Cancer des ovaires en multi-récidive, que faire ?

CATHERINE COSTE
Chroniques biomédicales
9 min readApr 13, 2018

Mise à jour le 25 avril 2018.

Une lectrice m’a envoyé cette question pour une amie à elle, encore très jeune, mais pour laquelle ses médecins traitants en région parisienne (je n’ai pas plus de détails) ont dit qu’il n’y avait “plus rien à faire”.

Ma correspondante écrit : “On ne peut pas laisser tomber une patiente qui veut continuer l’exploration.”

J’ai donc demandé à un ami biologiste français, installé depuis 10 ans en Californie, s’il pouvait aider à orienter cette patiente, lui donner des pistes qu’elle puisse étudier avec son conseil (médecin généraliste ou spécialiste). Voici sa réponse, qui date du 8 avril 2018 :

“Avant de lui dire ça, ce qui est terrible déjà, lui a-t-on proposé un profil génomique tumoral ?
C’est surtout la boîte aux USA, Foundation Medicine, qui fait ça, et qui après le test peut recommander des médicaments qui ne sont pas forcément sur la liste des médecins prescripteurs.
Il y a plusieurs tests disponibles, le cas de cette patiente, en multi-récidive je comprends, nécessite un test qui va évaluer de multiples biomarqueurs pour de multiples médicaments. Attention, certains des tests de Foundation Medicine ne ciblent qu’un nombre réduit de possibilités, et s’adressent aux femmes en début de maladie, pas à celles en récidive.
https://www.foundationmedicine.com/genomic-testing

Je conseillerais à cette dame de regarder ce que fait la Clearity Foundation, qui milite justement pour que les femmes aient accès à ce genre de test qu’elles appellent le tumour blueprint.
http://www.clearityfoundation.org/test-panel/

Elles recommandent aussi de se faire faire un profil protéomique de la tumeur, il me semble que c’est la boîte Caris qui fait cela.

Quand on combine les résultats de Caris et de Foundation Medicine, on voit vraisemblablement des options thérapeutiques qui ne sont pas évidentes sans ces tests, donc potentiellement de nouvelles options.
https://www.carislifesciences.com/platforms/adapt/

Vu qu’elle est en Europe, cela ne va pas être facile.
Il faudrait qu’elle parle à son médecin de ce type de tests et qu’il l’aide à trouver un fournisseur local. OncoDNA en Belgique ne ferait-il pas ça? il me semble que c’est proche, et que leur OncoDeep combine génomique et protéomique. Peut-être à essayer d’urgence après en avoir parlé au médecin et à OncoDNA. C’est ce que je ferais rapidement.
https://www.oncodna.com/en/solution/oncodeep/

En espérant que ça aide, sachant bien que la situation actuelle de cette patiente va déterminer si elle peut bénéficier de ça, ou pas.”

Que disent les dernières publications scientifiques ?

Extrait tiré des deux articles précédents, trouvé sur le compte twitter de Eric Topol MD (USA), avril 2018

Aujourd’hui les fournisseurs de ces nouvelles médecines (precision medicine) font du B to B to C. Or la pénétration des techniques médicales innovantes est freinée par différents facteurs, dont le fait que les patients potentiels ne sont pas au courant et que les prescripteurs actuels ne sont :

- ou bien pas moteurs

- ou bien pas au courant.

En même temps, on assiste à un phénomène de l’augmentation de l’autonomie des patients dans la recherche de solutions. Il faut s’appuyer sur ce phénomène en intensifiant les efforts de communication tout en ciblant le public à haut potentiel, et incidemment ou indirectement leur conseil : les médecins généralistes.

On est certes dans une zone grise d’éthique (nouvelles méthodes, pas encore “mainstream”), mais le gris clair va devenir de plus en plus foncé, à mesure que la “precision medicine” qui s’appuie sur le séquençage de génome, exome, microbiome, tumeurs, etc. va progresser et se traduire en actions — traitements médicaux. Un médecin prescripteur qui n’envoie pas vers ces nouvelles technologies aujourd’hui est dans une zone d’éthique dite “gris clair” : petit manquement à la déontologie médicale. Bientôt, ledit médecin sera dans une zone d’éthique gris foncé : gros manquement à la déontologie médicale.

Je reproduis ici l’échange que j’ai eu il y a quelques jours avec l’amie de la patiente :

Moi : Bonjour, j’ai les coordonnées de la personne de contact à Onco DNA pour la France. Elle est basée en Belgique :

Bonjour Madame Coste, Je me présente, Jessalyn Renard, je suis la personne de contact au sein d’OncoDNA pour la France. Comme promis par notre CEO, Jean-Pol DETIFFE, je reviens vers vous afin d’apporter notre aide aux patients qui souffrent d’un cancer “solide” métastatique. Nos solutions permettent de comprendre le profil moléculaire de la maladie de chaque patient afin d’orienter son oncologue vers les meilleures stratégies thérapeutiques. N’hésitez pas à revenir vers moi si vous souhaitez de plus amples informations. Je vous invite également à remettre mes coordonnées aux patients, je suis à leur disposition pour les écouter et les accompagner dans leur combat face à la maladie. Très sincèrement. Jessalyn Renard (j.renard@oncodna.com)

L’amie de la patiente : “Hélas mon amie a apparemment renoncé à la médicine traditionnelle après trop d’illusions perdues … Elle a le gène brca1 et se tourne maintenant vers le naturel, jackfruit, algues bleues… Je continue toutefois mes recherches car cela évolue si vite…”

Moi : Le naturel ne fera rien …

L’amie de la patiente : Oui je sais, pour cela je continue à chercher un traitement qu’elle puisse suivre mais elle est très affaiblie.

Moi : La France a privilégié les grands groupes, pas les startups ni les PME qu’elle a sacrifié à cette préférence. Cela se retrouve dans la santé. Application du modèle industriel à la santé, qui est : on vous applique le traitement qui marche au plus grand nombre, sans faire au préalable un test génétique pour savoir si ce traitement va être ok pour vous. Dans l’industrie, il y a du déchet, c’est toléré. C’est cela, une ligne de production. On établit une norme, tant pis pour les 5 ou 10% de déchet, le reste rentabilise la ligne de production mise en place … Donc, c’est normal que votre amie se sente pas de taille face à un système “industrialisé” et normatif — la médecine institutionnelle — , qui sacrifie ceux qui s’écartent de la norme établie par Big Pharma … La médecine est un conglomérat avec des normes industrielles. Tant pis pour les patients en échec thérapeutique, tant pis pour ceux qui auraient bénéficié d’un ciblage génétique préalable, ou profiling génétique de la tumeur, afin de prédire le succès ou l’échec de tel ou tel traitement envisagé. La succession de chimiothérapies qui détruisent autant de cellules saines que de cellules malades, si elle n’est pas adaptée au profil de la maladie de tel ou tel patient, peut finir par avoir la peau du patient plus vite que son propre cancer … Sans parler des coûts inutiles … La santé n’a pas de prix, certes, mais elle a un coût.

L’amie de la patiente : A la vitesse où tout évolue dans ce domaine, une solution est peut-être derrière la porte, il suffit de pousser la bonne et avoir le temps de l’atteindre. On ne lui a donne que quelques mois mais chaque jour une nouvelle découverte peut être synonyme de rémission, sursis, etc. Je croise les doigts sans pour autant oublier d’être réaliste. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.

Ayant contacté Onco DNA Belgique sur twitter, ils reviennent vers moi très rapidement, avec une information qui intéresse la patiente :

http://www.oncotarget.com/index.php?journal=oncotarget&page=article&op=view&path%5B%5D=24757&path%5B%5D=77648

Du coup, la patiente, même très affaiblie, est aux bons soins de Onco DNA que je remercie. Son amie est réconfortée d’avoir aidé à chercher …

Le choix économique de la France, qui est de privilégier les grands groupes, au détriment des PME et des startups, se retrouve dans la santé. Si vous êtes dans la norme, en tant que patient, tant mieux pour vous. Sinon, merci d’aller voir ailleurs, ou de vous résigner à mourir. Il existe des parallèles avec les USA, qui ont fait le choix du capitalisme pour leur système de santé. Le parcours de soins s’y gère sauce capitalisme pur sucre. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que le patient soit mis au centre du parcours de prévention et de soins du jour au lendemain dans ce pays, malgré le “hype” entendu et lu quotidiennement sur les réseaux sociaux. Pendant ce temps, l’Angleterre et la Chine se tournent de plus en plus vers des outils permettant de former le corps médical à la médecine “génomique” de précision et aux dernières avancées, tout en mettant en place un système économique permettant aux patients d’en bénéficier de plus en plus, au fur et à mesure des avancées. Rien de tel en France, où il faudrait une volonté politique … Les USA sont aussi très ralentis dans le domaine, du moins pour le moment … La médecine “génomique” de précision n’y est disponible que pour de rares patients, disposant de fortune personnelle, ou bien pour les employés d’Apple, lequel a établi des partenariats avec des équipes médicales très, très à la page … Pendant ce temps, nous avons des scandales de type Lévothyrox, supplément hormonal dit “de substitution”, fabriqué par un laboratoire pharmaceutique ayant bénéficié d’une autorisation gouvernementale pour procéder à un changement minimal : stabiliser la formule du médicament, qui, en approchant de sa date de péremption, avait tendance à perdre un tout petit peu de son efficacité. Quelques patients avaient reporté cela. Le gouvernement donne donc le feu vert pour des tests et une procédure a minima, sur des patients sains, pas la peine de lancer tout le tintouin d’une autorisation de mise sur le marché pour si peu, avec tests sur malades, communication détaillée à tous les échelons, avec un budget conséquent. Le laboratoire pharmaceutique fabriquant ce médicament prévient juste du changement de boîte ; non de formule. Et puis, c’est le raz-de-marée qui submerge les petites associations de malades. Des patients se plaignent de la nouvelle formule car “quelque chose ne va pas”, d’autres s’affolent, d’autres s’affolent de voir ceux qui s’affolent … On va acheter de l’ancienne formule en Espagne … Après enquêtes, remous, fake news et autres, il s’avère que le labo a profité de la valise diplomatique offerte, pour faire un autre changement, non mineur celui-là. Le lactose a été supprimé du médicament, afin de pouvoir attaquer le marché asiatique (ils n’ont pas le même métabolisme du lait que nous). Sans rien dire aux patients, aux médecins, etc. La valise diplomatique … Apparemment, les patients français n’ont pas digéré cet élan de marketing vers un marché plus rentable que le leur. Pourtant, nous avons fait le choix des grands groupes, non ? Les patients lésés par ce changement de formule passé “incognito” dans la “valise diplomatique” sont un peu dans la situation de la dame au cancer en multi-récidive et “échec thérapeutique”. Les choix économiques de la France se retrouvent dans le système de santé, et quand les pics métalliques de ces choix politiques s’enfoncent dans votre chair, cela peut faire très mal.

Je recommande la formation gratuite (MOOC) faite par l’Université de Manchester sur la plateforme FutureLearn et qui a débuté lundi 16 avril 2018. Elle vise à former des personnels soignants en matière de bioinformatique clinique :

Cette médecine s’appuyant sur le numérique et ses technologies allie les connaissances en biologie et en informatique (computer science) :

Petit rappel de terminologie …

Contenu du cours qui se déroulera sur cinq semaines :

Vidéo ici (en anglais) :

https://view.vzaar.com/7268421/video

Il faut croire que si l’on dispose de temps, il n’a jamais été aussi facile de se former …

CATHERINE COSTE

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CATHERINE COSTE
Chroniques biomédicales

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