La liste des choses qui n’ont plus d’importance

Honnête speech !

Chloe Conscience
Sur la route du Must

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Contexte first. En avril dernier, je pars pour traverser à vélo les États-Unis de New-York à San-Francisco. Deux mois plus tard, après avoir dépassé Toronto, Thomas et moi prenons la décision de suspendre notre traversée et de rejoindre Bali. Le fait est, l’engagement que j’ai pris vis à vis de moi (et publiquement), n’est pas tenu. Une page se tourne.

Un mois plus tard, je prends un aller Bali/Paris et je rentre. Un moment fort est désormais passé, et devient mon passé.

Ce fut court, intense et bouleversant. Bouleversant dans toute la définition de la transformation. Une transformation directement liée à ma perception de la vie.

Quatre mois ont passé depuis. Deux ont été consacré à moi, avec l’envie de prendre le temps de penser à ce que sera la prochaine étape. Les deux suivants à la mise en place d’actions pour reprendre une activité professionnelle (missions en freelance et networking).

Aujourd’hui, je ne suis pas encore capable de savoir précisément quelle est la prochaine étape. Je sème des graines dans une société qui discerne l’utile dans ce qui est visible. Ça prend du temps d’éclore pourtant.

J’ai jusqu’alors pensé avoir bien vécu le retour : pas de manque, de tristesse, ou de remord. Cependant c’est difficile. Il est difficile d’intégrer ma vision du monde, de la vie et mon rapport à l’autre (au sens large : l’humain) à ce nouveau quotidien de citadine. La hauteur et le recul que m’a apporté cette expérience me quittent parfois, maintenant de retour dans une société de consommation, de pouvoir et d’argent (simple fait).

C’est simple, lorsque l’on voyage à vélo on a besoin du minimum : à boire, à manger et d'une bonne santé. On se sent vivant tous les jours. Reconnaissant aussi. La nature et l’effort physique multiplient par 2 le talon d’Achille de l’ego : on apprend à écouter son corps, à discuter avec ses émotions, à ne pas se battre pour les choses qui n’ont pas d’importance.

Parce que oui, depuis que je suis rentrée, certaines choses n’ont plus d’importance.

En voici la liste non exhaustive :

  • Le regard des autres. La vérité ne réside pas dans le regard des autres, mais dans mon propre regard. Souvent l’autre n’est qu’un miroir : soit le reflet de ma propre perception, soit le reflet de son propre conditionnement. L’avis des autres n’a toujours que l’importance que je lui donne. Ni plus, ni moins.
  • Ce que je ferai dans dix ans. Voici l’une des questions qui m’a été posé en entretien professionnel : « Que feras-tu dans dix ans ? ». Penser le savoir est, à mon sens, ne pas avoir assez vécu. Vivre est un mouvement permanent, je détesterai penser que j’ai un pouvoir d’imagination plus fort que les surprises que me réserve la vie. Savoir ce que je ferai dans 10 ans n’a plus d’importance, ce que je fais aujourd’hui en a.
  • La propriété. Posséder me semble illusoire. J’ai grandi dans une société qui valorise ce que l’on possède, je le constate encore. Perdre ce que l’on a est pensé comme une menace à notre sécurité. Comme si la sécurité financière et matérielle était indispensable à notre survie. Je m’interroge sur ce que j’ai compris de la vie quand j’ai peur de manquer, quand je me laisse penser que la propriété m’en offre une meilleure. Posséder est une sécurité factice au regard de la valeur de la vie humaine. Nous allons mourir, où est le sens et l’importance de l’avoir ?
  • Le passé. Il est passé. Aujourd’hui j’apprends à désapprendre, pour découvrir et penser les choses avec le plus de recul, de liberté et de neutralité possible. Ce que l’on croit savoir nous empêche d’apprendre.
  • L’argent. L’argent est un outil. Il n’est pas important, il est utile. Cette distinction est importance pour prendre mesure de sa valeur. L’argent est important quand le manque est tel qu’il entrave notre accès aux besoins vitaux. Le reste du temps, il est utile.
  • Ce que je n’ai pas. Je dirige mon attention et mon énergie sur ce que j’ai, pour en prendre soin : les relations humaines, mes émotions, mon corps, mes pensées. Le contentement vaut bien davantage que l’envie.
  • Échouer. Qu’est-ce que cela veut encore vouloir dire ? Échouer ? C’est surfait. Mon petit frère de 13 ans est rentré triste de l’école la dernière fois parce qu’il avait eu une mauvaise note. Comme si une mauvaise note faisait de lui une mauvaise personne. La seule question à laquelle je lui ai demandé de répondre est la suivante : « Qu’est-ce qui aurait été en ton pouvoir de faire en amont, en ton unique responsabilité, pour avoir une meilleure note ? » Une mauvaise note ne sera jamais rien d’autre qu’une bonne leçon. La tristesse n’est pas le goût d’une bonne leçon. (Clin d’oeil à la superbe initiative de Laila et Thomas sur l’école de demain : Le Petit Buisson.)

Il y a d’autres choses qui n’ont plus d’importance et que je n’ai pas pris la peine de raconter : être en retard à un rendez-vous, avoir oublié mes clés, manquer d’un ingrédient pour cuisiner, la mauvaise humeur d’autrui, etc.

Tellement de choses n’ont plus d’importance que certains jours, j’ai l’impression d’évoluer dans une société complètement égarée. Régit par des règles créés pour des problèmes inventés, ou qui n’existent déjà plus, et dirigées par des hommes qui justifient hier au lieu de créer demain. Certains jours, j’ai l’impression d’être à côté : excessive, radicale ou idéaliste.

Je suis consciente de la société dans laquelle je vis mais je ne suis pas sur de vouloir être utile à son bon fonctionnement. J’aimerais être utile à sa transformation. Cela passe naturellement par des contraintes que la société impose et j’ai le recul d’avoir identifié nombre d’entres elles qui n’ont plus d’importance.

Et si finalement la transformation de l’individu était plus déterminante que la transformation de la société ?

Je me souviens d’une citation reprise par mon professeur de philosophie. C’était il y a dix et elle avait marqué mon esprit. « Il est plus facile de changer soi, plutôt que de vouloir changer le monde. »

Cela revient au même.

Quand on change soi-même, une infime partie du monde change avec.

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