Analyse du scénario d’Oxygène : écrire un deuxième acte

Baptiste Rambaud
Comment c’est raconté ?
15 min readMar 6, 2022

CINÉMA — Analysons le scénario du film Oxygène (2021) : comment écrire le deuxième acte d’un long-métrage ?

Pourquoi les « milieux » de film sont-ils si durs à écrire ?

Info : Cet article retranscrit un épisode du podcast “Comment c’est raconté ?”, disponible sur Youtube, Apple Podcasts, Soundcloud, Spotify et services de podcast par RSS.

Salut ! Et bienvenue dans ce 77e numéro de “Comment c’est raconté ?”, le podcast qui déconstruit les scénarios un dimanche sur quatre. Aujourd’hui, notre rythme cardio-respiratoire est notre pire ennemi, avec le thriller et drame de science-fiction américano-français Oxygène, écrit par Christie Leblanc, réalisé par Alexandre Aja, et sorti sur Netflix en mai 2021. Quoi de tel qu’un récit dont l’incident déclencheur survient dès la première scène, pour réfléchir à ce qui constitue un acte 2 réussi de long-métrage ?

Une jeune femme se réveille seule dans une unité cryogénique. Elle ne sait plus qui elle est, ni comment elle a pu finir enfermée dans une capsule de la taille d’un cercueil. Tandis qu’elle commence à manquer d’oxygène, elle va devoir recomposer les éléments de sa mémoire pour sortir de ce cauchemar.

Si vous ne l’avez pas vu ou si vous êtes vous-mêmes victime d’amnésie, je vous préviens : attention spoilers.

Après l’épisode 36 de Comment c’est Raconté consacré aux fins de films — à travers l’analyse de The Thing — et après l’épisode 49 consacré aux débuts de films — à travers l’analyse de Sorcerer — il est temps aujourd’hui de s’attaquer à ce qui se passe entre les deux : le deuxième acte, le milieu du récit.

Je repoussais cet épisode depuis un bon moment, car… paradoxalement, même si le deuxième acte d’un film est son plus long, c’est celui le moins théorisé par les dramaturges. Quand il est question de bien démarrer son histoire, il y a du monde, quand il est question de bien la clore, y’en a aussi, mais alors pour ce qu’il y a entre les deux… démerdez-vous, y’a plus grand monde.

Pourtant, le deuxième acte est celui des trois qui pose le plus souvent problème — aux spectateurs, comme aux scénaristes.

LE “VENTRE MOU”

On lui reproche, par exemple, l’éternel « ventre mou ». Parce que c’est trop lent ou que l’histoire n’avance pas tant — sentiment que j’ai eu devant le film « Un long dimanche de fiançailles », par exemple. Parce que c’est répétitif — sentiment que j’ai eu devant le film Silence par exemple. Parce que c’est trop balisé peut-être, sentiment qu’on a devant certains blockbusters qui cochent les cases attendues.

Parfois, le deuxième acte n’est simplement pas à la hauteur de la promesse du premier acte. C’est bien beau de nous promettre une heure et demi de survie et de tension avec un seul personnage enfermé dans un caisson cryogénique, mais est-ce que ce sera si palpitant que ça ? Comment le récit s’en sortira-t-il ? Bon, j’ai trouvé Oxygène plutôt réussi — je n’en parlerai pas, sinon, aujourd’hui — mais certains films se défilent effectivement, passé le premier acte, pour aller vous raconter d’autres trucs. Je pense par exemple au très célèbre Les Temps Modernes de Chaplin. Les fameux extraits de ce film qui trainent sur internet — Chaplin sur la chaine de production, dans les engrenages, etc — figurent en réalité dans le premier acte. Dès que Charlot quitte l’entreprise, on tombe dans un récit classique de Charlot : de vagabondage et autres séductions maladroites, loin de ce que le titre, l’affiche et le premier acte nous promettaient : une satire du travail à la chaîne en particulier.

Bref, c’est quand l’acte 2 pêche qu’on en réalise enfin l’importance — Jeff Vandermeer remarque d’ailleurs dans son livre Wonderbook que quand un lecteur trouve une fin satisfaisante, cela signifie que l’auteur a réussi le chemin qui y mène.

MIDPOINT, ET PINCH POINTS

Alors du coup, si, y’a quand même eu quelques bouquins qui se sont hasardés à théoriser sur quoi mettre dans un deuxième acte. Le plus souvent, est suggéré de le couper en deux parties, avec un « midpoint » (Climax Médian) au milieu. Que ce soit un retournement, une révélation, bref, quelque chose qui rabat les cartes. LA révélation qui intervient au milieu du film Oxygène, par exemple — et effectivement plus importante que la plupart des autres — est que le caisson où est enfermée Lise (Elizabeth Hansen, jouée par Mélanie Laurent) se trouve non pas sous terre ni dans un hôpital, mais dans l’espace.

Après, un climax médian, ça ne suffit pas. Sachant qu’un deuxième acte de long métrage dure généralement entre 40 minutes et 1 heure, ça laisse quand même deux bons tronçons de 20 à 30 minutes, de part et d’autre du midpoint. Intervient alors la notion de « pinch point » — théorisée il me semble par Syd Field dans son livre Screenplay, mais il n’a pas dû être le premier à en parler. Chaque moitié de l’acte 2 serait alors divisée à son tour en deux, par un « pinch point » — donc une « pincée » de noeud dramatique — noeud moins important que l’incident déclencheur, que le climax médian, ou que le climax final, mais tout de même significatif. Tout un dosage…

Si Oxygène comportait effectivement deux « pinch points », je dirais que le premier se situe à 20–25 minutes de film, quand Lise se découvre en bonne santé donc croit à un kidnapping, et que le second se situe autour d’1h15 de film, quand Lise apprend être un clone.

© Netflix France

Pour résumer, une fois dans le deuxième acte, pinch 1, elle n’est pas malade, midpoint, elle est dans l’espace, pinch 2, elle est un clone. Ça fait sens.

Voilà, ça y est, notre acte deux est divisés en (non plus deux mais) quatre séquences raisonnables de 10 à 15 minutes. Autrement dit, des séquences à peu près aussi longues chacune qu’un premier ou qu’un troisième acte seul.

Et maintenant ? Qu’est-ce qu’on fout dedans ? Quelques scénaristes et dramaturges ont proposé leurs pistes.

THÉORIES HASARDEUSES…

On retrouve souvent cette idée comme quoi, dans la première moitié de l’acte 2, le spectateur s’amuse, c’est la « promesse de la prémisse », le fun du concept, le héros qui se découvre et qui découvre un nouveau monde ou une relation ou quoi. Et la seconde moitié de l’acte 2, ce serait le moment de passer à la caisse, là où l’enjeu explose, où le protagoniste paye le prix du climax médian, où les antagonistes jouent salent, où les potes retournent leur veste, etc.

Bon. Pourquoi pas. Plein de classiques fonctionnent effectivement sur ce modèle, mais y’a qu’à prendre Oxygène, pour se rendre compte que ça ne passe pas partout. La première moitié de l’acte 2 d’Oxygène n’est pas plus ludique que la deuxième. Certes, l’enjeu augmente, la tension monte — ou plutôt, l’oxygène réduit — mais Lise n’était pas moins paniquée ou déboussolée avant le climax médian, où elle découvre être dans l’espace. D’ailleurs, elle n’en « paye » pas tant le prix. Oui, son espoir en prend un coup, car sortir de là vivante sera plus compliqué qu’espéré, mais le caisson ne la malmène alors pas plus qu’avant — ni ses interlocuteurs au téléphone d’ailleurs.

Bref, donc cette théorie ne s’applique pas là — et pourtant, je le redis, Oxygène s’avère plutôt bien rythmé — enfin à mon goût.

Après, y’a d’autres théories qui peuvent coller. Dans son livre Into the Woods, John Yorke suggère que chaque côté du Midpoint miroite l’autre. Je pense que cela s’applique bien aux récits de quête, où un personnage va obtenir quelque chose, l’obtient au milieu du film, et doit réussir à rentrer avec ensuite — il me semble que le film d’horreur Don’t Breath reposait sur cette structure, où une fois à l’intérieur et ayant cambriolé leur cible, les protagonistes doivent sortir indemnes sans qu’il ne les bute. D’une certaine façon, Oxygène présente cette structure en miroir, puisque Lise passe la première moitié du film à se rebeller de plus en plus, à saboter le caisson, à se méfier de ses interlocuteurs, à débrancher les sondes, tandis qu’une fois qu’elle se sait dans l’espace, au midpoint, Lise cherche à l’inverse à réparer le processeur défaillant de l’appareil, à rebrancher ses canaux, elle accepte sa condition, souhaite se replonger en hyper-sommeil et accepte même, au final, le fameux sédatif. La revoilà, à la fin, comme au début, endormie.

Mais bon, coup de chance, me direz-vous. En effet, tous les films n’ont pas ce principe d’aller-retour, cette technique n’est pas applicable partout.

Allez, une troisième théorie pour la route, celle de feu Blake Snyder dans son livre Save the Cat Strikes Back, où il développe les étapes d’acte deux qu’il esquissait plus tôt dans son premier livre Save the Cat. Il y suggère d’alterner les trois arcs vie personnelle, vie amoureuse, et vie pro, avec là encore une partie plus de découverte dans la première moitié et une plus de pression ou d’engueulades dans la deuxième moitié du 2e acte. Bon, bah là non plus, Oxygène ne repose pas sur cette triade boulot-couple-perso. Oui, Lise découvre avoir eu un mari, qu’elle recherche ensuite, oui elle découvre son métier, docteur en physique ou biologique-machin-truc, mais elle n’évolue pas dans sa relation ni ne pratique son métier. Elle n’a aucun autre véritable enjeu que l’enjeu personnel de se sortir de là, avant de manquer d’oxygène. Le film ne jongle pas entre les trois types d’histoire.

Bref. Même quand on se hasarde à guider les scénaristes dans leur construction de deuxièmes actes, au delà éventuellement des notions de midpoint et de pinch point histoire de le saucissonner en séquences digestes, on a vite fait de s’égarer.

© Netflix France

Alors pourquoi. Pourquoi est-ce si dur, en plus d’écrire un bon deuxième acte, que de théoriser sur ce qu’il devrait ou pourrait être ?

LES CONTRAINTES DU 2E ACTE

À mon sens, cette limite vient précisément des deux autres actes qui l’entourent. À l’inverse d’une série, un récit unitaire tel un film a la responsabilité de fermer tout ce qu’il ouvre, et ce dans une durée assez précise et limitée — entre 1h30 et 3h, en gros. Entendons par là que, si vous savez d’où vous partez — l’acte 1 — et que vous savez où vous souhaitez arriver — l’acte 3 — votre acte 2 se retrouve comme piégé, dans le rapport entre ce qu’il a a raconté, et le temps qu’il a pour le faire. Christie Leblanc, par exemple, s’est donnée une heure trente pour raconter l’histoire d’une clone qui découvre sa condition de réveil prématuré dans l’espace et retourne dans son hyper-sommeil. Le récit ne manque pas de rebondissements — il n’en sature pas non plus — en tout cas le dosage est limité par la matière qu’il y a à révéler entre le début et la fin.

Une fois votre récit en partie verrouillé par ses points d’entrée et de sortie — même si, admettons, on peut toujours revoir son début et sa fin — ajoutez à cela les deux principales contraintes paradoxales de l’acte 2.

Première contrainte paradoxale : renouveler l’action — notamment au climax médian — mais tout en restant dans l’unité d’action. Comment rabattre les cartes, créer un point de non-retour, un coup de tonnerre dans l’histoire, et, en même temps, que le deuxième acte joigne toujours le premier au troisième, qu’il tire le même fil, vise au même but ? Dans Oxygène, présenter Lise comme perdue dans l’espace est un tournant majeur. Cela change l’image qu’on avait du contexte, des solutions, et bouleverse le plan initial de Lise, de sortir de la capsule au plus vite. Mais l’objectif reste le même : sortir vivante. C’est le plan, qui a changé. Avant le climax médian, Lise voulait sortir au plus vite. Après, Lisa désire sortir à l’arrivée sur la nouvelle planète. Mais elle veut toujours sortir.

Deuxième contrainte paradoxale du deuxième acte : faire monter l’eau, de façon exponentielle — tout en en gardant un gros volume pour l’acte 3, censé être le plus périlleux. Comme l’a remarqué Julien Sibony dans son interview « Secrets de Scénaristes » pour la chaîne YT de la Guilde des Scénaristes, à partir de la moitié d’un récit, les minutes comptent double. Il faut avancer, et vite, que le conflit s’intensifie, que l’enjeu s’intensifie, il n’est plus question d’égratignures, de découvertes ou de s’amuser (quand c’était le cas). Et en même temps, si vous grillez toute votre tension dans le 2e acte, que restera-t-il d’intense pour le 3ème ? De plus, là encore, la matière laissée entre le premier et le troisième acte vous confère-t-elle cette amplitude de composition ? Dans le film réalisé par Aja, cette « montée de l’eau » est facile à suivre, tout simplement car le pourcentage restant d’Oxygène décrémente sous nos yeux, minute après minute. Lise commence à 35% d’Oxygène — ce qui est déjà bas, donc périlleux — et finit à zéro %. Et à combien se trouve-t-elle, au climax médian ? à 13%. Les deux tiers de son oxygène sont consommés dans la seule première moitié. Pour rappel, dans la première moitié d’Oxygène, pas d’alarme, et le pourcentage saute parfois de plusieurs points d’un coup, car Lise divagué. Mais à partir du climax médian, ou le récit doit accélérer et s’intensifier, chaque pourcentage compte. Moins ils sont nombreux, plus leur énonciation impacte, jusqu’à ce que l’alarme se lance à même pas une heure de film, à 5% restants. L’oxygène ne réduit pas linéairement au fil du récit. La narration ralenti. Christie Leblanc aurait d’ailleurs tout aussi pu jouer au jeu inverse : plutôt que ralentir la narration, accélérer l’histoire. Autrement dit, au lieu raconter plus lentement, accroitre la perte d’oxygène (genre une fuite dans le système, ou l’emballement de la respiration de Lise).

Donc, une fois que vous avez défini votre début et votre arrivée, vous figez fatalement votre matière à raconter, laquelle doit en plus se réinventer et accélérer en cours de deuxième acte, sans changer ses points d’entrée ni de sortie. À partir de là, on comprendre vite que les règles de l’acte 2 sont propres à chaque film. À chaque récit ses solutions, en fonction de sa main de départ et de celle d’arrivée, et toute tentative de théoriser l’orchestration du contenu, ne viendrait que fragiliser davantage ce difficile équilibre transitoire, du milieu de film.

© Netflix France

Après, les scénaristes disposent d’un tas d’outils locaux pour réinventer leurs deuxièmes actes, pour surprendre le spectateur et briser la monotonie — je vous renvoie aux épisodes respectifs de CCR consacrés à Saw, et à 3 Billboards, sur ces deux notions de surprise et de dynamisme. Dans Oxygène, se succèdent des scènes d’espoir et de désespoir, des de dialogue et des de combat contre le caisson, des d’enquête et des d’action, des de flashbacks et des au présent, des de tension et des de relâchement — comme celles où Lise se remémore de beaux souvenirs de couple — etc.

UNE SOLUTION : ARQUER L’ARC

Tout de même, il existe une boussole pour guider le scénariste dans l’échafaudage de son acte 2. Et je dirai que cette boussole, est le protagoniste.

Dans une masterclass accordée à la chaîne YouTube Konbini, Julia Ducourneau plébiscite ce moment d’écriture où le personnage la guide, et implique des tournants d’intrigue qu’elle ne prévoyait pas. Quand les clés théoriques ne marchent plus, il faut suivre ses personnages.

Sauf que. Parfois, les scénaristes fixent un arc chez leur personnage, une évolution à accomplir, mais qu’ils gardent pour le climax final. Alors, le protagoniste se voit condamné à ne pas évoluer avant la fin, à résister, se tromper, encore et encore, persister dans le déni ou dans l’erreur, avant d’accomplir sa remise en question. Or, j’ai trouvé une remarque intéressante dans un article du magazine en ligne Screencraft consacré justement au deuxième acte : les arcs peuvent voire doivent arquer en cours de l’acte 2 — sans en attendre la fin.

Du coup, de même que vous déconstruisez probablement votre intrigue et vos enjeux en sous-étapes, le meilleur moyen de donner de la vie à un 2e acte serait de déconstruire l’arc de son personnage en sous-arcs — je vous renvoie à l’épisode de CCR consacré cette fois à Incassable, sur ce sujet de l’arc transformationnel.

Prenez Oxygène. En quoi croit Lise ? Je ne parle pas de son but, mais bien de croyances fondamentales vis-à-vis d’elle-même et de sa situation ?

Elle se croit d’abord malade dans un hôpital, qu’on l’a oubliée, ainsi, elle ne se méfie pas. Puis, elle pense être la victime d’un complot, qu’on veut la faire taire, alors, elle se rebelle. Ensuite, elle se sait membre d’une mission de colonisation d’une autre planète, en conséquence, elle collabore, et cherche à retrouver son mari. Enfin, elle apprend qu’elle et son mari sont des clones. Dans un premier temps, cela la plombe, lui passe l’envie de survivre. Puis, Lise accepte son statut de clone, revendique oralement son envie retrouvée de vivre, et engage son retour en hyper-sommeil. Dans les dernières minutes, il y a même un dernier bref changement de comportement, où d’abord Lise se croit condamnée, et laisse un ultime message vocal au clone de son mari, puis où elle réalise qu’elle peut pomper l’oxygène des autres capsules défectueuses et ainsi se projette à nouveau en imaginant la vie sur la future planète, la mer, le vent, la nature.

Voyez comme ce n’est pas juste l’histoire d’un personnage qui lutte pour qu’on le trouve, ou qui se rebelle contre un complot, ou qui veut retrouver son mari, ou qui accepte son état de clone… C’est tout cela à la suite.

Oui, que le personnage change son fusil d’épaule, son plan, sa méthode en cours d’acte 2 pour renouveler le récit est une chose, mais la narration gagne en humanité et en émotion quand ces changements de plan ne sont pas des fins en elles, mais la conséquence d’un changement de croyance du personnage, d’un mini-arc qui s’achève. Le YouTubeur américain Tyler Mowery suggère ainsi qu’un acte deux orchestre des transitions entre des croyances successives chez le protagoniste. Il n’y a pas que la croyance de début et celle de fin, mais aussi toutes celles qui interviendront entre, et le chemin qui mènera de l’une à l’autre — donc en passant à chaque fois par du doute, de l’acceptation, et de l’action. Par exemple dans Oxygène, Lise entend quelqu’un à côté du flic au téléphone, ce qui la fait douter de sa sincérité, et la met sur le chemin de croire à un complot ; ce qui la pousse alors à saboter le caisson. Plus tard, quand une mystérieuse personne âgée la rappellera, le fait qu’elle connaisse le prénom de Lise la fait de nouveau douter, elle cesse sa rébellion, et collabore pour arriver à sa nouvelle croyance : elle est dans une mission de colonisation spatiale. Etc.

Si vous placez ces transitions de croyances de votre personnage au coeur de votre récit, découleront naturellement les transitions d’intrigue, mais aussi celles de relations, qui dynamiseront également votre deuxième acte. Lise fait d’abord confiance aux flics, puis à l’interlocutrice âgée (qui se révèlera être sa donneuse d’ADN, plus vieille) et enfin fera confiance à Milo, mais quand elle fait confiance à l’un d’eux, elle ne fait pas forcément confiance aux autres, les relations se renouvellent au fil du film.

Dans la série Succession, par exemple, ce sont les croyances individuelles successives des personnages qui les poussent à parfois s’allier, parfois se trahir, parfois jouer chacun pour soi, parfois tous ensemble, et ainsi les dynamiques se renouvellent sans cesse.

CONCLUSION

Pour conclure. L’acte deux des longs-métrages est autant une zone périlleuse des scénarios, qu’un parent pauvre de la dramaturgie. Et pour cause, les théories qui s’aventurent au-delà du principe de climax médian, en proposant des structures d’acte 2 toutes faites, ne sont pas de grand recours. Piégé entre deux actes immuables particuliers, l’acte 2 a la lourde responsabilité de renouveler l’intrigue mais d’en garder l’unité, d’intensifier exponentiellement la pression tout en en gardant sous le pied. La seule méthode qui puisse à mon sens être suggérée aux auteurs pour orchestrer leurs deuxièmes actes, au delà des techniques locales de surprises et de jeu sur les unités et les contrastes, s’avère de déconstruire l’arc du protagoniste en croyances successives, en donc en sous-arcs successifs. Bref, ne pas attendre la fin pour qu’évolue le protagoniste, au risque que l’acte 2 attende aussi la fin pour se renouveler.

Et je terminerai avec une citation du scénariste Craig Mazin, prononcé dans je ne sais plus quel épisode du podcast Scriptnotes : « la bonne structure n’est pas une méthode ou un outil, mais le symptôme d’une histoire bien racontée. »

© Netflix France

Fondu au noir pour ce 77e numéro de “Comment c’est raconté ?”, merci pour votre écoute, j’espère qu’il vous a intéressé !

Retrouvez tous les liens du podcast sur ccrpodcast.fr, dont Facebook, Insta’, Spotify, tout ça, mais encore et surtout Apple Podcasts : pour ce-dernier je vous invite à laisser 5 étoiles et un commentaire — c’est très im-por-tant pour le référencement du podcast, podcast dont l’habillage musical était signé Rémi Lesueur je le rappelle, et l’heptaheptaconta-remercie.

Je m’appelle Baptiste Rambaud, disponible sur Twitter pour répondre à vos questions, à vos réactions, et vous donne rendez-vous dans quatre semaines pour la 78e séance. Tchao !

--

--