Tourisme & circuits courts alimentaires, quelles pistes pour developper leur synergie ?

Synthèse des enseignements de l’enquête conduite en janvier et fevrier 2017 par les étudiants en Master 2 Tourisme, École Superieure de Commerce de La Rochelle.

Marc Chataigner
Postscript on the societies of design.
6 min readApr 25, 2017

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En janvier et février derniers, j’ai eu l’occasion d’enseigner des fondamentaux du design d’experience à des étudiants en deuxième année de master de Tourism Management à Sup de Co La Rochelle. Transmettre ces notions à des non-designers est toujours intéressant à mes yeux, car il ne s’agit pas seulement de former des étudiants à de nouveaux outils mais plutôt de les instruire avec d’autres modes de pensée — user centred — et de faire —persona, rapid prototyping — pour enrichir leur perception de ce qui est possible.

Pour leur permettre de pratiquer et se faire une experience des outils en question, le sujet que je leur ai proposé fut : « Circuits courts au menu ; qu’est-ce que les circuits courts alimentaires peuvent apporter à l’experience touristique locale et en quoi est-ce que l’industrie touristique peut être un débouché pour les acteurs des circuits courts ».

Après avoir édité des personæ et une cartographie sommaire des différents points de contact ‘alimentation’ dans les parcours de ces différents types de touristes, les étudiants ont réalisé en groupe des entretiens semi-directs de visu et des questionnaires en ligne. In fine, ce sont 56 personnes interrogées à La Rochelle et plus de 250 réponses collectées en ligne, ainsi que 24 professionnels dans l’alimentation et/ou le tourisme travaillant dans la region de La Rochelle interrogés.

Bien que certains profils aient été sur-représentés par rapport à d’autres en cette saison hivernale, le panel final permet néanmoins de tirer des conclusions intéressantes sur la perception de l’alimentation et des circuits courts dans l’experience touristique et sur de potentielles experiences à proposer.

Principaux enseignements sur “l’alimentation” :

  1. L’alimentation en voyage, une experience hybride, avec le restaurant comme référence : le restaurant apparaît comme le point de contact principal avec l’alimentation (locale ou non), même si le marché, la vente à emporter, les dégustations chez les producteurs co-existent dans les expériences de voyage.
  2. L’alimentation en voyage, une experience qui laisse de la place à l’imprévu : la majorité des touristes interrogés déclaraient s’organiser seuls et en amont pour l’hébergement et le transport ; en revanche en ce qui concerne les activités et la restauration, la majorité des touristes déclaraient demander conseil aux locaux une fois sur place, se renseigner en ligne, ou demander à leurs aux enfants & amis sur place.
  3. L’alimentation, une expérience associée à des plaisirs et surtout aux expériences passées : saveurs, découverte, convivialité, santé. L’alimentation rentre dans le champ de « l’expérience » du voyage et est construite mentalement à partir des expériences passées : C’est-à-dire que ce qui conditionne les choix alimentaires pré-existe au séjour lui-même et est propre à ce au’a vécu chaque personne auparavant.

Principaux enseignements sur “le local” :

  1. À l’opposé de l’alimentation, les produits locaux ne semblent pas être synonymes de plaisirs, mais portent plutôt des attributs rationnels ; qualité, origine, histoire du producteur, savoir- faire, ratio qualité/prix, militantisme, … Le ‘local’ fait ainsi davantage appel à des discours entendus (via les médias, magazines, proches) et objectifs (qualité, origine, label, mode de production, …) plutôt qu’à une expérience vécue et pratiquée. C’est-à-dire que ce qui conditionne l’intérêt pour le local ne pré-existe pas forcément au séjour et s’appuie sur ‘ce qui se dit’.
  2. Derriere la notion de ‘local’ apparaissent une large gamme d’imaginaires différents : les produits locaux sont associés soit à l’idée de ‘spécialité locale’ (produit de la mer, …), soit de ‘savoir-faire artisanal’ (fait maison, authentique, …), soit de ‘produit peu transformé’ (brut, plus sain), soit de ‘produit nouveau’ (pas d’idée du juste prix, ni du bon rapport qualité/prix) ou encore d’acte ‘militant’ (aider les producteurs locaux, écologie).

Principaux enseignements sur les expériences attendues:

  1. Le ‘local’ doit se manifester : si une large majorité des touristes interrogés expriment un fort intérêt pour ce qui vient du ‘local’, quasiment aucun d’envisage de rencontrer des ‘locaux’ durant leur séjour. Ils déclarent préférer que le local vienne à eux ou se manifeste dans leur parcours. Pour les touristes interrogés, l’accès aux produits locaux se fait aujourd’hui via un réseau d’acteurs établis, qui ne proposent que peu d’expériences autour des produits locaux (hors produits artisanaux et circuits fermiers) ciblées pour les étrangers, ni ne leur promeut de conseils autrement que par le bouche-à-oreille.
  2. La valeur de ce réseau des acteurs locaux : face au besoin de maîtriser les coûts et l’origine du produit (du côté des touristes autant que côté des professionnels), les circuits courts sont perçus par les professionnels comme une occasion de faciliter les négociations entre acteurs et assurer la confiance au sein de ce réseau et vis-à-vis du consommateur final. D’autre part, même si elle n’apparaît pas comme la priorité pour les acteurs locaux aujourd’hui, la valorisation des déchets pourrait fonctionner comme un vecteur d’économies et surtout un canal complementaire de valorisation de ce réseau d’acteurs locaux en jeu.
  3. Attentes en terme d’experience touristiques : des retours partagés par les touristes interrogés in situ et en ligne, il semble possible d’identifier des territoires d’opportunités pour developper de nouvelles experiences autour/avec des produits locaux ; les touristes déclaraient soit chercher du temps pour/entre soi, soit chercher la rencontre avec l’autre, ils déclaraient d’autre part soit préférer la nouveauté, soit préférer la maitrise.

Pour télécharger le rapport d’enquête complet, c’est ici.

3 exemples de projets imaginés par les étudiants:

À la suite de cette enquête collective, chacun des 11 groupes d’étudiants a développé un projet. Parmi les 11, il y avait par exemple :

My Market Foodtruck (par Marion PICART, Marie JAILLANT, Camille TRIAIRE-JANDOT, Arnaud ROUGEE, Soraya HEBERT) : un foodtruck installé sur le marché qui propose de cuisiner les produits locaux qui y sont en vente. Le chaland commande au foodtruck une des recettes locales au menu, paie et reçoit la liste détaillée et les jetons ad hoc pour récupérer les produits auprès des producteurs sur le marché. Ensuite, durant la preparation du plat, le client peut continuer la découverte/dégustation d’autres producteurs/produits, et sera averti par SMS quand les plats seront prêts à être dégustés.

Run & Farm (par Adriana MAFTEI — Thibaut FAUCONNIER — Alice FREYLON — Agathe FONTAINE) : un programme de circuit touristique associant course à pied (et/ou cyclisme) à des lieux de production locale. Durant leur circuit, les touristes sont immergés dans le terroir et relient ces lieux de production/hébergement par des sentiers encore peu pratiqués. À chaque découverte, le touriste sportif sera renseigné sur les valeurs nutritives de chaque aliment et pourra commander des produits pour se les faire livrer tous ensemble chez lui, à son retour de circuit.

Pick-a-choux (par Audrey Cauchon, Elodie David, Reem Filal, Alice Kergozien, Justine Pierre, Guillaume Thominet) : une application mobile à découvrir avant le séjour, dès ses achats quotidiens, au marché ou au restaurant par exemple. Sur les étiquettes des produits, un message appelle à télécharger l’application pour découvrir l’histoire du produit et de son producteur, puis se lancer dans la « chasse aux produits locaux ». Durant tout séjour, Pick-a-choux propose une expérience en réalité augmentée sur l’idée de PockemonGo, où au marché, en point de vente, au restaurant ou bien chez le producteurs, les touristes peuvent aller à la chasse aux produits locaux virtuels, gagner des points pour avoir des réductions sur les produits locaux réels, tout en apportant des informations complémentaires sur ces produits et leur histoire.

Remerciements à tous les étudiants et leur responsable pédagogique, Luc Béal.

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Marc Chataigner
Postscript on the societies of design.

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