Les lignes imaginaires

Et toi, à quoi tu crois ?

Chloe Conscience
Sur la route du Must
3 min readJan 12, 2018

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On lui a refusé son VISA pour les États-Unis. C’est la seconde fois en un mois. Il y vit pourtant depuis six ans. Six ans pendant lesquels sa vie s’est construite là bas. Ses relations, son appartement, son entreprise et toutes les sensations qui s’infiltrent dans les lieux où l’on se sent chez soi. Oui, on lui a refusé son VISA pour les États-Unis. On lui a dit qu’il n’était pas chez lui à l’endroit où il s’y sent, alors il délocalise sa vie. Il est privé de territoire.

Privé de territoire ? Je ris.

L’homme a inventé un système et se félicite d’en être le maitre. Ce système, même ses maitres en sont aujourd’hui esclaves. L’homme a créé sa propre prison en y dessinant ses lignes imaginaires. Il a créé des bouts de papiers sur lesquels nous déclinons nos identités pour mieux contrôler nos mouvements. Il nous assène d’autorisations et d’interdictions de circulation. Nous devons payer et nous justifier pour obtenir nos accès. Selon le bout de papier gagné à peine né, nous en rions ou en pleurons. Et l’homme joue au gardien d’un monde qui n’est pas le sien.

Je me souviens avoir rencontré un homme israélien à Bali. Il voyageait avec d’autres amis israéliens avant d’y arriver. C’était le seul d’entres eux à en avoir eu accès car il avait deux bouts de papiers : l’un israélien et l’autre français. Il a présenté son passeport français à la douane. La douane : ces cabanes qui sont devenues vitrines avec les années, où des personnes en uniformes lisent un bout de papier appelé passeport, pour nous renseigner sur quel sol nous avons le droit de marcher.

Un sol définit par des lignes imaginaires.

Je ris. Dites, lesquels d’entres-nous vivent dans un monde imaginaire ?

L’homme a créé un jeu et il oublie qu’il joue. Personne n’en sortira vivant, et pourtant. Pourtant nous prenons au sérieux les lignes imaginaires, les règles inventés, les histoires racontés et les chefs proclamés. Chaque jour on épuise des cartes et on s’épuise, à négliger la seule chose que l’on perd réellement : le temps. Nous nous divertissons du fictif : de l’argent, des biens, des transactions. Nous nous divertissons à en perdre le sens des réalités : des attentions, des personnes et des relations. Nous respectons les règles du jeu et ceux qui s’en étonnent passent pour des fous. Les plus sains d’entre-nous passent pour des fous.

À quel jeu jouons-nous ?

Les vrais fous ne voient pas qu’ils jouent. Ce ne sont pas ceux qui appliquent les règles, mais ceux qui trop sérieux subissent les turbulences d’un esprit assouvit : la peur, le manque, la frustration et l’incompréhension de toutes ces subjectivités intégrées comme vérités. Et la sérénité disparait dans un monde qui dicte avant d’autoriser. Oui, les règles encombrent les esprits d’un jeu que nous prenons pour notre réalité.

Malheureusement, ou heureusement, la vie nous rend malade, la mort nous rattrape et les catastrophes naturelles nous rappellent. Alors nous réalisons. Nous réalisons que les règles de vie sont en réalité les légendes les plus puissantes que l’homme ait raconté pour l’homme. Et que la seule supériorité que l’homme ait jamais conquis, est celle qu’il s’est inventé.

On lui a refusé son VISA pour les États-Unis. C’est la seconde fois en un mois. On lui a dit qu’il n’était pas chez lui à l’endroit où il s’y sent, alors il délocalise sa vie. Il est privé de territoire.

“Privé de territoire ?” Qu’est-ce qu’on a ri.

Et rire de ces lignes imaginaires fut la manifestation la plus réelle de ce jeu si sérieux.

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