Devenir belle

Ce que devenir femme apprend sur la beauté.

Chloe Conscience
Sur la route du Must

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Toute petite, je pensais que maman était belle. Je pensais que maman était la plus belle.

Plus grande, je pensais qu’être belle revenait à apparaître en Une des magazines, ou à pouvoir détourner les regards dans la rue.

Un peu plus grande, j’ai pensé qu’être belle était avoir les yeux de l’homme qu’on aime posés sur soi.

Il y a quelques années, je pensais qu’être belle était important. Je ne pensais pas qu’être belle suffisait, mais je pensais qu’être belle l’était pour la société. Parce qu’être belle accorde et pardonne certaines choses auprès de certaines personnes. Quand je voyais le pouvoir de l’arme du charme, je ne doutais absolument pas du pouvoir de la beauté. Une belle femme est celle à laquelle on attribue, en un coup d’oeil, quelque chose de plus.

Il y a quelques années, je pensais que si je prenais soin de l’image, si j’arrivais à être belle avec un sourire naturel, tout irait bien. Je ne doutais pas de ce que la beauté peut renvoyer; comme si elle légitimait, d’une certaine façon, un certain succès. Je ne l’aurais jamais dit, ni même intellectualisé, mais l’application avec laquelle je portais attention à mon apparence parlait pour.

Nous sommes noyés sous des images de beauté. Mais les images se fanent avec les années, et la beauté ne dure que chez celles qui l’ont regardé autrement.

Et puis j’ai grandis. J’ai compris pourquoi maman était belle : l’écoute, la douceur, la bienveillance et l’intelligence. J’ai rencontré des femmes qui auraient pu faire la Une et qui n’étaient pas si belles. Des femmes dont je me suis demandée pourquoi on les figeait pour pouvoir les regarder. J’ai mis mon image entre les mains d’hommes qui m’ont rendu belle et qui ne sont plus là. Et je suis restée là, laissant ma beauté dans leurs bras.

Grandir m’a fait perdre le contrôle de mes certitudes. Avec les expériences, je me suis détachée de la beauté, au point de ne plus y penser, au point de ne pas y arriver. Au point de ne pas arriver à soigner l’image, au point de nourrir mes envies et mes manques, au sens propre. Je n’arrivais pas à avoir l’espace disponible pour l’apparence. J’étais sur autre chose, qui me semblait terrasser tout ce que je pensais beauté. Je ne pouvais attribuer aucune réussite à l’apparence. Les apparences mentent. Pendant des mois d’introspection, d’expérimentation, de rupture et de création, mon regard sur la beauté s’est complètement transformé. Et ce regard, je l’ai laissé me quitter. Je ne cherchais plus à être belle, je me souciais d’être heureuse. Une entreprise qui m’a paru bien plus difficile, et mon image s’est abimée.

La beauté est encore et toujours un phénomène de société. Les premières impressions reposent sur la même image depuis des siècles. En 2015, on choisit sur Happn, Tinder, Instagram en cliquant sur des photos. Des photos ?!

Les raccourcis vont plus vite que l’intérêt. Nous nous laissons encore tromper par l’apparence de la beauté. Sommes-nous si peu cultivés ?

Avez-vous déjà lu un livre et trouvé qu’une femme, pourtant personnage, était belle ? Vous-êtes vous déjà construit l’image d’une femme sans ne jamais l’avoir vu ?

On l’a tous fait, sur des critères pourtant si éloignés de la beauté. Sur des gestes décrits, une attitude racontée, un tempérament deviné, une action relatée.

On a tous trouvé belle une femme qui nous laisse le deviner.

Et à devenir femme, je trouve que ce sont elles les plus belles.

Aujourd’hui, je pense que la beauté est la santé : un équilibre émotionnelle, une quiétude, une sérénité, une confiance. Aujourd’hui je pense qu’être belle n’est pas une image, être belle est une façon élégante de savoir s’aimer soi-même.

Aujourd’hui, je pense n’avoir jamais été aussi éloignée de la beauté telle que je me la représentais, et je ne me suis pourtant jamais sentie aussi concernée par ce que signifie beauté.

Parce que devenir femme est devenir belle, à notre manière de devenir nous-même.

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Tous mes contenus en français sous la publication “Pensées”.

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