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Vouloir [être] un enfant

« Est-ce que tu veux un enfant parce que tu aimes les enfants ou parce que tu es une enfant ? »

Chloe Conscience
Sur la route du Must
5 min readOct 17, 2017

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9h07. Jean plutôt que pantalon. Bus plutôt que métro. « Fly away with me » tourne en boucle. La journée sera casual et bordélique, ou ne sera pas.

Je sors du bus et le ciel attire mon regard. En toile de fond, il surplombe les architectures parisiennes et les décore de ses reflets rose et jaune. Pâle, lumineux et radieux. Majestueux même, il donne le ton d’une journée plus grandiose que ce que j’imaginais.

Et je rêve de simplicité. Je rêve de la douceur ou de la noirceur qu’on ne s’impose pas à nous-même. Des émotions naturelles, qui nous viennent de la nature. Je rêve de ciel à perte de vue, d’arbres, du bruit des animaux et d’une eau qu’on appelle mer. Je rêve d’avoir seulement à m’occuper de voir mes enfants grandir. Je regarde le ciel qui illumine la rue et mon âme d’enfant revient à la surface.

Hier, 18h35. J’attrape mon livre pour prévenir le temps que je vais passer dans un métro bondé. Sur mon chemin, une femme qui a fait du métro sa maison, croise une femme enceinte qui y est de passage. Alors qu’elle me semblait épuisée et lassée il y a encore une minute, je vois son visage s’illuminer. Sa lumière témoigne de la promesse d’un moment convoité dans une journée d’obscurité. Ses yeux se posent sur le ventre rond et je l’entends féliciter. Cette infinie bienveillance pour la création de la vie alors même qu’elle la subit me touche.

Les regards qu’inspire un ventre rond font preuve de la beauté de la vie. Tout le monde semble touché à l’idée d’un visage poupon, vierge de ce que la vie vient transformer.

Samedi dernier, 16h30. À deux ans à peine, il marche devant moi comme pour me montrer la voie. Il regarde partout, ne s’installe nulle part et me dit “non” en souriant quand je lui indique le chemin. Je le suis, je regarde où il regarde, je souris aux personnes auxquelles il sourit et quand il s’arrête devant un petit garçon qui pleure et m’interroge du regard, je m’interroge. “Qu’est-ce qu’on fait face à un enfant qui pleure ?”. Je m’approche du petit garçon qui pleure avec ce petit garçon qui s’interroge et ensemble, on lui sourit. Brusquement, le petit garçon s’arrête de pleurer pour nous regarder. Je lance en l’air le ballon que j’ai dans les bras et les deux petits garçons lèvent les yeux vers le ciel. Le soleil nous aveugle. Sans perdre de vue le ballon, leurs yeux me disent “encore”. Je lance à nouveau le ballon vers le ciel.

La semaine dernière, au réveil. J’ai cette triste sensation en ouvrant les yeux et je pose ma main sur mon ventre. Je remonte la couette sur mon visage. Je négocie encore quelques minutes de cet entre deux, à la frontière entre le rêve et la réalité. J’essaie de retrouver la sensation heureuse d’un ventre qui grossit, occupé. J’essaie de capter à nouveau les mouvements d’un intérieur vivant. C’est la troisième fois cette semaine. La troisième fois que je rêve de ce qui se crée sans s’inventer.

J’aimerais me rendormir.

Juillet dernier. Acte manqué. On s’est séparé.

Je parcours Paris, seule et reposée. Je n’ai rien perdu de moi, pas cette fois. Je suis triste, quelque chose de lui va me manquer. J’ai du mal à l’identifier. Je déambule pendant des heures dans les rues, et leur luminosité met lumière sur la vérité. Une seule idée va me manquer, une seule envie s’est éloignée. Une envie qui me pose en limite malgré mon exploration acharnée des possibilités.

C’est vrai, il y a bien une chose que je ne peux pas faire seule.

Deux ans plus tôt.

Je l’attrape dans son berceau. Sa frimousse m’émeut. Je m’amuse de simplement le regarder. Le premier enfant d’une amie me laisse penser que c’est le premier enfant que j’aurais pu avoir. Ça n’est pas pressant, aucune jalousie ne m’étreint, je suis remplie de douceur et de joie. Un si petit être pour un si grand bonheur me réchauffe le coeur.

Quand il sourit, j’explose de rire. Et quand je rentre chez moi ce soir là, je me souviens de la vie que je veux.

Quatre ans plus tôt.

Tu aimes bien Clara ?
Clara ? La fille de la comm ?
Non rien, laisse tomber.
Qu’est-ce que tu as ? Dis-moi ma belle.
Je parlais du prénom Clara.

À cet instant je me demande ce qu’il m’a pris de poser cette question. Comme si un jour, on aurait un enfant ensemble. Comme si un jour, il aurait soudainement le profil de l’homme qui me ferait un enfant.

- Je trouve ça joli. Pourquoi ? Tu veux un enfant ?

Il a le regard rieur. Ce même regard qui ne peut m’empêcher de sourire. Qui provoque en moi une vague de chaleur tendre qui se reflète dans mes yeux, malgré tout le désarroi que je ressens dans mon cœur. C’est probablement cette alchimie qui me fait rester à côté de lui.

- Bien sur que je veux un enfant. Mais pour le choix du prénom je verrai directement avec son père.

Mais au fond de moi, je préfère l’homme que j’ai en face de moi.

Cinq ans plus tôt. Ça aurait probablement été Elia.
Nous étions d’accord pour ce petit nom. Nous étions d’ailleurs d’accord pour à peu près tout. Certains diraient que le problème venait peut-être de là. Mais je me fous totalement de ce qu’aucun dirait.
Voilà un mois que j’ai quitté les deux personnes qui auraient pu être les deux personnes les plus importantes de ma vie. Pour vivre ma vie.

15h40. Donner la vie : désir naturel et instinctif. Si instinctif que sa précipitation vient m’appuyer sur le ventre à chaque pensée. Un désir incontrôlé qui ne peut pas s’assouvir dans le besoin de contrôle. Alors j’évite. J’évite de complexifier une envie indéfinissable, inexplicable, inexorable.

Et je rêve de simplicité.

Je rêve d’avoir seulement à m’occuper de voir mes enfants grandir. Alors je regarde le ciel qui illumine la rue et mon âme d’enfant revient à la surface.

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