“Aimer son prochain” est en train de changer le monde et ils n’en parlent jamais aux informations

La sérendipité est à notre portée : j’entends que le monde va mal alors que je le vois aller mieux

Chloe Conscience
Sur la route du Must

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Nous croyons aux informations alarmistes et pessimistes relatées par les médias. Elles sont scénarisées, répétées et anxiogènes. Les médias de masse nous répètent que les choses vont mal. De plus en plus de personnes y croient.

Peu importe à quel point cela nous rassure de penser que l’accès qu’on nous donne à l’information nous permet de voir et ainsi de comprendre ce qu’il se passe dans le monde, ce n’est pas vrai. Nous perdons notre temps à croire en des informations au lieu de se concentrer sur nos actions.

Nous pouvons seulement voir et comprendre les choses que nous vivons. Nous pouvons choisir de vivre dans un monde qui va mieux ou nous pouvons choisir de vivre dans un monde qui va mal.

Qu’est-ce qui définit notre monde ? Nos actions. Nos actions définissent beaucoup plus le monde que le temps que nous passons à lire, déchiffrer et retransmettre des informations qui ont été sélectionnées pour nous induire vers une pensée unique.

J’ai rencontré un homme hier. Je sortais du métro et j’étais seule. Il était affalé sur les marches du métro, bloquant l’accès à la seule sortie. Ma première sensation a été l’appréhension. L’appréhension d’aller à sa rencontre, l’appréhension de lui demander de se déplacer, l’appréhension de sa réaction. Mon appréhension a été furtive et je me suis recentrée sur ce que j’attendais du moment : qu’il se passe bien. Je me suis alors avancée vers lui en souriant et il a dit : “Bonjour Madame” en me laissant passer.

J’aurais pu continuer mon chemin, mais je me suis arrêtée. Je lui ai dit “Bonjour Monsieur” et je lui ai demandé s’il avait besoin de quoique ce soit. Il m’a dit qu’il n’avait pas mangé depuis deux jours et qu’il aimerait une petite pièce. Je n’avais pas de monnaie, je lui ai proposé de m’accompagner pour aller en faire. Il s’est levé et a dit cette phrase :

Je peux vous parler Madame ?

Ça m’a frappé.

Je ne lui aurais jamais demandé l’autorisation de m’adresser à lui.

Je peux vous parler Madame ?

Je n’avais pas mesuré, avant cet instant, toutes les fois où je ne voulais pas que l’on me parle. Les nombreuses fois où je ne voulais pas parler à l’autre. Ce refus, cette sensation d’être agressée quand une personne que nous ne connaissons pas demande à nous parler. Cet effort que nous ressentons quand nous allons nous adresser à une personne que nous percevons comme différente.

Je n’avais pas compris, avant ce moment précis, toutes les fois où j’avais eu peur.

Nous avons créé de la peur autour de la notion centrale de notre humanité : l’identité. L’identité se crée sur la différence. La peur de la différence devient un danger pour la société.

Bien sur Monsieur, je vous écoute.

Fabien est originaire de Côte d’Ivoire. Il est diplômé d’un Master en Audit et Contrôle de Gestion. Il y a 9 mois il a annoncé à sa famille qu’il voulait partir en Europe et, plus précisément, en France. Ils se sont rassemblés pour trouver un hôtel à Paris et il est parti.

Fabien m’a demandé mon prénom, il a souhaité savoir si j’avais fait des études et le métier que j’exerçais. J’ai eu une appréhension avant de répondre à ses questions, comme une appréhension de dévoiler mon identité.

Fabien m’a décliné son identité et m’a raconté son histoire.

Fabien n’avait pas peur de dévoiler son identité parce que c’est la seule chose qu’il lui reste.

Dans notre société, nous avons utilisé l’identité (l’origine, la religion, l’apparence physique) pour stigmatiser. Insidieusement j’appréhende aujourd’hui l’identité.

La veille, lors d’une discussion avec David Ams, il mettait l’accent sur le pouvoir des mots sur notre perception du monde : « le langage emprisonne la pensée ».

Est-il suffisant de nous définir, de nous présenter, de nous raconter en déclinant notre origine, notre religion, la ville dans laquelle nous vivons ?

L’identité, qui me semble constructive pour rassembler, a aussi le pouvoir de diviser. Nous en avons fait un danger pour l’humanité. Cela a modifié notre rapport à l’identité.

Qui seriez-vous si ces catégories n’existaient pas ? Sauriez-vous qui vous êtes ?

Nous sommes tous, d’abord et seulement, humains.

J’ai discuté 20 minutes avec Fabien. Pendant 20 minutes Fabien a arrêté un couple et les a félicité parce que la jeune femme était enceinte, il a ramassé le ballon d’un petit garçon, il n’a pas cessé de parler et de sourire.

Vous aimez la France Fabien ?

- Oui Chloé. J’ai de l’argent ici Chloé. Je suis vacataire et un hôtel me propose la chambre à 600 euros le mois.

- C’est tout de même une somme, cela doit vous paraitre cher.

- Non Chloé, c’est un bon prix. Je suis juste en difficulté aujourd’hui car je sors de l’hôpital et j’ai pas pu reprendre le travail tout de suite.

Son arrière grand-père était Français, originaire de Gironde. “Blanc comme vous Chloé !”. Aujourd’hui Fabien sait seulement de moi que je suis une femme blanche et française.

J’ai retiré des sous pour lui permettre de payer une nuit d’hôtel et de s’acheter à manger.

- Êtes-vous catholique Chloé ? On peut prier ?

- Je crois en la pensée libre, je peux prier avec vous.

Il a pris mes mains et il a prié pour nous. Il a remercié l’univers de lui avoir apporté son aide par mon biais et a prié pour pouvoir me l’apporter dans le futur. Il m’a pris dans ses bras, et nous nous sommes quittés là.

J’ai vu le regard des gens. Certains se sont demandés s’ils devaient me venir en aide parce qu’un homme à l’apparence sale s’adressait à moi lorsque nous marchions dans la rue. Le couple avec la femme enceinte et les parents du petit garçon ont eu un mouvement de recul. Quand il m’a pris dans ses bras, deux personnes qui nous croisaient se sont éloignés de 2 mètres en nous doublant.

Ils ont peut-être trop regardé les informations. Ils ont peur.

Un peu plus tard, j’ai échangé avec Laura, une jeune femme qui revient d’un voyage en Inde. Elle me lisait sur Medium et m’a proposé que l’on se rencontre.

Je ne la connaissais pas encore hier matin et pourtant nous nous sommes assises à un café pendant plusieurs heures pour partager nos expériences et notre regard sur l’humanité. Elle m’a parlé de la population indienne :

Ils sont si aimants. Ils prennent la vie comme elle vient. Ils partagent tout ce qu’ils ont, le peu qu’ils ont. Ils sont si humains, d’une humanité qu’on oublie à renfort de sécurité. Européens, nous pensons leur venir en aide en allant y faire de l’humanitaire. La vérité est : c’est eux qui nous aident.

Il ne faut pas confondre avoir et être. Nous pensons qu’aider les personnes pauvres à avoir est important. Pourtant, en nous rappelant à l’importance de l’être, elles nous aident bien davantage.

Quand on ne peut pas aider l’autre, il nous reste de l’aimer. Aimer l’autre ne lui change pas sa vie, cela rend simplement la valeur à la vie telle qu’elle est.

Nous ne devons pas changer le monde, nous devons lui redonner de la valeur en prenant conscience qu’il en a.

Le monde va bien.

Naturellement des choses vont mal mais notre perception influence notre monde et influence ainsi le monde.

Aimer son prochain rend notre journée meilleure et c’est avec des meilleures journées que l’on crée un meilleur monde.

Je ne raconte pas une utopie. Je ne viens en aide à personne. J’ai simplement choisi d’aimer l’autre et d’aimer le monde dans lequel on vit.

Pourrions-nous croire en ce que l’on vit davantage que ce en quoi l’on veut nous faire croire ?

Cela suffit à rencontrer des personnes qui aiment ce monde et qui ne l’abandonnent pas en le pensant déjà sur la fin.

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