Blockchain: faut-il choisir entre démocratie et écologie ?

Imane Assaad
Stéphane Grumbach
Published in
4 min readApr 12, 2019

La blockchain c’est “ la promesse d’une nouvelle gouvernance, basée sur les principes émergents de notre civilisation: principes de décentralisation, de collaboration, de consensus, de transparence et d’intégrité ” comme l’explique clairement Stéphane Voisin dans son plaidoyer Et si la blockchain pouvait sauver le climat. De par son infrastructure peer-to-peer, la technologie blockchain nourrit un discours démocratique et responsable dans lequel les différents acteurs se plaisent à imaginer une société plus transparente, au service du bien commun. Il est vrai que la blockchain permet de résoudre bon nombre de nos enjeux sociaux actuels, à commencer par l’assurance d’un vote sans fraude, la traçabilité de nos aliments ou encore la reconnaissance de la propriété foncière dans les états qui n’ont pas de cadastre. Les bénéfices d’une telle technologie sont invraisemblablement multiples pour nos sociétés. Mais je ne vous apprends rien en dénonçant l’aspect énergivore de cette nouvelle technologie : une transaction Bitcoin revient à 115 kg de CO2, soit à la consommation électrique journalière de 11 foyers américains. Cette consommation énergétique provient du système de validation appelé Proof-of-Work.

Credits: Institut des actuaires

Pour faire simple, tandis que la blockchain est la technologie qui stocke et transmet des informations sous forme de « block », le Proof-of-Work est le moyen par lequel on valide ces informations avant de les transmettre. Pour garantir la transparence et la décentralisation, cette validation d’information peut être effectuée par n’importe quel membre. Jusqu’ici, tout va bien. Mais ne pouvant retenir au final qu’un calcul en gage d’autorité, une véritable compétition se met en place au sein de la communauté afin de savoir qui sera le plus rapide. En technologie, c’est simple : pour être le plus rapide, il faut avoir le matériel le plus puissant et consommer ainsi le plus d’énergie. Non seulement le consensus Proof-of-Work légitimise une compétition basée sur la surconsommation énergétique, mais en plus normalise le gaspillage de celle-ci : si seul le calcul le plus rapide sera retenu, alors tous les autres sont bons pour la poubelle…

Sommes-nous prêts à sacrifier notre planète pour sauver la démocratie ?

Le bitcoin n’est pas la seule technologie blockchain existante me direz-vous, et vous avez raison. Mais le reste est-il vraiment moins polluant ? La plupart des entreprises et des start-ups qui lancent une technologie blockchain tentent de compenser son aspect energivore par de multiples stratagèmes, plus ou moins subtiles. Une première catégorie d’acteurs légitimisent la surconsommation énergétique par les projets eco-responsables que la blockchain permet. À titre illustratif, bananacoin promeut la blockchain pour developper des plantations de bananes au Laos. De même, la startup Everledger utilise la blockchain pour limiter la vente de pierres volées et lutter contre les mines de sang. Mais avoir une énergie au service de l’environnement et avoir une énergie eco-responsable sont deux choses différentes. Une seconde catégorie d’acteurs optent pour une stratégie de réduction des externalités négatives. Swiss Alps Mining, par exemple, propose de s’appuyer sur les conditions climatiques de la région des Alpes pour garder le stockage de données à température optimale. Envion propose d’utiliser l’énergie solaire pour faire valider les transactions de la communauté. Hydrominer et Bigblock souhaitent faire de même avec l’hydro-électricité, tandis que Wind Energy Mining s’appuie sur l’énergie éolienne. Il est vrai que ces solutions sont davantage eco-friendly, mais elles déplacent le problème plutôt que de le résoudre : il s’agit ici de justifier la surproduction d’énergie par la diminution de l’empreinte carbone.

Une blockchain vraiment écologique, c’est possible ?

Comme dit précédemment, le seul moyen de réellement réduire la consommation énergétique de la blockchain est de changer le consensus Proof-of-Work. Aujourd’hui il n’existe réellement que deux alternatives : le Proof-of-Stake et le Proof-of-Authority. Le Proof-of-Stake consiste à faire valider les transactions par le membre ayant le plus contribué à la blockchain, tandis que le Proof-of-Authority consiste à désigner un validateur en amont. Dans le cas du bitcoin, cela consisterait à donner au membre possédant le plus de bitcoins le pouvoir de valider l’information au nom de tous, reproduisant ainsi un modèle capitaliste ou, dans le cas du Proof-of-Authority, choisir un membre réputé pour sa transparence et reproduire cette fois le modèle électoral. Quid de la décentralisation et du fonctionnement peer-to-peer?

La démocratie blockchain a un prix: l’écologie.

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Imane Assaad
Stéphane Grumbach

Student in Innovation and Digital Transformation. Dual Mater Degree Sciences Po Paris and Telecom Paristech. President of Women in Business