La Culture du Corporate Hacking — ou Comment initier un changement dans son entreprise sans se mettre en danger

Par la Team CH Lyon : Bénédicte Braquehais, Benjamin Richy et Annabelle Plenier

Qui n’a jamais rêvé de voir se transformer son entreprise d’un coup de baguette magique ?

Hop ! Envolées les lourdeurs administratives inutiles, remplacées les habitudes de fonctionnement désuètes, bannis les comportements inopérants, balayés les objectifs absurdes ! Place à la responsabilisation de chacun pour construire une entreprise où la bienveillance et la coopération deviennent les piliers d’une action durable, dans les différents sens du terme.

Ça, c’est le rêve. Et dans la pratique, comment peut-on s’y prendre ?

C’est la question à laquelle nous avons cherché à répondre lors de notre dernier atelier des Corporate Hackers lyonnais, avec Bénédicte Braquehais, Benjamin Richy et moi-même à l’animation.

Pour nous, initier un changement dans votre entreprise ou votre organisation quelle qu’elle soit, c’est un peu comme faire pousser une fleur dans votre jardin. Il s’agit de faire grandir la fleur en trouvant un équilibre entre les besoins de cette fleur, les ressources à dispositionet l’humilité qu’impose le développement de la vie elle-même.

Nous avons donc exploré les principes du Corporate Hacking en mode « développement durable » et nous vous proposons de les résumer dans cet article à 6 mains !

1) Trouver la graine — ou Se connecter à ses motivations profondes -

La première question que nous avons posée à nos hackers en devenir concernait leur motivation à hacker.

Au fond, qu’est-ce qui fait de vous une graine de hacker ? En quoi est-ce que cela vous ressemble d’adopter cette posture d’initiateur du changement ? Qu’est-ce qui vous plaît là-dedans ? En quoi est-ce important pour vous de faire bouger les lignes dans votre entreprise ?

On touche ici à vos valeurs, celles qui vous poussent à agir et celles que vous souhaitez faire germer au sein de votre entreprise.

Quand nous partageons au sujet des valeurs de chacun, nous faisons un double constat systématique :

1. Chacun porte en lui des valeurs complémentaires à celles des autres. Nous avons ainsi tous quelque chose de différent à apporter à l’entreprise, et celle-ci sera gagnante à voir chacun de nous s’engager pour les faire vivre au quotidien.
2. Les intentions de chacun sont similaires car toutes orientées vers des groupes de valeurs semblables que l’on pourrait regrouper sous des termes génériques comme « bienveillance », « autonomie », « action », « confiance » et « joie » par exemple.

Prendre conscience des valeurs que vous cherchez à satisfaire en hackant est un préalable important auquel j’ajouterai la prise de conscience de vos besoins.

Cette prise de conscience à la fois de vos valeurs et de vos besoins est essentielle pour bien se connaître soi-même et connaître ses modes de fonctionnement. Cette étape permet de se connecter à soi pour mieux se connecter aux autres avec plus de confiance et de sérénité.

La confiance en soi émerge de l’estime de soi et repose sur 2 piliers, l’identification et la légitimité :

1. Identifier les valeurs profondes auxquelles vous tenez permet d’en dégager le sens que vous donnez à vos actions.
2. Etre reconnu(e) et se sentir légitime assoit également l’estime de soi, renforce l’imageque nous avons de nous-mêmes, et à fortiori, celle que nous renvoient les autres.

La confiance en soi est un moteur de motivation, de connexion, d’apprentissage et de remise en cause nécessaire pour apprendre à apprendre, pour élargir notre regard sur les choses et les situations, et pour agir ensemble et autrement.

Ainsi, en tenant compte de vos besoins, vous permettez à la graine de s’enraciner dans le sol alors qu’en vous connectant à vos valeurs, vous lui donnez une information sur la direction dans laquelle elle doit pousser.

Plus tard, dans le feu de l’action, vous pourrez alors vous recentrer sur vos besoins et vos valeurs pour canaliser votre énergie et choisir vos combats.

“Hum. Choisir sa graine… Pas évident ! Et si j’optais pour l’arbuste. Il est piquant, c’est un peu un poil à gratter comme moi, déjà très étoffé et pourvu de plein de petites branches, prêt à grandir.”

2) Faire pousser la graine — ou Rassembler les conditions nécessaires pour pouvoir hacker en toute sérénité

Une fois votre ADN de graine déchiffré, il n’y a plus qu’à entamer la phase de pousse… Mais alors de quoi a-t-on besoin pour pousser ?

Si on file la métaphore, on pense tout de suite à un terreau fertile, aux microorganismes, à l’eau, au soleil, …

Nous avons donc proposé à nos hackers de traduire ces éléments en facteurs concrets de croissance dans leur environnement : de quoi avez-vous besoin pour faire pousser vos idées de hacking dans votre entreprise ?

En s’appuyant sur cette métaphore pour guider la pensée, nous avons également introduit la notion de jardinier.

Votre graine pousse dans un espace privé dont le jardinier est très attentif. Son rôle est de s’assurer à la fois d’un certain rendement, mais aussi d’un rendu visuel agréable et enfin d’une facilité d’entretien.

Si la plante ne respecte pas ses attentes, le jardinier peut décider de l’arracher. S’il la juge trop belle pour rester exposée aux intempéries, il peut également choisir de la mettre sous cloche pour décorer sa maison. Et enfin, si elle n’est pas assez visible, il peut la laisser faner par mégarde.

Compte tenu de tous ces risques, il convient donc de prendre des précautions pour assurer une croissance sereine à notre jeune pousse.

En effet, toute démarche de changement est une démarche identitaire et personnelle. Il est donc important de se questionner sur nos permissions et nos protections en relation avec nos valeurs préétablies et nos besoins prédéfinis [1]:

=> Les permissions sont les éléments, les actes que j’autorise dans ma relation à autrui.

=> Les protections sont les éléments que je n’accepte pas pour moi-même et pour les autres.

Ces 2 piliers permettent à chacun de se sentir en sécurité, en confiance et de s’autoriser à être soi-même, dans sa puissance. Ils forment la base solide de toute relation.

Le rapport aux autres ainsi établi, permet de travailler collectivement sur les fondations de la relation de groupe.

“Chacun pousse dans son coin à ce que je vois…. Ma jeune pousse, c’est moi, une fleur avec des feuilles qui se déploient tout autour pour rester ouverte aux autres et au monde. Au centre, ma graine de départ , la petite pièce rose transparente”

3) Créer un écosystème de plantes diversifiées — ou S’entourer et s’insérer dans le cadre collectif

Végétaux et êtres humains, même principe : pas de croissance sans inclusion sociale !

De même que la plante a besoin d’un écosystème diversifié pour grandir et s’épanouir, le hacker a besoin d’un réseau de co-hackers pour donner vie à ses idées et leur permettre de grandir. Mais qu’est-ce que cela signifie pour vous ? Avec qui devez-vous vous associer pour hacker durablement dans votre entreprise ?

Inspirez-vous des principes de la permaculture pour repérer vos alliés : des personnes de services différents, avec des caractères complémentaires, occupant des postes divers, des âges hétérogènes,…

Constituez-vous un véritable groupe d’Hacktion et profitez de vos forces mutuelles.

Bien sûr, il ne s’agit pas de laisser le chaos s’installer, un champ en jachère ne plairait pas du tout à votre jardinier ! Tout groupe a besoin de règles pour bien fonctionner et travailler en intelligence collective. Nous avons donc proposé aux participants d’aborder cette étape par la notion de pacte collectif.

Le processus collectif naît de la création de liens entre toutes les personnes qui constituent le groupe. Il est nécessaire que chaque personne puisse explorer l’intention donnée à la création de ce groupe, à savoir : quel Sens lui donne-t-on ?

De là découlent des questions qui permettront de construire de façon durable le collectif et surtout de structurer son mode de fonctionnement : Qui, Comment, … ?

Le pacte individuel et collectif permet à chacun d’exprimer un vœu personnel et un vœu au service du collectif pour son bon fonctionnement dans le temps.

Grâce à cet outil, le groupe peut définir son intention et ses attentes c’est-à-dire le résultat escompté et les critères de satisfaction. Ce sont les règles de fonctionnement qui déterminent le cadre dans lequel le groupe va évoluer.

La force du collectif ressort par l’engagement de chaque individu au service du collectif.

“Il est temps de créer notre eco-système. Mais avant, voyons ce que ça donne de mettre toutes les plantes dans le même jardin.”

4) Polliniser — ou Sortir des frontières de son service et partager

Enfin, pour enrichir votre jardin de nouvelles espèces végétales et répandre vos merveilles à travers le territoire, il n’y a plus qu’à diffuser votre parfum pour faire venir les abeilles et autres insectes pollinisateurs.

En langage plus concret, on parle de fluidifier l’information, d’interconnecter les silos ou de gommer leurs effets, de se protéger et de se nourrir les uns les autres. Une fois de petits écosystèmes mis en place, le passage à l’échelle est facilité et l’enrichissement de la culture d’entreprise est visible.

Alors, n’hésitez pas, partagez ce que vous avez mis en place, avec vos collègues, vos fournisseurs, vos clients, vos partenaires, vos amis, vos familles et pourquoi pas vos concurrents ! C’est ce que nous faisons lors des soirées de rassemblement des Corporate Hackers, car le principe du hacking dépasse de loin le cadre étriqué de l’entreprise, c’est un état d’esprit sur ce que nous voulons faire du monde de demain, à l’échelle du travail et à l’échelle de l’humanité !

“ Après quelques détours, échanges et argumentations, voilà à quoi pourrait ressembler notre écosystème pour mieux travailler ensemble. Des tuyaux vecteurs d’énergie qui permettent de construire des ponts solides et évolutifs. A droite ce n’est pas un vaisseau Starwars mais une abeille. A votre avis qui pollinise dans l’histoire ?!”

5) La culture du Corporate Hacking en bref

Finalement, si nous devions résumer les grands principes à avoir en tête pour cultiver le hacking dans votre entreprise, nous dirions qu’il y a 4 étapes à franchir :

1. Se connecter à ses ressources internes, à son ADN unique. Et notamment avoir une conscience claire de ses besoins et de ses valeurs à titre individuel.
2. Vérifier que les conditions sont réunies dans l’entreprise pour pouvoir commencer à hacker : valider les permissions, placer des protections et déployer sa puissance pour aller chercher des appuis
3. Rassembler un groupe d’alliés complémentaires pour rendre le processus de hacking durable et pertinent pour l’ensemble du système
4. Partager ses pratiques et les faire évoluer en échangeant avec des hackers de tous horizons.

Nous remercions Mr. Manhattan, Docteur Strange et Sherlock Holmes pour leur participation active à cette soirée de co-construction ! ;°)

Au plaisir de vous retrouver pour un nouvel échange !

Notes:

[1] le triangle des 3P est un concept de l’Analyse Transactionnelle où le P de Protection représente la fonction du Parent Normatif, celui qui cadre, fixe les règles ou les limites. Le P de Permission représente la fonction du Parent Nourricier c’est-à -dire celui qui encourage et soutient le changement, l’expérimentation. L’association des ces deux conditions permet l’expression de la Puissance de l’individu. C’est l’affirmation de soi à la fois, celle de l’Enfant Libre, siége de la créativité, des envies et de la personnalité authentique, et l’expression de l’Adulte en prise avec la réalité et les contraintes éventuelles. En psychologie, l’analyse transactionnelle, appelée aussi AT, est une théorie de la personnalité, des rapports sociaux et de la communication. Créée en 1958 par le médecin psychiatre et psychanalyste Éric Berne, elle postule des « états du Moi » (Parent, Adulte, Enfant), et étudie les phénomènes intrapsychiques à travers les échanges relationnels de deux personnes ou plus, appelés « transactions ».