Continuité pédagogique : qu’avons-nous appris de la première semaine ?

Anne Pédron
Faire Ecole Ensemble
4 min readMar 24, 2020

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Tout le monde le savait ou le pressentait plus ou moins dimanche 15 mars : faire la classe à distance n’allait pas être une mince affaire !

Profs, parents, élèves, parents, comment allions-nous faire ? Avions-nous les outils nécessaires ? Avions-nous déjà réfléchi ensemble à nos pratiques ? À nos postures ? S’il fallait passer à l’enseignement à distance pour plus de 870 000 enseignants et de 12 millions d’élèves Français, étions-nous prêts ?

Dès vendredi, nous faisions un premier point d’étape en visioconférence avec des enseignants de l’élémentaire, du secondaire, de l’Université ainsi que des parents d’élèves. De Montréal à Aix-en-Provence en passant par Lille et la Guadeloupe, notre constat collectif est le même : assurer la continuité pédagogique pose beaucoup de questions pratiques, pédagogiques et éthiques auxquelles nous allons devoir répondre au mieux avec les moyens du bord.

Voici nos premières observations :

1. La technique n’a pas suivi : ENT et sites académiques plantés, équipement informatique et internet très variables dans les familles comme chez les enseignant.e.s. Avant de savoir quoi, il faut trouver comment : quels sont les outils à disposition des enseignants et des familles pour échanger, communiquer, apprendre ? En l’absence d’une formation et d’outils référencés et ancrés dans les pratiques depuis longtemps, tout le monde a dû bricoler. Avec plus ou moins de bonheur.

2. La fracture numérique reste une réalité : certaines familles n’ont pas d’équipement et celles qui en disposent n’en ont souvent pas suffisamment pour tous les enfants de la maison connectés en même temps. Mais la culture numérique des profs comme des élèves et des parents n’est également pas toujours la même. Un outil considéré comme simple d’utilisation par les uns ne l’est pas forcément pour les autres.

3. L’efficacité et la simplicité ont pour l’instant primé sur le RGDP : les enseignant.e.s ont bien sûr dit vouloir trouver des outils respectueux de la vie privée des utilisateurs, compatibles avec le règlement général protection des données. Oui, mais lesquels ? Les offres alléchantes des outils non-marchands sont parfois suspectées de n’être qu’opportunité pour vendre demain leurs solutions. Dans la jungle des applis et logiciels et la précipitation du moment, tous ont aussi reconnu avoir privilégié des outils simples, ergonomiques, faciles à prendre en main, en particulier pour les parents, soudain souvent bien plus conscients de la difficulté de leurs enfants à rester concentrés toute la journée !

4. On ne fait pas cours à distance comme en classe : malgré les demandes — qui peuvent sembler contradictoires à certains — du ministère, des recteur.e.s, des chef.fe.s d’établissement, enseignant.e.s (et parents) ont vite compris qu’on ne mettrait pas les enfants face à une visioconférence 8 heures par jour. Ni même qu’on pourrait suivre la même progression et programmation des apprentissages. Ce qui compte, c’est déjà de maintenir le lien humain, l’envie d’apprendre, la remédiation avant de pouvoir aborder des contenus denses.

5. La co-éducation, une idée qui fera peut-être son chemin… S’il n’a pas toujours été facile d’établir le contact, les enseignant.e.s qui y sont arrivés de façon régulière ont dit combien cette première semaine avait renforcé la communication et les liens avec les parents. En cette période de confinement, la continuité éducative suppose des échanges parfois inédits entre les enseignants et les familles (échanges de messages audio, vidéos, etc.). Cette situation de crise permettra-t-elle de réinventer une relation qui ne va pas toujours de soi dans l’histoire de l’Ecole républicaine? L’avenir nous le dira mais jusqu’ici, les retours nous ont semblé plutôt positifs.

6. L’épuisement nous guette : Enseignant.e.s comme parents d’élèves, tous ont exprimé le sentiment d’avoir passé la semaine devant leur ordinateur, avec le sentiment d’une surcharge cognitive forte. Alerte donc : le risque d’un burn-out enseignant comme parental est bien réel. Cette crise est un marathon, pas un sprint, beaucoup ont dit avoir besoin de temps pour se poser, échanger, poser des petits pas, jour après jour.

Mettre en œuvre la continuité pédagogique n’a donc pas été de tout repos en cette première semaine. Peut-être faudrait-il d’ailleurs parler de continuité éducative, qui associe parents, élèves, enseignant.e.s, médiateur.rice.s numériques, chef.fe.s d’établissements, etc. En prenant le temps de se coordonner et de réfléchir aux pratiques et aux outils qui permettront à tous de tenir dans la durée.

Comment travailler ensemble sur la longueur ? Comment s’adapter sur la durée ? C’est un des enjeux sur lesquels nous voulons avancer ensemble.

Et vous ? Quels enseignements tirez-vous de cette première période ? N’hésitez pas à nous les partager ici en commentaire.

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