Sommes-nous tous créateurs ?
L’individu dans le collectif.
Le monde a plusieurs vitesses. Qu’il s’agisse des pays ou des lieux dans lesquels nous évoluons, des personnes dont nous nous entourons ou de notre situation personnelle, la modification de ces facteurs influe notre rapport au temps et notre perception du monde.
Toujours selon ces même facteurs, le monde est capable de nous ouvrir un océan de possibilités ou un précipice de contraintes, parfois les deux en même temps. Il arrive aussi que le rythme décélère et nous impose le besoin d’imagination pour nous remettre en action.
Entre mes 24 et mes 28 ans, j’ai vécu ma vie avec l’exploration en ligne de fond. Je me suis volontairement trouvée dans des situations différentes dans le but de confronter mes certitudes à d’autres réalités.
Pour ne citer qu’un exemple j’ai déjà évoqué la différence de vue, la différence de rythme lors d’un retour de New-York dans mon article “Est-ce que ce monde est sérieux ?”
Quand on quitte sa ville pour une autre, on est aveuglée par la différence de réalité. La leçon n’est pas de faire l’expérience d’une autre réalité, mais de réaliser qu’il n’y en a pas. Nous créons des réalités, partout, dans toutes les villes du monde. — “Est-ce que ce monde est sérieux ?”
Nous créons des réalités, partout, dans toutes les villes du monde.
[2014]
Cette notion de création/créateur entre dans ma vie.
Je rentrais de plusieurs mois à New York, pendant lesquels j’avais travaillé avec la présidente et éditrice d’un magazine. Avant de rejoindre Paris, j’ai passé les trois semaines à échanger avec des entrepreneurs et des artistes américains. Je voulais savoir ce qu’il se passait dans l’esprit de ceux qui se disent un jour “Je vais agir pour ce qui est juste pour moi, pour créer le monde dans lequel je veux vivre.”.
Paris balbutiait ses premiers mots : “startups”, “entrepreneuriat”, “growth”, le vocabulaire d’un monde qui change. De plus en plus de personnes voulaient changer – certains les choses, d’autres le monde — mais nous parlions surtout de changer de jobs ou de voies.
Une énergie naissait au cœur de laquelle nous rêvions (enfin !) en grand et nous parlions du travail autrement. Les personnes portées par l’énergie quittaient un cadre pour un autre, en quête d’un idéal ou en création d’une nouvelle réalité. Ces démarches supposaient un retour à l’authenticité, à l’audace et au courage ; des qualités qui allaient envahir les médias et les réseaux sociaux jusqu’à convaincre l’ancien monde de collaborer avec le nouveau.
Au fil des ans, les entrepreneurs, les artistes et les créatifs sont devenus des étoiles dans la nuit et quand le chemin n’effrayait pas, nous voulions tous un peu en être.
[ Aujourd’hui ]
Je continue au présent parce que depuis cinq ans je suis portée par l’énergie folle de l’entrepreneur, l’énergie curieuse du créatif et l’énergie insatiable de l’artiste.
Ces énergies n’ont pas seulement envahi les médias et les réseaux sociaux, elles ont envahi l’espace. L’espace de lieux de rassemblement pour ces entrepreneurs : accélérateurs, coworking, etc. Nous créons ces lieux pour ne plus isoler les esprits libres et créatifs et pour faire émerger la force du collectif. Néanmoins quand on crée un cadre pour un autre, deux profils se distinguent : il y a ceux qui rejoignent ce nouveau cadre pour ne pas passer à côté et il y a ceux qui s’y destinent parce qu’ils ont perçu ce monde avant même qu’il existe.
Anthony Gutman, l’un des deux fondateurs du Remix Coworking [Remix Coworking], fait partie de ces derniers. Je le rencontre dans le 8ème arrondissement de Paris, dans l’un de ses cinq espaces parisiens, et il m’inspire cet article.
En l’espace d’une heure de temps, je comprends que sa vision est née bien avant sa matérialisation. Nous évoquons ensemble la fracture qui s’opère entre le monde d’avant (patriarcat, rationalisme, individualisme) et celui d’aujourd’hui (collaboratif, besoin de sens, création) et la place que chacun tient dans cette nouvelle équation. Au coeur de cette transition, Anthony et son associée Hanane, ont choisi d’incarner ce nouveau monde au sein d’ espaces de coworking : ils sont la représentation de nouveaux modèles de travail et de nouveaux modèles de réussite. Chaque personne qui intègre le Remix est sélectionnée pour partager les valeurs de ce nouveau monde : bienveillance, authenticité, engagement. Nous y trouvons des personnalités et des projets différents mais 70% des personnes travaillent ensemble. Cela met lumière sur le maillon essentiel du mouvement : l’interaction entre les individus.
Sans évoquer l’exécution détaillée de la vision partagée par Hanane et Anthony, je perçois avec force la place centrale de la co-création dans leur organisation, la place de choix de la créativité et le travail rigoureux indispensables pour changer le monde. Non seulement l’état d’esprit est subtilement actuel et visionnaire, mais l’organisation est rigoureuse et ambitieuse.
Alors pourquoi sommes-nous tous créateurs ?
Je crois en l’importance de se connaître pour avoir un impact positif dans le monde. La connaissance de soi apporte la conscience de ses forces et de ses limites et plus largement, de notre potentiel en qualité d’individu qui crée. Avec cette conscience se renforce la responsabilité individuelle.
En revanche, pour que cet impact change le monde, nous avons besoin du collectif. Nous avons besoin de tout ceux qui sont en train d’oeuvrer à créer le monde dans lequel ils veulent vivre. Nous avons besoin de nous mettre en lien les uns aux autres, de raconter nos expériences, de compléter nos talents et de nous donner le temps de voir naitre nos projets. C’est en chemin vers ce monde que l’on apprend ce dont le monde a besoin aujourd’hui. Et c’est auprès des autres que nous apprenons le plus, de nous-même et du monde dans lequel nous évoluons.
Le monde évolue, et nous aussi. Nous n’avons pas besoin de quitter un cadre pour un autre. Nous avons besoin d’agir les uns à côté des autres, avec authenticité, vers un monde dans lequel nous revenons à ce que nous sommes : des créateurs.
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