#6 Conversation avec quelqu’un qui m’a parlé d’amour
C’était un ami avec qui je n’avais plus conversé depuis longtemps. Un jour, il est revenu vers moi, pour prendre des nouvelles. On a discuté, d’abord de petites banalités, puis très vite, il s’est confié.
Il venait de revoir une fille. Une fille qui l’avait attiré déjà, il y a quelques années, et c’était réciproque. Mais elle lui avait fait du mal, et ça n’était pas allé plus loin.
Ils se sont retrouvés ensuite, mais sans s’être mis ensemble. Puis ils s’étaient à nouveau perdus de vue.
L’an dernier, il l’a encore retrouvée. Et une amie en commun est venue lui parler il y a quelques mois, en lui confiant que cette fille, comme lui, pensait encore “à ce nous potentiel”. Alors il est retourné la voir. Bien des choses se sont passées — un lapin, une perte de confiance, mais finalement, ils se sont revus, ils ont parlé, et là, il a su qu’il ne l’avait jamais oubliée, et elle non plus.
Aujourd’hui, les choses sont compliquées. Elle a vécu une rupture très douloureuse dont elle ne s’est jamais encore totalement remise, et a peur de se réengager. Mais tous deux savent, comme une évidence, l’alchimie qui les relie. Et c’est pour ça qu’il a décidé de se battre pour elle, pour eux, pour ce “nous potentiel”.
Conversation rapportée d’un mercredi soir.
Moi, une fois qu’il m’ait résumé la situation : “Mais du coup, qu’est-ce que vous allez faire ?
— Ce qu’on va faire ? Je vais me battre. Ca va être chiant, long, éprouvant, mais c’est elle, alors je ne peux pas ne pas le faire.
— Et elle a envie d’être avec toi ? Elle a peur d’être de nouveau dans une relation, c’est bien ça ?
— Elle m’a dit qu’elle pensait comme moi. A chaque fois qu’on se voit, tout revient, ce n’est en réalité jamais parti. C’est un peu une évidence. Et ouais, c’est un peu comme ça que je l’analyse, elle a peur. Et ça me fait chier parce que ça veut dire que ça va prendre du temps. Mais c’est la vie. Et elle en vaut laaargement la chandelle.
— Peut-être que ça prendra moins de temps que prévu, tu sais. Parfois, on ne sait pas trop à quoi s’attendre, on pense des choses et on peut vite changer d’avis.
— Je vais réapprendre à la connaître, et vice-versa. On se connaîtra mieux, on se redécouvrira. Je veux lui redonner confiance en elle et en l’avenir. Je voudrais qu’elle se voit comme je la vois, et qu’elle se rende compte de qui elle est, de qui elle peut être. Qu’elle ait confiance en moi. Et comme ça, ensuite, elle pourra avoir confiance en nous. Parce que comme disent les politiques, “j’ai la conviction” qu’on peut se rendre heureux, tous les deux.
— C’est hyper beau ce que tu dis là. Sincèrement.
— Tu parles. C’est assez complexe surtout. Mais mon objectif, c’est qu’elle soit heureuse. Dans tous les cas d’ailleurs, avec ou sans moi, mais si je peux la rendre heureuse et qu’on soit ensemble, c’est encore mieux.
— Tu te dévoues toujours pour les autres avant de penser à toi. Mais tu devrais faire attention à toi davantage.
— C’est pour ça que je me battrai pour elle, et que je ne resterai pas sur le côté, et que je n’attendrai pas patiemment d’ailleurs.
— Tu as raison de te battre pour elle.
— On verra… Dans l’absolu, j’aurais préféré que les choses soient plus simples. Pour moi, la dernière fois que je l’ai vue, c’était une telle évidence que la question ne se posait même plus. Et je pense que de son côté, c’est la même chose. mais on ne peut pas en être certain, et encore faut-il qu’elle se l’avoue.
Un silence.
— Quand je la vois, il y a quelque chose qui s’agite en moi, c’est incroyable. Et pourtant, depuis la dernière fois, vu ce que mon ex a pu me faire ou me dire, je me disais que ce n’était plus possible. Et je n’avais plus ressenti ça depuis des années.
— Et c’est ça qui est incroyable.
— Si tu veux, j’ai la sensation que la vie m’offre une occasion unique, là, et que c’est un moment à ne pas rater, sous peine de le regretter pendant des années, voire toute ma vie. Et j’ai envie qu’elle ressente la même sensation. Donc je vais faire en sorte qu’on réapprenne à se connaître. Et que l’évidence s’impose d’elle même. Je n’ai plus vraiment de doute. Et ça, ça me sidère totalement.
— Sidère ?
— Je n’ai pas ressenti ça depuis des mois, voire des années. Le fait de vouloir foncer, voire même de faire confiance à la vie en voyant une certitude absolue. On verra si effectivement elle pense la même chose et si elle a le courage de foncer. J’y crois. Naïvement.”
Ces dernières paroles ont eu une résonance étrange en moi. Au plus profond de mon être, j’ai senti un frisson, un tremblement, une curieuse émotion. Tant de sincérité, dévouement, amour ? me remuait. Je ne savais plus trop que répondre. Dans mon esprit, une seule parole m’est revenue en mémoire.
Lorsque, dans Les Piliers de la Terre, le prieur Philip demande à Tom pourquoi il veut bâtir une cathédrale, celui-ci a du mal à exprimer ce qu’il ressent. Alors, simplement, il répond : “Parce que c’est beau.”
Et en écoutant mon ami, j’ai pensé la même chose. J’ai voulu partager ces confidences, “parce que c’est beau”.
