“La dialyse et la transplantation sont l’échec de la néphroprévention” Dr Eric Magnant, Aix en Provence
J’ai eu la chance d’échanger à plusieurs reprises avec un néphrologue senior, spécialiste des reins et autres dialyses. Petit décryptage de la prévention des maladies du rein, ou “néphroprévention”. Et témoignage en tant que proche de patient.
Mylène Farmer : “Les destins sont liés”
Jusqu’à peu, on serinait à qui mieux mieux dans les congrès et autres meetings de patients que les atteintes rénales non aiguës étaient insidieuses, asymptomatiques, découvertes trop tard, irréversibles, et que le diabète et l’hypertension faisaient le lit de ce… désastre. Certes la dialyse, certes la transplantation rénale. Mais pour avoir interviewé bien des soignants et proches de patients entre 2005 et 2011 pour mon blog “Ethique et transplantation d’organes”, et autres chroniques biomédicales sur Agoravox (même sujet, même époque), force est de constater que la dialyse permet de survivre et que la transplantation rénale est victime de son succès (grosse pénurie de greffons, don de rein de son vivant reste à développer), sans compter que bien souvent, “la transplantation ne guérit pas, elle prolonge la maladie”, avec la prise de médicaments lourds pouvant donner des effets secondaires type cancer etc etc. “A transplant is not a cure”, avait dit une infirmière anglaise travaillant dans le domaine. Je dis : etc., car vous l’avez bien compris, difficile de résumer un domaine si délicat sur le plan médico-éthique, impliquant donneurs et receveurs, populations de différentes religions, valeurs, croyances…
Il y a un an et demi environ, un proche, suite au COVID contracté très tôt dans la pandémie (aucun vaccin n’était encore disponible, on commençait tout juste à avoir des masques et des tests !) dégrade sa fonction rénale, alors qu’il fait déjà un diabète de type 2 (sous contrôle) et de l’hypertension (également sous contrôle). Il se retrouve en stade 3a, à tout juste 60 ans. “Vivement la retraite à très haut débit”, claironnait le Géo Trouve-Tout de l’internet, Jean-Michel Billaut, depuis 2007. Pour mon proche, j’envisageais la retraite à très haut débit de dialyse. Nettement moins drôle.
Une petite révolution : le traitement combiné Forxiga-Irbésartan, qui va “venir bouleverser le paysage de la greffe et de la dialyse” Dr Eric Magnant, Aix en Provence
C’est alors que le Dr. Magnant nous informe d’une nouveauté : un médicament réutilisé (“repurposed drug”), ou plutôt une combinaison de ce type de médicaments, va “bouleverser le paysage de la greffe et de la dialyse”. Une petite révolution”, dit-il. En pleine pandémie, je me sens revenir des années en arrière, au temps de mon blog “éthique et transplantation d’organes”. Entre-temps, ai fait des études de génomique et de bioinformatique au Massachusetts Institute Of Technology (MIT, Boston) entre 20011 et 2016. L’attrait de la nouveauté médicale, je suppose… M’amuse à enquêter autour de moi. Combien de patients souffrant d’insuffisance rénale sont-ils sous Forxiga et Irbésartan ? Beaucoup, je ne tarde pas à le découvrir, en me renseignant auprès de pharmaciens, médecins généralistes etc, dans plusieurs régions de France. Quand un traitement marche à ce point, question restauration de la fonction rénale et par ricochet amélioration de la fonction cardiaque, on l’utilise sans tarder, pour beaucoup de patients, même dans des cas, me dit-on, où la fonction rénale est très dégradée.
Finis les temps où “les atteintes rénales non aiguës étaient insidieuses, asymptomatiques, découvertes trop tard, et surtout irréversibles” ? Suivi très attentif (bilans sanguins exhaustifs, scanners et autres échographies etc), car mon proche figure parmi les premiers patients français à avoir bénéficié de ce traitement. La fonction rénale revient au stade 2 (ouf !), mais au bout d’un an et demi on repasse en stade 3a (grrr). Le Dr. Magnant explique que la néphroprévention continue, c’est-à-dire qu’on va continuer le traitement, afin d’empêcher une dégradation, plus ou moins lente mais certaine, de la fonction rénale, si on ne fait rien (comme la vache, on regarde passer les trains). Donc le patient fluctuera entre le stade 2 et 3a, ou même restera en stade 3a par la suite, mais l’insuffisance rénale sera surveillée et tant que le tableau clinique reste bon (diabète et hypertension sous contrôle, etc), pas de danger de dialyse…
Une nouvelle molécule, qui va faire encore mieux…
Kérendia Finérénone (Bayer)
“… Et”, ajoute-t’il, “je surveille une nouvelle molécule, mise au point par une équipe de chercheurs de Chicago. Sur la base d’études très solides, testée sur le plan cardiaque et rénal. Déjà sur le marché américain, en attente d’approbation pour le marché européen.” Je comprends que d’ici la fin de l’année, mon proche pourrait bien bénéficier de ce nouveau traitement, qui ferait encore mieux que la combinaison Forxiga-Irbésartan, laquelle aurait tout de même engendré une petite révolution “dans le paysage de la greffe et de la dialyse”, certes toute récente…
https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/JAHA.121.025079
Bien que n’étant ni soignant(e) ni patient(e), je vois cet embyron de révolution grandir un peu plus chaque jour, et avec le recul je me dis que Steve Jobs, avec son fameux “connecting the dots”, n’avait pas tort. J’aurai mis plus de 15 ans à le faire, mais il faut bien reconnaître que l’innovation médicale est un peu le fil rouge de ma petite histoire. Peut-être ne suis-je pas la seule dans ce cas ? C’est dans cet esprit que j’ai écrit cette petite chronique biomédicale, dédiée :
- à mon proche, à risque durant la pandémie, mais qui était venu aider son père ayant contracté le covid en dialyse. Et bien sûr à la mémoire de beau-papa, que j’adorais.
- à mes anciens patrons à Intuitive Surgical, décédés durant le COVID : Dr. Maurice Soustiel et Dr. Adrian Lobontiu, pionniers dans la chirurgie mini-invasive assistée par ordinateur.
Bon. Inutile que je vous ajoute mon profil Mastodon, hein ? J’essaie juste de vous dire que mon métier n’est pas dans le médical. Suis enseignante, depuis des décennies. Il semblerait que je préfère le commerce des ados à celui des adultes (?!), mon métier c’est “Creative Writing Teacher” à la Elon Musk school en Californie. Depuis 10 ans, avec des élèves francophones, nous étudions et écrivons des science-fictions… et ça, non, ça ne se passe pas sur twitter ;-)