Quand l’amour est la priorité, quelle place accorder à la personne que l’on aime ?

Je me pose cette question depuis plusieurs mois. J’ai toujours écrit pour exprimer l’incertitude. J’ai toujours écrit pour parler d’amour. Depuis plusieurs mois cependant, j’écris moins.

J’écris moins depuis qu’il fait partie de ma vie. L’écriture devient pudique depuis que me vient son visage quand je pense à l’amour. Comme si raconter l’amour reviendrait à le raconter lui aussi.

J’écrivais au début, prise dans le tourbillon du coeur qui tombe amoureux. J’écrivais au début, jusqu’à l’amour.

J’écris moins car je ne sais pas comment s’écrit la peur de l’amour.

J’ai régulièrement lu la simplicité désarmante avec laquelle nous aimons l’autre après avoir appris l’amour de soi. Ce n’est pas l’expérience que j’en fait. L’amour est plus juste, plus conscient, mais me concernant il n’en est pas moins terrifiant. Je vois mon amour qui se multiplie à côté de lui et certains jours, cela me fait peur. Je sens la résistance de l’amour qui a peur de se déployer. Et il se déploie.

Il est dit qu’une de nos plus grandes peurs serait la peur de l’abondance. Chacun de ses mots, de ses gestes et de ses regards m’enveloppe d’un amour qui n’a jamais traversé ma vie avant de croiser la sienne. Peut-être alors que ce qu’il se dit est vrai. Peut-être que j’ai peur de l’abondance. De l’abondance que met notre amour dans ma vie.

L’amour est une source de vie, une force de vie inégalable. Il prend racine dans ce que nous avons de plus authentique, vulnérable et mystérieux. L’amour semble aussi concret qu’insaisissable, aussi personnel qu’altruiste. Mais malgré la magie certaine derrière la notion d’amour, aimer quelqu’un d’autre que soi confronte à une réalité différente de celle dont nous faisons l’expérience sans l’autre. L’amour est une palette de tant d’autre chose que l’appel du coeur : c’est aussi la confiance, la bienveillance, l’acceptation et la patience. L’amour est une attitude qui sert à l’évolution de la personne que l’on aime, un amour qui s’équilibre (et non qui résonne) avec notre propre singularité.

J’ai passé un certain temps et il me faudra encore un temps certain pour apprivoiser l’amour de soi, et aujourd’hui je m’ouvre à l’amour d’un autre. Ce qui signifie devenir confiante, bienveillante, conciliante et patiente avec un autre dont je ne sais de lui que ce que je partage et je crée avec lui. Certains jours encore, j’ai peur de voir ma réalité être différente à ses côtés, et je m’interroge :

Quand l’amour est la priorité, quelle place donner à la personne que l’on aime ?

L’amour prend du temps. Je nie parfois cette évidence avec impatience et insolence. Aimer prend du temps. L’amour s’apprend comme nous apprenons à marcher et les premiers mois sont des premiers pas. Nous titubons, nous prenons appui sur ce que l’on découvre avec lui. Chaque petite chute est aussi une petite victoire qui nous apporte l’enseignement nécessaire pour avancer avec le plus de liberté et de stabilité possible. Nous nous risquons à la chute parce que nous savons que c’est notre seule chance pour un jour marcher. Peut-être que c’est cela qui terrifie en amour : cette incertitude permanente qui nous attire comme si nous l’avions toujours connu, convaincu en nos coeurs que c’est la seule voie possible.

La personne que j’aime et que je choisis a une place si spéciale qu’elle me déroute. Je sais aujourd’hui que je suis capable de l’aimer avec les mêmes ouvertures et les mêmes limites que l’amour que je m’accorde. Je vois avec lui la délicate ressemblance entre l’amour que je donne et que je me donne, entre l’amour que je reçois et qu’il se donne.

La peur prend surement source dans mon idée qu’il arrivera que cet amour soit mis à l’épreuve ou qu’il arrivera peut-être que cet amour soit une épreuve. J’en ai fait l’expérience sur le chemin de l’amour de soi. J’en ai fait l’expérience les jours où j’oubliais que la peur ne s’oppose pas toujours à l’amour. La peur est aussi une preuve de cet amour.

Et quand l’amour est la priorité, le véritable acte d’amour est d’oser reconnaitre l’importance de la personne que l’on aime.

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