Entrepreneur.e.s : vous en faites trop !

Asma El Guezouli
Engine
Published in
8 min readSep 14, 2018

Dans le cadre de la Fabrique d’été, organisée par Creative Valley à Mons, 8 porteurs de projets ont participé au programme “MVP Lab”. L’objectif ? Formaliser efficacement une landing page et une campagne de marketing digital. À la clé, une réponse claire : le projet que je souhaite développer répond-il vraiment aux besoins de mes utilisateurs potentiels ?

27 août 2018. Un lundi ensoleillé. Ils sont 10 à s’être réunis dans la Cour des Anciens Abattoirs de Mons, haut lieu de la dynamique montoise. Ce matin, ils ont décidé de venir tester leur projet, et de bénéficier d’un accompagnement stratégique piloté par Engine qui leur permettra d’y voir clair. Car la vie d’un entrepreneur n’est pas simple. Et le premier écueil reste celui de « la fausse bonne idée » : dès lors, comment s’assurer qu’un projet fantasmé va rencontrer de vrais clients ?

Martin, 28 ans, infirmier en chef en soins intensifs à Namur, fait partie de la cohorte de jeunes entrepreneurs venus tester ses hypothèses. Il vient de terminer un master complémentaire en sciences de gestion à l’Université. Assis de longues heures en auditoire, il a lui-même constaté l’inconfort des salles. « J’étais mieux assis durant mon bref trajet en voiture que durant les longues heures passées à l’Université ! » Son projet : allier l’utile au confortable en proposant une pochette d’ordinateur qui puisse se transformer en coussin ergonomique. Martin imagine aussi associer différentes fonctionnalités à ce siège : par l’entremise d’une batterie intégrée, l’utilisateur pourra recharger son ordinateur, son GSM… et même transformer son assise en coussin chauffant !

J1 : L’essentiel du Lean Startup

Le coach Engine en charge du programme s’appelle Benoit Lips. Lui-même entrepreneur, il partage ses conseils en s’adaptant à la réalité de chacun. Son cheval de combat : Le Lean Startup. Sa bible : « The Lean Startup », d’Éric Ries. « Dans ce monde qui change, personne ne peut savoir, à priori, si une idée est bonne… Une conviction ne vaut rien, il faut du recul et prendre le temps de mesurer cette idée. » Le Lean Startup, c’est donc l’occasion de se focaliser sur l’essentiel, sans faux détour.

En travaillant sur le “Minimum Viable Product (MVP)”, le programme permet aux participants de déceler les fonctions essentielles de leur projet et d’en questionner les fondements. « Un porteur de projet en fait souvent trop : il travaille dur mais il déploie son énergie au mauvais endroit. » Selon Benoit Lips, il s’agit d’inverser le processus classique de développement, en effectuant un cycle très court, et en commençant par le marché : les utilisateurs vont-ils vraiment vouloir de mon produit, que j’ai mis des mois, voire des années à développer ? Le programme MVP permet de réduire ce risque, l’objectif principal étant de diminuer le risque et l’incertitude.

Cette première étape de réflexion permet à Martin de ne pas s’arrêter trop vite sur une solution qui lui semblait optimale encore ce matin. « Je débute mon projet et suis en pleine phase de réflexion. C’est donc le bon moment pour moi de remettre en question mes idées. Cette première journée m’a permis de me challenger. J’attends la suite avec impatience. »

J2 : L’hypothèse critique et la notion de pivot

Mardi. Le soleil brille toujours autant et les participants sont ponctuels. Après un bref retour sur la première journée, ils sont prêts à réinterroger leur projet. L’objectif ? Tester la réaction des utilisateurs face à leur produit ou service. Cette étape est fondamentale : il s’agit de valider [ou non] l’hypothèse critique à l’origine du projet. Cette hypothèse est dite “critique”, car elle doit être formulée de manière à ce qu’elle puisse être validée ou invalidée.

Le MVP permet donc de vérifier empiriquement, à travers diverses expérimentations, l’hypothèse principale. Pour énoncer efficacement leur hypothèse et conceptualiser de façon claire leur projet, les participants sont invités à compléter un Lean Canevas. Le Lean Canevas est une structure de Business Plan simplifié et épuré étant donné que l’entrepreneur est souvent amené à pivoter, c’est-à-dire à modifier sa stratégie sans changer sa vision.

Dans le cadre de notre programme, l’hypothèse sera vérifiée par un outil digital : les porteurs de projets vont être accompagnés dans la réalisation de leur première “landing page”. Dans le cas de Martin, l’hypothèse critique à vérifier est la suivante : « Les étudiants [ou les parents] sont prêts à payer pour améliorer le confort dans l’auditoire. »

Le Lean Canvas de Ash Maurya, un outil essentiel de la méthode

Au terme de cette deuxième journée, Martin a pris conscience de la nécessité de repenser la pochette ergonomique et connectée qu’il avait initialement imaginée : « Au départ, mon projet était très flou : il partait dans tous les sens car je voulais combiner plusieurs éléments. Ce matin, les outils m’ont permis de préciser mes idées, de me recentrer sur la proposition de valeur minimum et de me focaliser sur l’ergonomie pure. » Pour l’aider, les interviews “clients” seront nécessaires. En attendant, on se focalise sur les “Personas” et les “Test Cards” qui permettent de ne pas perdre de vue l’objectif poursuivi.

J3 : La proposition de valeur

Les deux premières journées ont permis de préciser le projet. Et ce travail est indispensable pour aborder efficacement la 3e journée : Raphaël De Robiano, expert UX Design, partage les clés d’une communication digitale réussie. Avant de commencer le travail digital, on s’équipe à « l’ancienne » : du papier, et des crayons ! Sur la base d’un canevas proposé par le coach, les jeunes entrepreneurs réalisent leur landing page en mode… MVP !

La proposition de valeur, c’est-à-dire la promesse de bénéfices faite aux clients, doit accrocher l’œil et constituer l’argument-phare du site internet. « Quel est l’argument clé qui accrochera votre cible sur la page d’accueil ? Quels sont les mots qui le convaincront de prendre le temps de lire la suite ? » Au-delà de ce premier coup d’œil, il s’agit d’inviter le visiteur à découvrir davantage le produit/le service proposé. S’il est convaincu et souhaite recevoir plus d’infos, il vous laissera volontiers son email. Ensuite, à vous de jouer !

J4 : La conception numérique de la Landing Page

Grosse journée ce jeudi ! Après avoir présenté leur MVP papier à différents interlocuteurs, et recueilli des feedbacks pour le moins éclairants, il s’agit de passer à la réalisation digitale. Là encore, on se tourne vers les utilisateurs potentiels pour questionner et… avancer : « J’ai testé une première version auprès d’utilisateurs potentiels et, le moins que l’on puisse dire, c’est que ça m’a beaucoup aidé. Les retours étaient constructifs et m’ont permis d’encore revoir ma proposition de valeur à la mi-journée. » Martin constate aussi l’importance de la description du produit à travers une photo ou une vidéo : « Les personnes ciblées comprennent davantage les spécificités et les fonctionnalités du produit. Les retours étaient bien plus précis. »

Les esprits chauffent et le temps est compté. Les différents coaches accompagnent, conseillent et aident à finaliser la Landing Page. Le travail entre pairs est utile et la collaboration intense.

À la différence de certains, Martin, à ce stade, est seul pour porter son projet. « J’avais beaucoup d’appréhension sur cette journée. En fait, j’avais peur de ne pas être à la hauteur mais Raphaël a été très présent pour nous accompagner. En plus, le programme qu’on a utilisé est très “user friendly”. Mais l’élément-clé qui m’a aidé, c’est la persévérance. J’ai réduit ma pause de midi pour pouvoir finir dans les temps. » Mo-ti-vés, on vous dit.

J5 : Vers une campagne de marketing digital

Ici, on reprend tout depuis le début : quel réseau social pour qui et… pour quoi ? L’objectif poursuivi : générer du trafic ! On veut faire connaitre son produit et on cherche à toucher le plus grand nombre.

« Je suis encore assez jeune mais, les réseaux sociaux, je ne gère pas très bien. Avant le “MVP Lab”, ça ne me parlait même pas du tout. Ce matin, c’était donc un exercice assez difficile pour moi. Je me suis dirigé vers Facebook car les étudiants forment le public-cible de ma campagne. J’ai donc créé une page au nom de ma marque (“Forsit”) et je l’alimenterai pendant les deux prochaines semaines. J’ai aussi investi dans des bannières publicitaires. La publicité renverra sur la landing page qui permettra de marquer son intérêt pour l’article proposé. En marketing, on appelle ça “l’étape de conversion”. Je suis impatient de voir les résultats, de voir s’il y a effectivement de l’intérêt. » Et si ce n’est pas le cas ? « C’est possible. Dans ce cas, je pivoterai : je testerai peut-être une seconde hypothèse, en me focalisant sur une autre cible (par exemple, les employés travaillant en open space), en proposant un autre prix, ou en testant un crowdfunding. Mais, avant tout, je dois faire plus de recherche en amont !

J18 : Les résultats

Les participants au programme “MVP Lab” ont bénéficié de (quasi) deux semaines pour tester leurs hypothèses et observer les réactions. Cette période est nécessaire pour prendre du recul. Les premières réactions et marques d’intérêt relatives au produit/service permettent d’adapter la communication pour répondre au mieux aux besoins. Ce jeudi matin, les candidats et les coachs sont heureux de se retrouver et de faire le point sur les projets.

Tour à tour, chacun des participants présente au groupe les résultats de sa campagne marketing. Pour sa part, Martin est allé à la rencontre des étudiants de l’UNamur, où il a lui-même, étudié. Des affiches ont été placées aux lieux stratégiques. L’objectif : obtenir des visites sur la Landing Page et promouvoir le produit en suscitant de la conversion. En tout, Martin a comptabilisé près de 200 réactions et visites sur la page Internet. Les gens semblent donc curieux et intéressés. La conversion, par contre, semble hésitante. Les gens se rendent sur la page mais ne cliquent pas sur le bouton “je suis intéressé”. L’étape suivante ? « Je vais réfléchir au prix, à la capacité de paiement de mon persona. Sur la Landing Page, le prix n’était pas indiqué, ce qui a peut-être freiné les gens. Je devrai peut-être aussi, comme je l’avais imaginé, réorienter ma cible. Dans les jours qui viennent, je vais me concentrer sur le prototypage des coussins. »

Les 6 journées intensives passées ensemble semblent avoir conquis l’ensemble des participants. Mais l’équipe organisatrice est curieuse et cherche, elle aussi, à améliorer constamment son programme. On termine la session par un débriefing agile qui permet à l’équipe de lister les pistes et les bonnes idées d’amélioration.

Au terme du parcours, Martin semble lui aussi très convaincu : « J’ai appris beaucoup plus ici qu’en 3 mois de cours en “Entrepreneuriat et Innovation” à l’Université. On est les mains dans le cambouis. On est boosté, propulsé pour faire avancer notre projet, même s’il y a beaucoup de remises en question et qu’il y en aura encore ! C’est une super formule pour tester et challenger notre projet. »

Merci Martin, et merci à tous pour cette belle aventure !

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