Et pourquoi séquencer le génome de personnes saines?

Patrick Merel
Chroniques biomédicales
3 min readOct 21, 2018

La réponse donnée au congrès de l’ASHG-2018 à San Diego, CA. 21/10/2018

En fin de ce congrès marathon de 5 jours de présentations des avancées de la génétique humaine, Eden Haverfield, du laboratoire Invitae a rapporté une étude sur la possibilité de séquencer des personnes non malades.

Vu de France, cela va paraitre une fois de plus une hérésie, mais ici aux Etats-Unis, on se soucie des gens qui s’interrogent sur leurs risques médicaux, de ceux qui ont des antécédents familiaux, et de ceux qui tout simplement veulent s’engager dans des mesures préventives, soutenus dans ces efforts par leurs assurances maladies.

Invitae a donc développé un test de séquençage génomique ciblant 139 gènes connus pour être liés au développement de maladies sur lesquelles la médecine est capable d’agir dès aujourd’hui (“actionable disease genes”). Lors de ce test, 57 gènes séquencés ciblent différents types de cancers, 75 gènes séquencés ciblent différents types de maladies cardiovasculaires et 8 gènes sont séquencés pour différentes maladies dont par exemple, l’hémochromatose.

Cette première étude faite sur 2675 a montré que 16,5% (432) de ces personnes bien-portantes présentaient des gènes de prédisposition pour ces maladies. On parle bien ici de gens bien portant, sans problèmes médicaux, mais pour lesquels on identifie de la sorte, des gènes qui sont susceptibles de causer plus tard dans leur vie certains cancers pour 43,5% d’entre eux, ou des maladies cardio-vasculaires pour 40,1% d’entre eux, et 16,4% pour d’autres types de maladies, toutes pouvant être prévenues ou traitées.

Ce sont des données importantes, tous ces gens vont pouvoir être suivi par le corps médical ou bien adapter leur style de vie afin de prévenir le développement de ces pathologies.

Il était interessant d’apprendre que peu des 2675 patients n’avaient fourni leurs dossiers médicaux pour cette étude, moins de 30%, et que parmi ceux-là, après revue de leurs dossiers, 11% d’entre eux auraient été considérés par le corps médical ne nécessitant pas un test de génomique mais par contre ont présentés des gènes de risques après le test.

L’utilisation de la génomique, montre là toute sa puissance pour la définition de nouvelles procédures de prévention, adaptés à chaque patient, une médecine préventive, de précision. Si 16% de la population bien portante possède des gènes de risque pour des maladies susceptible d’être prévenue et/ou controllée, il est urgent que la médecine française s’en préoccupe. Et non ce n’est pas effrayer les patients. Les patients aussi veulent savoir, et ils sont prêts à s’engager dans des procédures de prévention plutôt que d’attendre le dernier moment.

On rappellera qu’en France la médecine génomique est très en retard et qu’on est encore très loin de proposer un séquençage de génome aux gens bien portants. Pourtant, on trouve depuis peu chez des sociétés européennes comme Sophia Genetics basée à Lausanne (un fondateur français parti en Suisse), un test de séquençage, le “Clinical Exome”, ciblant plus de 4000 maladies différentes, qui pourrait avoir une telle utilité. A suivre donc.

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Patrick Merel
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Molecular Biologist, Geek, Mac Addict & freelance reporter, eventually founder of @portablegenomics This feed is personal.