Les blessures du coeur
Il est dit que le couple se forme autour de nos blessures.
Il est dit que le couple se forme autour de nos blessures.
Moi, je me disais que je n’en avais pas vraiment. Et que s’il m’arrivait d’en découvrir, je ne ferais pas cela, je ne partagerais pas mes blessures. Je me disais qu’il était égoiste et faible de construire une histoire sur des ressemblances ou des différences qui résonnent. Je me disais qu’il était généreux et responsable de construire une histoire autour de deux êtres complets qui se croisent et se choisissent.
Que signifie “être complet” ? Allez savoir…
À cela, ma mère me répondait :
Si nous n’avions pas besoin de la personne que l’on aime, la choisirions-nous vraiment ? Si nous ne savions pas ce que signifie le manque de l’autre dans notre vie, voudrions-nous encore la partager ?
D’après elle, le manque n’est pas un problème, les raisons de l’amour ne sont pas des faiblesses et être complet est une notion plus ou moins abstraite que nous évoquons quand nous sommes en manque de soi, et non en manque de l’autre.
Et moi, ses questions me dérangeaient. Elles étaient à la fois censées et incensées.
L’amour, d’après moi, l’amour juste et dans l’ordre des choses, était l’amour filial. L’amour d’un parent pour son enfant. Les autres liens étaient de belles rencontres, mélange de miroirs et d’illusions.
Il est dit que le couple se forme autour de nos blessures.
Moi, je me disais que je n’en avais pas vraiment. Je n’avais aucune raison d’être en couple. J’allais vers ces hommes qui comme moi, n’en avait pas vraiment. J’allais vers ces hommes qui, comme moi, pensaient qu’être seul était juste et que s’attacher signifiait perdre le contrôle. La transparence de nos échanges nous confortaient dans nos distances et nous rassemblaient dans la croyance en l’indépendance.
J’aurais pu les aimer. Ils auraient pu m’aimer. Quelque part, nous pensions presque nous aimer plus justement que tous les couples autour.
Pourquoi être à deux quand on est bien avec soi-même ?
Sauf que moi, je voulais vivre une histoire d’amour. Je voulais avoir un enfant. Faire un enfant supposait aimer un autre au point de choisir à deux de donner la vie. Pourtant, je n’étais pas prête à choisir le couple et je ne voulais pas l’enfant sans le couple.
Et alors, je pensais ne pas avoir de blessures.
Il est dit que le couple se forme autour de nos blessures.
Oui, je pensais ne pas avoir de blessures.
Et puis je le rencontre.
Il est dit que le couple se forme autour de nos blessures.
Il me ressemble. Il me ressemble dans ses excès, dans son envie d’être écouté, dans l’importance qu’il donne à tous les détails de son histoire, dans son désir d’autonomie et dans son besoin de structure. Il me ressemble dans sa joie d’enfant et dans ses discours d’adultes. Il me ressemble dans ses doutes, ses attentes et sa peur de les confier à un autre que soi. Il me ressemble dans ce qu’il donne et retient.
Il me ressemble surtout dans ce dont il a besoin.
Il parle de lui. Il dit ce que je veux entendre et je n’aime pas l’entendre. Je n’aime pas l’entendre parce qu’alors je sais : je sais que je rencontre un homme avec lequel je veux être en couple.
Et j’ai peur.
Aurais-je peur sans blessure ?
Il est dit que le couple se forme autour de nos blessures.
Ce ne sont pas forcément les nôtres. Elles peuvent-être celles de nos parents, celles de nos grands-parents, celles des générations antérieures à la nôtre. Toutes celles qui ont été porté par d’autres avant de se déposer dans nos gênes et influencer nos vies : nos sensations à l’évocation de l’amour, du couple, du lien social, de la parentalité et de l’engagement.
Ce sont devenues les nôtres. Le couple que forme nos parents, le rang qu’on occupe et la place qui nous a été donné au sein de notre famille viennent d’une histoire qu’on ne connait souvent pas et qui scellent les grands débuts de nos vies : nos premiers amours surtout.
Nos premiers amours qui ajoutent aux histoires de nos ancêtres notre propre histoire et qui perpétuent les modèles, si nous ne trouvons pas le courage de les comprendre et de les identifier pour nous en libérer. Et alors, être en capacité de guérir de nos blessures avec l’autre. De rejouer les dés avec quelqu’un qui sait pourquoi il est avec nous. Avec la vulnérabilité de ses blessures et le courage du coeur.
Il est dit que le couple se forme autour de nos blessures.
Je crois que l’amour est la vulnérabilité du coeur.
Et le coeur détient la vérité.
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