Data centers écoresponsables : L’impact de l’hébergement des données
Aujourd’hui, les data centers représentent à eux seuls 17% de l’empreinte carbone du secteur technologique et 4% des émissions totales de gaz à effet de serre au niveau mondial. Leur empreinte carbone est donc similaire à celle de l’aviation ou de l’industrie.
Un data center, ou centre de données, est un site physique et sécurisé regroupant toutes les infrastructures nécessaires au stockage, à la sauvegarde et à la distribution de données informatiques. De plus, il contient une infrastructure électrique adaptée et un système de refroidissement conséquent.
L’infrastructure électrique doit être capable d’alimenter tout le matériel informatique, ainsi que le système de refroidissement. Il doit également être fiable et disponible 24h/24 pour éviter toute coupure d’alimentation. Quand au système de refroidissement, il doit être efficace pour éviter que les serveurs, et tout le matériel informatique, ne surchauffent et ne s’usent prématurément. 40 à 50% de la consommation énergétique des data centers est d’ailleurs liée à la climatisation et aux systèmes de refroidissement.
L’infrastructure électrique et le système de refroidissement sont donc principalement les deux points sur lesquels les centres de données se concentrent pour augmenter leur performance énergétique et réduire leur impact environnemental.
Car en effet, selon l’Ademe, en 2019 la consommation énergétique des data centers représentait près de 10% de l’électricité mondiale, dont 84,3% est produite par des énergies fossiles carbonées.
Nous retrouvons le même ordre de grandeur en France : 10% de l’électricité produite est consommée uniquement par des data centers. Et nous en comptons environ 200 dans l’hexagone, soit 20 fois plus qu’il y a deux ans. Plus de 90% des données disponibles aujourd’hui ont été générées entre 2015 et 2017, et ce volume d’information double tous les deux ans. De ce fait, le nombre de data centers et la consommation en énergie pour stocker et traiter ces données ne cessent de s’accroître.
Il faut également penser au caractère physique du numérique. Par exemple, une puce électronique de 2 grammes nécessite l’extraction de 32 kg de matière, on parle d’un facteur 16 000 ! Les data centers étant composés d’ordinateurs, il faut aussi tenir compte de ce paramètre.
Le cloud, et donc le stockage et la mise à disposition de données dans le monde entier, est une réalité physique importante et en forte croissance.
Comment les data centers essaient de contribuer à un numérique plus responsable ?
L’Ademe (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) définit la responsabilité écologique comme un ensemble d’actions visant à limiter les impacts sur l’environnement de l’activité quotidienne des collectivités, des entreprises et des particuliers. Si on étend cette définition plus généralement c’est d’abord mettre en lien ses actions quotidiennes (professionnelles et personnelles) avec leur coût environnemental. Ensuite, les repenser pour réduire leur impact. Enfin, rendre ces actions positives et bénéfiques pour l’environnement. Une multitude d’informations et d’actions à mettre en place sont disponibles sur le site officiel de l’Ademe pour les particuliers, les entreprises et les collectivités.
Pour appliquer ces principes les centres de données peuvent agir sur :
L’efficience énergétique
L’efficience énergétique d’un centre de données doit être prise en compte dès sa construction. L’utilisation de matériaux optimisés et le choix du lieu de construction sont des facteurs déterminants. Comme le refroidissement est l’aspect qui consomme le plus d’énergie dans un centre de données (en moyenne 45% de l’énergie consommée), certains sont directement construits dans des zones à basses températures constantes.
Ainsi l’air extérieur peut être utilisé pour refroidir les serveurs sans avoir à utiliser d’énergie supplémentaire.
L’efficacité énergétique d’un centre de données est mesurée grâce à l’indicateur d’efficacité énergétique (PUE).
Le PUE (Power Usage Effectiveness) est une métrique simple et pertinente inventée en 2007 par le consortium “The Green Grid” (TGG). En 2016, la norme ISO/IEC 30134–2 a permis de consolider son calcul et d’en faire l’indicateur de référence pour calculer l’efficacité énergétique des centres de données.
Le PUE se calcule en divisant l’énergie totale consommée par le centre de données (refroidissement, onduleurs, …) avec l’énergie consommée par les équipements informatiques (serveurs, stockage, réseau, …). Il n’inclut toutefois pas l’énergie consommée par les bureaux, les salles vides ou encore par éclairage extérieur.
Théoriquement, plus un centre de données aura un PUE proche de 1, plus il sera efficient et moins il consommera d’énergie. Cependant, cet indicateur ne prend pas en compte l’emplacement du centre de données. Un centre de données situé dans une zone chaude aura par exemple besoin de plus d’énergie pour refroidir ses installations que s’il était situé dans une zone froide comme l’Islande.
Plusieurs entreprises proposent le suivi de leur PUE en temps réel, telles que Scaleway ou Google.
La recherche
L’Ademe publie très régulièrement des appels à étude auprès d’organismes indépendants, de sociétés ou d’associations. Ces projets d’études permettent notamment d’éclairer sur l’impact des data centers et sur les solutions possibles pour le déploiement d’infrastructures numériques moins impactantes. C’est par exemple l’objet du projet de recherche “ENERNUM”.
Ce projet traite des trois aspects suivants :
- la sobriété énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables ;
- l’intégration des data centers dans des systèmes locaux via des mutualisations, des échanges, des connexions et moins de redondance infrastructurelle ;
- l’architecture et l’intégration spatiale de ces infrastructures dans les villes et dans les territoires.
Le rapport de ce projet de recherche est attendu pour juillet 2022.
L’application de bonnes pratiques
Dans sa définition la plus simple, un green data center (centre de données écologique) est une installation qui minimise son impact sur l’environnement. Pour cela, il évalue l’impact des éléments clés de sa conception, dont l’utilisation de l’énergie et de l’eau, la production de CO2 et les matériaux nécessaires à la fabrication des équipements.
On y intègre une étude de la chaîne logistique complète dès le début du projet, un choix de technologie de refroidissement efficient et surtout un site géographique le plus froid possible.
Par exemple la Finlande est un territoire d’accueil pour les grandes infrastructures de données, facilitant l’interconnexion entre les villes (réseaux d’eaux chaudes et chauffage) et les centres de données.
Des études finalisent aussi leur résultat sur les toits blancs. Ils réfléchissent une grande partie des rayonnements solaires et les premiers chiffres semblent confirmer leur efficacité pour :
- réduire les factures d’énergie en diminuant les besoins en climatisation,
- améliorer le confort intérieur pour les espaces qui ne sont pas climatisés,
- améliorer le rendement des équipements de toiture (climatiseur, panneaux solaires…),
- diminuer la température du toit, ce qui prolonge sa durée de vie car il ne subit plus de changements de températures important.
En termes de chiffre, on estime que, par rapport à un toit noir classique, le toit blanc offre une diminution de plus de 50% de la température de la surface exposée et une diminution de prêt de 40% de la température absorbée par bâtiment.
À propos de l’environnement immédiat, proposer un environnement très arboré permet également de réduire la température d’une zone jusqu’à 8°c par rapport à une même zone bétonnée.
De nombreuses autres pistes peuvent être explorées et mises en application :
- alimentation en énergies décarbonées, comme l’hydroélectricité ou le nucléaire,
- utilisation de serveurs “low voltage” à processeur Xeon série L,
- mise en veille des onduleurs,
- mise en place d’un système de climatisation adiabatique (évaporation d’eau),
- récupération de l’air chaud en hiver pour chauffer les bureaux,
- réutilisation des vieux serveurs pour des besoins internes à l’entreprise,
- recyclage par des centres certifiés et homologués,
- allongement de 3 à 5 ans de la durée de vie des serveurs afin de réduire les émissions sur le cycle de vie,
- généralisation des achats durables, reconditionnés, réutilisables à tous les niveaux du site.
Des hébergeurs écoresponsables
De nombreux acteurs se positionnent pour un numérique plus durable et s’investissent pour réduire leur impact environnemental.
Parmi eux :
- Infomaniak
Fondée en 1994, cette entreprise indépendante basée en Suisse est détenue à 100% par ses fondateurs et salariés. Elle propose des services d’hébergement, de cloud, de sauvegarde de données mais aussi de streaming vidéo et audio.
Infomaniak a établi une charte écologique de 20 engagements sur l’énergie, le data center, la mobilité des salariés, les achats, les déchets et la Responsabilité Sociale et Environnementale.
Par exemple, on apprend que leurs centres de données utilisent 40% d’énergie verte (éolien, solaire…) et 60% d’énergie hydraulique. Donc un total de 100% d’énergies renouvelables.
Ils respectent aussi les normes écologiques les plus exigeantes de Suisse avec l’achat de serveurs “low voltage” et l’utilisation d’onduleurs en mode veille 99%. Enfin, Infomaniak est certifié ISO 14001 et ISO 50001 et annonce un PUE de 1,1.
Grâce à une stratégie d’éco-responsabilité globale, Infomaniak est un hébergeur modèle. - Ikoula
Fondé en 1998, il s’agit d’un hébergeur qui possède des serveurs en France (Reims et Eppes) ainsi qu’en Espagne et aux Pays-bas. L’entreprise propose du cloud, des serveurs dédiés, de l’infogérance, de la sauvegarde de données et une messagerie professionnelle. Depuis 2015, leurs data centers utilisent 100% d’électricité issue d’énergies renouvelables. Ils suivent également la directive RoHS qui restreint l’utilisation de substances dangereuses dans le matériel informatique. Et leurs serveurs sont systématiquement recyclés une fois arrivés en fin de vie. - Aonyx
Société d’hébergement française basée à Clermont-Ferrand, leurs serveurs sont situés dans l’Ecocenter. Il s’agit d’un data center neutre et multi-opérateurs construit avec la norme BBC (Bâtiment Basse Consommation) et situé dans une zone Haute Qualité Environnementale (HQE). Aonyx annonce un PUE de 1,2 et reverse 2€ à l’association “Panse Bête” pour chaque abonnement à l’un de ses services. Cette association aide à la préservation des loutres, qui sont d’ailleurs représentées dans leur logo et sont aussi l’emblème de l’Auvergne.
À l’heure du dernier rapport du GIEC (Groupe de travail 1 de 2021), il est évident que tous les secteurs, dont celui du numérique, doivent s’inscrire dans une démarche de sobriété et d’amélioration de l’efficience énergétique, notamment des data centers.
Cet article se concentre uniquement sur l’efficience des centres de données, mais de nombreux autres aspects sont à prendre en compte pour réduire l’impact environnemental du numérique : de la fabrication du matériel IT et autres infrastructures, à la conception des services numériques.
Sur ces sujets, vous pouvez retrouver d’autres articles proposés sur le blog de Linkvalue :
- Impact carbone du numérique : mesure des émissions du Web
- Quelle est l’empreinte écologique des entraînements de modèles en data science ?
- Low tech : la sobriété numérique au service de l’expérience utilisateur
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