À quand remonte la dernière fois où vous vous êtes amusés ?

Chloe Conscience
Sur la route du Must
3 min readSep 21, 2017

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Je croise tous les matins un grand nombre de personnes dans les métros bondés parisiens. Au milieu de la foule, certaines attirent l’attention en prenant ouvertement la parole et en demandant de l’attention.

Je n’écoute pas toujours, souvent animée par la musique que diffuse mes écouteurs. J’adresse un regard le plus souvent et un sourire si nos regards se croisent. Persuadée que l’aide demandée n’est pas toujours celle exprimée, j’estime les sourires autant que les pièces.

Ce matin, un homme a pris la parole dans la rame du métro où je me trouvais. Il a dit : « Dans cinq jours aura lieu un grand événement.». À entendre ces mots, j’ai baissé le son de mes écouteurs. Il a continué : « Dans 5 jours j’aurais 45 ans, je vais fêter ça ici, et j’espère que vous serez tous là.» J’ai ri ! J’ai été touchée par son humour, sa faculté à rire quand il aurait pu en pleurer. Il m’a alors regardé, et il a ri avec moi. Une autre femme a ri, pendant que les autres (nombreux) feignaient l’ignorance. Je trouve que ces moments de rires partagés sont les plus beaux, et le sérieux des personnes dans le métro m’étonnera toujours. Certains matins comme ce matin, j’aimerais imiter ma professeure de maternelle et inviter toutes les personnes autour à se mettre en rond pour danser ensemble.

Certains matins, j’aimerais les voir rire, j’aimerais les voir moins sérieux, moins absents, moins endormis, un peu plus vivant, ou heureux de vivre.

Et puis, je suis arrivée au travail. Fatiguée, enrhumée, calme comme cela ne me ressemble pas. Je gardais ce rire enfoui en moi et j’attendais l’occasion du suivant, trop fatiguée pour l’initier.

“Les personnes les plus dépourvues ont l’art d’aller à l’essentiel”, me suis-je dit.

Le bal des sujets sérieux a commencé son spectacle : les fausses urgences masquées de vraies impatiences, les hiérarchies selon des critères à peine définis, les discussions stériles qui sont insupportables sans feindre l’atteinte d’un objectif.

“Et les personnes privilégiées s’encombrent du sérieux des sujets dont on ne veux pas rire.”

Quand je suis sortie à la pause déjeuner j’ai été surprise que nous commencions tout juste l'automne. Le changement de saison nous a fait une avant première, avant de repartir se poser en arrière. L’avant première m’a laissé les séquelles des changements trop brutaux, les symptômes physiques de ce qui ne nous appartient pas au point qu’il nous arrive de l’ignorer. J’ai eu envie de voir la mer ou de marcher en forêt. J’ai eu envie de vivre au rythme des saisons, au rythme de mes envies, au rythme de mes ressentis. À défaut de, j’ai joué et ri dans la rue.

“Qui sont les véritables privilégiés ?” me suis-je dit.

Et le bal a repris sa danse. L’après-midi a laissé le temps aux rires de se délier. Une personne s’est osée : « Je ne te vois pas travailler toi. » Et l’art des demi vérités m’a laissé répondre : « C’est parce que je ne le fais pas. » Elle a ri. Moi aussi. Les rires partagés sont les moments les plus beaux, et le sérieux des personnes au travail m’étonnera toujours. Certains après-midi comme celui-ci, j’aimerais imiter ma professeure de maternelle et inviter toutes les personnes autour de moi à poser leurs stylos pour écouter ce que j’ai à dire.

À quand remonte la dernière fois où vous vous êtes amusés ?

Ceci dit, si la vie est un grand jeu, le sérieux est une extraordinaire prestation. Mes rires font peut-être de moi la moins bonne actrice de toutes celles autour.

Peu m’importe, je préfère m’amuser.

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