit reconnu conforme, il doit être ‘Bilan Carbone Certified’ par l’ABC pour certifier que la méthode de calcul correspond aux normes définies pour la mesure de l’empreinte carbone.

Pour avoir une vision plus complète de son impact écologique global, il existe également d’autres outils de mesure :

  • L’empreinte écologique
    Cet outil de mesure mis au point par le Global Footprint Network comprend des critères complémentaires afin de définir l’impact écologique d’une organisation et de mesurer la quantité de surface terrestre et marine productive nécessaire pour produire un bien ou service et absorber les déchets générés.
  • L’empreinte environnementale
    Cet outil de mesure évalue des indicateurs supplémentaires afin de prendre en compte l’ensemble des impacts environnementaux générés par une organisation, tels que : émission carbone, acidification des mers et océans, épuisement des ressources fossiles et minérales, consommation d’eau, …

Comment mesurer l’empreinte carbone d’une entreprise ?

Il est primordial que la direction et les collaborateurs soient sensibilisés au réchauffement climatique et à ses conséquences afin de comprendre l’intérêt de mesurer son empreinte carbone et d’établir en corrélation des résultats un plan d’actions cohérent et ambitieux.

Sur le plan opérationnel, la définition de l’empreinte carbone d’une entreprise peut se découper en quatre étapes :

  • Choix des intervenants
    Il est possible de réaliser son bilan carbone en autonomie en interne ou de faire appel à un tiers.
    À noter toutefois que pour obtenir un bilan carbone certifié, il faut être entouré d’a minima une personne formée à la méthode ABC. Il est donc possible de former un ou plusieurs collaborateurs à cette méthode ou de faire appel à un organisme certifié.
    Dans tous les cas il faudra pouvoir s’appuyer sur des ressources internes pour porter la démarche et mener le processus ou être un relais opérationnel. Ce rôle peut notamment être attribué aux membres du comité RSE.
  • Définition du cadre
    Il faut ensuite définir les périmètres organisationnels et opérationnels à prendre en compte.
    Le périmètre organisationnel doit délimiter les sites, installations, activités et compétences à prendre en compte dans le bilan.
    Le périmètre opérationnel doit délimiter les sources d’émissions à prendre en compte dans le bilan, c’est-à-dire les différents scopes à mesurer (1, 2, 3).
  • Collecte des données
    La quantité et la qualité des données collectées influenceront les ordres de grandeur obtenus et la précision des résultats.
    Pour avoir un bilan complet, il faudra s’appuyer à la fois sur des données primaires, internes à l’entreprise, mais aussi sur des données secondaires, externes à l’entreprise. Ces dernières peuvent être collectées auprès de fournisseurs, prestataires, clients, études statistiques, etc.
    Parmi les données à suivre, l’on peut noter : l’énergie consommée (kWh), les achats (prix et quantité), le transport (poids, distance, mode de transport), les déplacements (distance, mode de transport, nombre de personnes), … Les unités de mesure sont ensuite converties en équivalent de CO2.
  • Mise en forme des données et exploitation des résultats
    Enfin, il convient de mettre en forme les données renseignées afin de faciliter la lecture et l’exploitation des résultats.
    Cela peut être fait par un traitement manuel ou avec l’aide d’outils en ligne qui proposent le suivi de vos indicateurs via des dashboards visuels (par exemple Greenly et Hellocarbo).
    Vous pouvez ainsi facilement communiquer sur votre bilan carbone et visualiser les postes les plus émetteurs et suivre leur évolution.
    En effet l’objectif est de suivre les données dans le temps, idéalement tous les ans, pour observer les tendances et apprécier l’efficacité des mesures entreprises.

Une fois votre bilan carbone établi, il convient d’en tirer les enseignements nécessaires à la prise de décision.
Plus vos émissions sont élevées, plus votre impact est négatif, mais dans tous les cas l’objectif est de réduire ses émissions au maximum selon l’indice de potentiel de réchauffement global fixé par le GIEC.
Les résultats mesurés doivent donc mener à une réflexion sur les engagements à entreprendre et à la mise en place d’un plan d’actions de réduction de ses émissions.
Pour cela il convient de mener à la fois des actions qui peuvent être simples, rapides ou facilement acceptées pour réaliser des quick-wins, mais aussi de mener des actions plus complexes, contraignantes ou à long terme pour s’attaquer aux postes les plus émetteurs. Chaque action doit également être associée à un objectif chiffré et des indicateurs de suivis.

Dans une démarche de sensibilisation et d’implication globale, vous pouvez également proposer à vos collaborateurs de suivre leur empreinte carbone individuelle via des sessions collectives avec les outils MyCo2 ou Nos Gestes Climat.

Pourquoi mesurer son empreinte carbone ?

La réalisation d’un bilan GES s’inscrit dans une stratégie globale et durable et se base sur la volonté collective et l’amélioration continue.
Réaliser le bilan carbone de son entreprise permet donc de répondre à différents enjeux :

  • Respecter la réglementation ou anticiper de nouvelles réglementations
    Les entreprises de plus de 500 salariés sont obligées d’inclure un Bilan GES réglementaire dans leur rapport d’activités annuel. Outre les convictions il y a donc aussi des obligations. Toutefois l’exercice du bilan carbone présente bien d’autres intérêts et de nombreuses entreprises n’attendent pas la loi pour se lancer dans la mesure de leur empreinte carbone.
  • Faire un état des lieux et accompagner la prise de conscience
    Le bilan carbone permet de commencer par faire un premier état des lieux. Il permet ainsi de prendre conscience des ordres de grandeur de son empreinte carbone et d’évaluer sa marge de progression. Sans données chiffrées et visuelles, il peut en effet être difficile de visualiser l’ampleur de son impact et d’identifier les postes les plus émetteurs. Le bilan carbone permet donc d’apporter des informations fiables et d’avoir une vision précise et détaillée de l’état actuel de ses émissions. La prise de conscience de ces éléments factuels peut servir de déclencheur ou d’accélérateur vers une transition énergétique et sociétale.
  • Structurer et accompagner sa démarche environnementale
    La réalisation d’un bilan carbone s’inscrit généralement dans une démarche plus large, telle qu’une véritable stratégie RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Le bilan carbone est alors réalisé pour identifier ses postes d’émission et ainsi servir de base à la mise en œuvre et à la priorisation d’un plan d’action de réduction et de compensation de ses émissions et à une véritable stratégie sociétale.
    Il s’agit d’une réelle volonté de connaître son impact, pour agir efficacement contre les dérèglements climatiques et réguler ses externalités négatives.
    Régulièrement mis à jour, le bilan carbone sert également d’outil de pilotage et de suivi de l’efficacité des mesures appliquées.
  • Réduire sa facture énergétique
    En mesurant la consommation énergétique liée directement et indirectement à son activité, les facteurs de consommation sont facilement identifiables.
    Il est ainsi possible de profiter des résultats du bilan carbone pour cibler des actions de réduction de sa consommation en énergie et ainsi en réduire les coûts.
  • Évaluer sa dépendance aux énergies carbonées et fossiles
    Les énergies fossiles sont des ressources limitées, et leur raréfaction et leur épuisement futur, ainsi que les émissions carbone liées à leur utilisation, imposent une réflexion sur leurs usages.
    Il est donc crucial d’identifier sa dépendance à ces énergies, pour évaluer sa vulnérabilité énergétique et tenter de la réduire. Il est en effet plus judicieux d’anticiper les évolutions à venir sur le long terme (nouvelles réglementations ou politiques tarifaires par exemple) que de les subir.
  • Accompagner sa réflexion stratégique et identifier des opportunités
    L’analyse des résultats d’un bilan carbone et l’arbitrage sur les différentes solutions à mettre en place permettent justement de prendre du recul sur la vision stratégique de son entreprise.
    C’est l’occasion de valider ou d’adapter les axes de développement de l’entreprise en identifiant éventuellement des opportunités et des possibilités d’innovations qui permettraient de bénéficier d’un avantage concurrentiel, mais aussi en identifiant des risques à prendre en considération.
  • Montrer l’exemple et exprimer ses valeurs
    Il y a une émulation autour de la mesure de l’empreinte carbone des entreprises, dont l’effet boule de neige permet de créer une dynamique vertueuse vers des entreprises plus responsables.
    Réaliser son bilan carbone et mettre en place une politique environnementale associée, en plus de traduire un véritable engagement, permet également de s’aligner sur une demande toujours plus accrue de la part des candidats, clients et investisseurs.
    De plus, vos efforts et votre sérieux peuvent être reconnus par le biais de labélisations et de certifications (B-CORP, Lucie, Ecolabel, …) qui serviront d’autant plus votre image de marque auprès de vos parties prenantes.
  • Impliquer ses parties prenantes dans un projet commun
    La prise en compte des enjeux environnementaux peut également être l’occasion d’engager l’ensemble des parties prenantes de votre écosystème dans un projet commun en définissant ensemble une vision partagée, ainsi que des engagements et des actions collectives.

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