Les jours d’après

J’oubliais de regarder le ciel

Chloe Conscience
Sur la route du Must
3 min readJul 24, 2019

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J’oubliais de regarder le ciel. Pendant toute cette période, j’oubliais de regarder le ciel. Je m’enfermais dans une rigidité de pensée qui m’éloignait de tout ce qui aide à guérir. J’oubliais de regarder le ciel parce que j’étais blessée. J’étais blessée d’avoir vécu une fausse couche, j’étais blessée de mettre mon énergie dans la conformité, j’étais blessée d’essayer la raison dans un corps porté par l’intuition. J’étais surtout blessée d’être blessée. L’ego était revenu dans ma vie et avait récupéré sa place préférée : la plus grande. La peur de manquer d’argent, de temps et de soutien s’ajoutait à la peur infondée de me tromper. Je ne me voyais pas survoler la vie jusqu’au moment où je réalisais que la donner était hors de contrôle.

Je m’étais pourtant promis de ne jamais oublier de regarder le ciel. Les jours où mon intuition, mon amour et ma confiance en la vie avaient la plus grande place, je m’étais promis de ne jamais oublier de regarder le ciel.

Et puis, «la vie avait repris le dessus». Cette expression aberrante du quotidien qui relaient les choses qui nous font du bien à demain. La vie qui reprenait le dessus ressemblait à la situation socialement idéale pour vivre une maternité, l’argent nécessaire pour avoir une paix relative, l’expérience professionnelle qui ne me laisserait pas en dehors de tout pendant que mon énergie se dirigerait ailleurs. Une vie sous contrôle. Une vie chiante. Une vie qui emmerde tout le monde, moi la première. Et puis, arrive la fausse couche. Et puis, arrive la question : Comment donner la vie quand on s’éloigne de la sienne ?

Quand arrive la fausse couche, je ne regarde pas le ciel. Quand arrive la fausse couche, je retiens ma respiration. Je veux garder le contrôle. Jour après jour, je manque de souffle, j’étouffe, je suis énervée. Je suis énervée d’être énervée. Je suis fatiguée. Je suis épuisée d’être fatiguée. Tout ce que j’avais mis en place pour contrôler l’arrivée d’une grossesse m’exaspérait avec une force à laquelle je résistais. Tout les compromis négociés avec raison faisaient de l’ombre à mon intuition. Alors doucement, insidieusement, ce que j’ai de meilleur me laissait au pire. Oui, je m’enfermais dans une rigidité de pensée qui m’éloignait de tout ce qui aide à guérir.

Et puis, je suis arrivée au Brésil. Ça faisait deux ans, peut-être trois, que je n’avais pas plongé dans une réalité différente de la mienne. Dans le village où j’arrive, où sa population vit dans la pauvreté, les filles sont enceintes de leur premier enfant entre 12 ans et 15 ans. Les filles sont enceintes à cet âge où l’idée seule d’avoir un rapport sexuel m’était hors d’esprit. Ici, l’argent n’est pas au centre de leur vie parce qu’il n’y en a pas. On me raconte que ceux qui reçoivent une paie vont acheter des briques qu’ils ajoutent aux maisons inachevées qu’il habitent. On me raconte qu’ils sont heureux et à les regarder de près, ils en ont l’air. Le paradis des dunes de sables et des lagons aux couleurs du ciel côtoie la pauvreté d’une population qui n’a pas eu le choix de mettre sa richesse ailleurs : dans le contentement, dans le moment, dans la rue. Ici, la richesse de la population est dans la rue, là où les gens se retrouvent, là où les gens habitent. C’est dans les rues du Brésil que mon intuition revient. C’est dans les rues du Brésil que je ne veux plus avoir peur. C’est au Brésil que je m’arrête pour regarder le ciel.

J’oubliais le ciel et sa force. Celle de me ramener à l’instant, à l’essence, à l’essentiel, au tout. Celle de me ramener au temps qui passe, et à tout avec. Celle de me rappeler que la suite est toujours meilleure et la fin toujours belle. Celle de me connecter à la grâce et au mystère, que l’on passe sa vie à nier alors même qu’ils sont l’essence de la création.

Je regarde le ciel et mon corps sent à nouveau.

Vivre justement donne naissance.

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