LA COMPLIANCE EN AMERIQUE LATINE

Equipe Compliances
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4 min readFeb 14, 2019

Tribune de Dino Carlos Caro Coria, PDG chez Caro & Asociados

Jeremiah Berman on Unsplash

Le marché de la compliance continue de se développer en Amérique Latine, parallèlement à l’expansion de la responsabilité pénale des personnes morales au Chili (2009), au Mexique (2014), en Équateur (2014), en Bolivie (2010, 2017) au Pérou (2016) ou encore en Argentine (2017). La compliance sudamericana repose également au Brésil (2013) et en Colombie (2016) sur des règles de responsabilité administrative comprenant des mécanismes d’exonération pour les personnes morales ayant mis en œuvre un programme de conformité efficace.

Cette réglementation n’est pas seulement le résultat des pressions d’organisations telles que l’OCDE ou le GAFI (Groupe d’Action Financière), mais également la conséquence de scandales de corruption retentissants. Un de ces scandales les plus connus est celui dit du « Secteur des Opérations Structurées ». Il s’agit en réalité du nom qui était donné au service de la société Odebrecht (grand groupe industriel brésilien) dédié au paiement des pots-de-vin et qui, d’après l’accord du 21 décembre 2016 entre Odebrecht et le département de la Justice des États-Unis, a payé pour plus de 788 M$ à des fonctionnaires de 12 pays dans plus de 100 projets.

Ces actes de corruption n’avaient rien de spontané ou de marginal, mais avaient été réalisés de manière ordonnée et systématique, via la simulation de contrats, la création de sociétés offshore, l’ouverture de comptes cachés et l’exécution de paiements masquant l’origine des fonds.

Odebrecht a dû reconnaître ces faits aux États-Unis et payer des amendes de plusieurs milliards de dollars à trois pays (États-Unis, Suisse et Brésil). Des négociations sont encore en cours dans les 11 autres pays dans lesquels Odebrecht est soupçonné de pratiques de corruption, principalement en Amérique latine. Il n’est donc pas difficile de comprendre pourquoi le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), et son application depuis plus de 40 ans aux multinationales comme Siemens (amende de 800 M$ en 2008 à la suite des actes de corruption en Argentine et au Venezuela notamment), est presque le seul texte au monde qui permette d’agir contre ces sociétés qui, dans leur pratique transnationale, ont eu recours à la corruption pour gagner ou conserver des parts de marché.

Le FCPA a inspiré les réglementations européennes et ibéro-américaines, et certains États ont fait de la compliance la solution privilégiée aux maux de la criminalité des affaires. La réglementation comprend des incitations significatives à l’autorégulation et à la gestion du risque de commission d’infractions. Elle exige de la part des entreprises des plans de prévention de la corruption, comme moyens d’atténuer les risques patrimoniaux, juridiques et de réputation découlant d’une condamnation.

Les systèmes réglementaires et pénaux en Amérique latine n’ont pas encore assimilé ces pratiques criminelles modernes et complexes qui découlent de la rencontre entre la criminalité d’entreprise, la criminalité organisée et la criminalité politique. De même, les systèmes de conformité ne sont pas toujours menés avec la plus grande sincérité de la part des entreprises ; la compliance d’une entreprise étant parfois réduite à un simple outil de marketing ou d’image.

Cela a par exemple été illustré par les premières condamnations dans les affaires Petrobras et Odebrecht, sociétés brésiliennes qui, à l’image de l’affaire de la multinationale allemande Siemens, disposaient de mesures de conformité de façade qui n’ont pas permis ou n’avaient pas pour objectif d’empêcher la commission d’actes criminels.

Par ailleurs, si la compliance implique l’instauration d’une culture d’entreprise axée sur la conformité, comment imposer cette culture dans des environnements particulièrement chaotiques, ou existe une faiblesse institutionnelle publique et privée ?

Il ne semble pas que la réponse puisse être esquissée à l’aide du seul droit pénal. L’analyse de l’efficacité de la compliance constitue en réalité le problème majeur en Europe, région où pourtant les institutions sont réputées solides. On peut s’interroger, par exemple, sur le fait de savoir pourquoi une société telle que Siemens a pu empêcher la commission d’actes de corruption en Allemagne mais non en dehors de l’Union européenne ; ou encore pourquoi Volkswagen, malgré ses programmes de conformité pléthoriques a récemment été impliquée dans le scandale du « dieselgate »… //

Cette tribune a paru pour la première fois dans Compliances, le mag // Hiver 2018, disponible à la vente sur www.compliances.fr

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