« Embauchez Jeremstar, ça vous fera du clic »

Romane Groleau
Le blog de L'imprévu
4 min readMar 30, 2018

Après une courte nuit suite à la soirée de (re)lancement de L’imprévu, Elena, Julia et moi-même avons mobilisé le reste d’énergie qui nous restait et sommes parties à la rencontre d’une classe de première année de BTS commerce international, au lycée Marcelin Berthelot à Saint-Maur-des-Fossés (94). À notre arrivée, au premier contact avec les étudiants, un élan de vitalité s’est emparé de nous ! C’était parti pour deux heures d’échanges autour des médias.

Pour ma part, c’était la première fois que je me prêtais à l’exercice. Autant dire que j’étais tétanisée. Pour Elena aussi c’était une première. Julia elle, était bien plus décontractée que nous. Elle a l’habitude d’animer des ateliers d’éducation aux médias et à l’information dans les établissements scolaires, c’est donc elle qui a mené la danse. Finalement, il aura suffi de quelques minutes pour que toutes mes angoisses se dissipent. Les étudiants que nous avons rencontrés étaient très curieux, intéressés et attentifs. Ils avaient vraiment beaucoup d’interrogations quant à nos pratiques, notre métier, la déontologie de notre profession, le milieu des journalistes, etc… Parfois, leurs questions nous ont fait rire et sourire. Parfois, elles nous ont interpellées, et secouées.

En allant à leur rencontre, un de nos objectifs était de cerner le regard qu’ils portent sur les médias. Pour nous qui baignons dans ce milieu, c’est toujours une surprise de constater comment nous sommes perçus depuis l’extérieur.

Au début, nous avons voulu connaître leurs manières de s’informer — la plupart grâce aux réseaux sociaux, beaucoup encore par la télévision. Une étudiante a affirmé ne pas s’informer du tout, et seulement une personne était abonnée à un magazine papier (sur le hippisme).

Puis très vite, nous sommes rentrées dans le vif du sujet lorsque l’une d’entre elles a dit : « Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi l’information ce n’est pas gratuit ? »

Vaste débat ! En effet, tout le monde devrait avoir le droit d’être informé correctement et au courant de ce qu’il se passe autour de lui. Plus globalement, c’est la question de la transparence qui est ici soulevée et celle de l’indépendance des médias, et donc de son financement. Mais alors, comment payer les personnes qui, jour après jour, relatent les faits dont chacun de nous est témoin ? Et là, c’est le silence. L’information, un bien public comme un autre ? Eh bien non, pour relater un événement il faut des moyens humains et techniques. Nous leur avons donc expliqué en détail quel étaient les modèles économiques des médias, et comment ils influençaient leur indépendance. Des réponses parfois pas évidentes à trouver et qui amenaient aussitôt de nouvelles questions de leur part.

Elena et Julia sur l’estrade de la classe — mars 2018

« Journaliste ? Les gens ne vous aiment pas… »

À un moment de la discussion, nous leur avons posé une question qui peut paraître anodine aux premiers abords : « Qui de vous aimerait devenir journaliste ? » Évidemment, nous ne nous attendions pas à un oui massif… Dans une classe d’étudiants en BTS commerce international, sans surprises, une seule main s’est levée. Les raisons ? « C’est mal payé », « c’est une filière bouchée », « les gens ne vous aiment pas… » Autant dire qu’on en a pris pour notre grade, même si ce sont des critiques que l’on retrouve régulièrement à l’encontre de la profession.

Enfin, l’une d’entre elle a demandé une chose à laquelle nous ne nous attendions pas : « Avez-vous déjà été menacée à cause de votre travail ? »

Cette question nous a projetées dans un imaginaire bien lointain, celui que des étudiants peuvent développer autour du métier de journaliste, celui d’une profession dangereuse. Nous avons rebondi en leur expliquant qu’en France, il s’agissait de cas particuliers. Aujourd’hui, dans notre pays, nous restons relativement épargnés, même s’il y a des exceptions et des pressions exercées. Par ce biais, nous en sommes venus à la protection des sources, et donc, aux origines de l’information. Alors, comment protéger une source ? En gardant l’anonymat ; quelles sont les sources d’information ? Certaines sont directes, d’autres indirectes. Ce jeu de questions-réponses a été plus que passionnant et nous a aussi permis à nous, journalistes, de remettre ces interrogations au cœur de nos pratiques — chose que l’on peut parfois avoir tendance à oublier.

Humainement, cette rencontre a été très riche pour nous trois. Ce qu’on en retire pour L’imprévu ? « Embaucher Jeremstar, créer une rubrique fait divers et traduire le site en anglais ». Voilà nos prochains chantiers…

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