Naitre mère

À mon premier né

Chloe Conscience
Sur la route du Must
5 min readOct 13, 2020

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Je n’ai pas écrit depuis ta naissance, la naissance de mon premier enfant.

Je veux pourtant l’écrire depuis que tu es là. Me raconter, nous raconter en quelques phrases. J’ai toujours aimé écrire mes histoires et tu es déjà ma plus belle.

Tu es né en France, une année pas comme les autres, pendant un confinement national. Tu es né en ce temps suspendu où la liberté, le mouvement et l’équilibre étaient difficile à appréhender. J’ai souvent lu le bénéfice du confinement pour se recentrer sur l’essentiel et je souriais intérieurement à l’idée que cette période était la tienne. Alors que le collectif s’ébranlait, je construisais les souvenirs les plus heureux de ma vie personnelle. Je vivais lentement et intensément mes dernières semaines de femme sans être mère et je te couvais avec une tendresse infinie.

Tu m’apprenais déjà qu’en tout temps, il y a de l’espace pour les rêves qui se réalisent.

Fin avril, pourtant annoncé en mai, tu es né. En l’espace d’une seconde, je suis devenue celle que j’ai toujours voulu être : ta maman. Je dis ta maman car je suis spirituelle et je crois que je savais, et que tu savais, que dans cette vie tu serais mon fils.

Tu es né il y a quelques mois maintenant. Ensemble, nous avons vécu l’accouchement dont je n’osais pas rêver, celui où je t’accueille de mes mains. Je n’ai pas osé rêver ton arrivée parce que mon désir de maternité était présent depuis si longtemps que toute imagination m’aurait éloigné de l’humilité dont je devais faire preuve.

Donner la vie est une responsabilité que je ne pouvais simplement pas diminuer en projetant notre histoire, et le début de la tienne.

La seule chose à laquelle j’aspirais secrètement était celle d’être là pour te soutenir dès ta première respiration. T’avoir porté au monde est le moment le plus fort de ma vie. J’ai déjà envie de te dire merci.

Te tenir pour la première fois a été déboussolant. J’ai déposé mes mains sous tes petites épaules mouillées, j’ai serré ma prise parce que j’ai eu peur que tu glisses et je t’ai tenu à bout de bras pour te déposer sur moi. J’ai senti le reste de ton corps quitter le mien pour naître enfin. C’est comme cela que tu es arrivé sur Terre, sur moi, à la force de mes bras fragiles, dans une hésitation maladroite mêlée à une volonté infinie. Je t’ai porté sans savoir que je serais capable de le faire. Mon instinct de mère est né avec toi. À te découvrir à bout de bras, j’ai pleuré. L’expérience était désarmante, et pourtant j’ai longtemps pensé être née pour la vivre.

Ton arrivée dans ma vie ne me donne aucun droit sur toi. Je n’ai que des devoirs. Je me souviens de poser mon regard sur toi alors que tu avais seulement deux jours. Tu étais si petit, si vulnérable et j’ai été envahie d’une vague de sentiments ambivalents : de peur, d’amour et de culpabilité… Des sentiments qui convergeaient vers un sentiment plus fort que tous : l’espoir. J’ai alors espéré une seule chose : celle que tu aimes la vie. J’ai pris la responsabilité de te mettre au monde, j’espère que tu aimeras la vie comme je l’aime. Aussi parce que, quand on aime profondément vivre, vivre sa vie est plus facile.

Je me suis longtemps interrogée sur la raison pour laquelle je voulais des enfants. Ce désir était si ancré en moi que je m’en suis souvent méfié. Au milieu de réponses qui ne m’ont jamais satisfaites revient toujours une phrase que j’ai lu il y a des années, peut-être vers mes 17–18 ans. Cette phrase expliquait que les femmes ont un désir de maternité depuis un très jeune âge sont des femmes qui sont attachées à transmettre leur amour de la vie. J’y ai lu mon désir et cette réponse a toujours été celle que je choisis.

Quand je t’ai vu pour la première fois, je ne t’ai pas reconnu. Certaines femmes témoignent qu’elles ont toujours eu l’impression de connaître leur bébé. Ça n’a pas été mon cas. Tu étais un être que je ne connaissais pas et je me suis sentie émue de te rencontrer. J’ai été fascinée et je t’ai trouvé beau. J’étais infiniment reconnaissante de te voir naître et en une seconde ton bien être est devenue ma priorité absolue.

Quelque chose à laquelle je n’avais jamais pensé s’est également passé à ce moment là, ton père est devenu l’amour de ma vie. Ta naissance a marqué la naissance d’un nouvel amour pour lui. Tu es né il y a presque six mois et ce sentiment se renforce chaque jour. Il n’est pas seulement un père exceptionnel, il se révèle être un homme exceptionnel qui fait de ta vie la plus importante de la nôtre. Il me laisse l’espace de vivre les premiers mois de notre rencontre l’esprit dégagé de toutes autres préoccupations. Il saisit la vie sans ne jamais passer à côté de l’essentiel.

Les trois premiers jours de ta vie, ton père, toi et moi avons été confinés à la maternité. Nous avons vécu une autre naissance en plus de la tienne: celle de notre famille. Le premier mois de ta vie, tu n’auras connu aucune autre source de chaleur humaine que celles de nos bras. Tu as littéralement dormi avec nous jours et nuits. Nous avons souvent entendu que la première année de vie est la plus décisive en qualité d’amour et d’estime de soi et nous remplissons ton réservoir d’amour inconditionnellement.

Mon premier né, tu m’as plongé la tête la première dans une vie d’incertitudes. L’incertitude est le propre de la vie et peut-être l’a toujours été mais désormais je le vois quand je te vois. Je sais le sentiment qui m’habite quand j’entends qu’avoir un enfant, c’est voir une partie de soi vivre à l’extérieur de soi. C’est terrifiant. Je ne suis pas terrifiée mais je peux dire avec conscience que c’est terrifiant. Même si t’accueillir est merveilleux, je mesure aussi les difficultés et les douleurs que peut porter l’expérience. La grossesse, l’accouchement, le post partum sont des périodes qui se traversent avec tellement de «si» qu’elles sont presque impossibles à préparer.

Mais face à toute l’incertitude de ce que sera ta vie, et la notre de parents, ton arrivée dans nos vies (avec tout ce qu’elle comportait d’incertain : les mois d’attentes, une fausse couche et une grossesse au repos) aura été un moment hors du temps et inoubliable. Et en cela, je le chéris, nos histoires maintenant liées à jamais.

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