Nous devons intégrer les enseignements du confinement.

Sebastien Morant
Engine
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5 min readApr 9, 2020

Après 3 semaines de confinement, il semble que la société ait encaissé le choc et ait compris que cette situation n’était pas éphémère. Les media commencent à évoquer d’autres sujets (5G, foot, théâtre, Nethys, immigration…) et les habituels partages et mobilisations « pré covid » ont repris sur les réseaux sociaux. Ce virus n’est pas comme un ouragan, qui dure 1 ou 2 jours et derrière lequel on reconstruit les bâtiments d’avant. Ce virus n’est pas comme un tremblement de terre, qui affecte une région d’un pays, avec laquelle une partie de la population est solidaire. Ce virus n’est pas comme un conflit mené loin des pays occidentaux et dont on ne voit que des images, coincées entre une pub et la météo.

Le Coronavirus est un « game changer ». Il va avoir un impact profond et durable dans notre société. Il va en modifier les règles. Principalement sur le discours qui va pouvoir être tenu dans les prochaines années. Ces mois de confinement vont nourrir beaucoup de réflexion qui construiront le monde de demain. Au niveau social, au niveau politique et au niveau économique, il faudra tenir compte d’un éventuel covid-19 bis. Tout comme parler d’environnement il y a 10 ans vous faisait passer pour un extrémiste écolo, parler de renforcer les solidarités et de réduire la mondialisation (ou pire, parler de décroissance) vous attirait des regards de mépris il y a quelques mois à peine. Après le passage du virus, ce sont des thèmes qui s’invitent dans tous les débats liés à

la reconstruction : doit-on continuer cette libéralisation à outrance ? Les impôts ont-ils du sens ? La coordination des niveaux de pouvoir doit-elle être renforcée ? N’est-ce pas le rôle de notre état et des citoyens de privilégier un essor local ? Le « made in homeland » aura plus que certainement le vent en poupe.

D’un point de vue social tout d’abord, il apparaît que notre système de santé a été en mesure de répondre à la situation sanitaire. Évidemment que cela a été et est difficile, évidemment qu’il a fallu mobiliser toutes les ressources. Évidemment que les gens ont donné et donne leur maximum. Le constat est qu’il y a des choses à améliorer, mais que le système global a tenu le choc. Et cela grâce à nos impôts qui sont le socle de la solidarité. Ces dernières décennies, jamais payer ses impôts n’aura eu autant de sens. Le résultats est directement visible : c’est la contribution de chacun qui a permis de sauver des vies, d’offrir des soins à tous ceux qui en avaient besoin. Dorénavant, ceux qui s’évertuent à éluder (ou réduire) l’impôt pourront être vus comme ceux qui jouent avec la vie des autres.

C’est aussi cette solidarité qui permet à notre système d’offrir un chômage économique à près d’un million de Belges. Le montant maximum (€1550 net mensuel) est à la hauteur de la participation de chacun. Encore une fois, nous devons être fier de contribuer à aider de la sorte les familles qui en ont tellement besoin. Payer ses impôts et ses taxes doit devenir une fierté, un acte citoyen et altruiste.

Ensuite, sur le plan politique, le virus a démontré l’intérêt d’une capacité de décision commune. C’est au niveau européen qu’une réponse de grande ampleur est attendue. A l’heure où le Green Deal est en marche, il devra être accompagner d’un message quant à l’avenir de l’Europe. A chaque crise se pose la même question : plus ou moins d’Europe ? Les analystes répondent qu’il en faut plus. Les pays membres montrent qu’ils en veulent moins. Le constat est que l’Europe n’a pu apporter aucune aide aux citoyens des pays membres. Pire, la commission, impuissante, a présenté ses excuses à l’Italie. Chaque pays s’est recentré sur lui-même et a joué des coudes pour obtenir masques et autre matériel médical auprès de la Chine. En Belgique, le gouvernement fédéral a repris la main de manière brillante, pour apporter des solutions coordonnées aux différentes entités du pays. A l’échelle européenne, les institutions sont restées sans voix, inutiles et incapables de démontrer une valeur ajoutée dans la gestion de la situation. L’Europe saura-t-elle jouer ce rôle de chef d’orchestre en coordonnant la mise en place d’une réponse intelligente à la situation ? Et lui donnera-t-on l’occasion de le faire ? Rien n’est moins sur.

Enfin, il est facile d’imaginer que, dans le monde économique, nombre de décisions seront justifiées sur base de ce qu’on est en train de vivre. Dans le monde industriel par exemple : conserver cette unité de production en Europe ? « Evidemment, cela permet de diversifier nos lieux de productions et d’augmenter notre résilience. » S’approvisionner uniquement en Chine ? « Oui, mais quelles sont les autres possibilités ? Car tout peut s’arrêter en un jour. » Lancer un site d’e-commerce ? « Évidemment, il faut pouvoir continuer à servir les clients dans différentes situations. » Distribuer des dividendes ou garder une trésorerie importante ? « On doit pouvoir tenir en cas de crise. » Les hypothèses d’un arrêt des fournitures, d’une réduction des canaux de distribution, d’un manque de cash seront intégrées dans les paramètres de décisions. Non plus comme des « worst case scenarios » mais bien comme des contraintes réalistes et probables.

Parallèlement, chaque entreprise va devoir se tourner vers ses clients pour identifier comment le Coronavirus aura changé leur attitude de consommation. On dit qu’il faut 5 jours pour intégrer une nouvelle habitude. Autant partir du principe qu’après 60 jours, les comportements auront été modifiés durablement. Il sera primordial pour chaque entreprise de comprendre et intégrer ces changements. Tant au niveau de leur personnel qu’au niveau de leurs clients. L’exemple du télétravail est le plus évident : ceux qui y ont pris goût comprendraient mal comment leur employeur pourrait leur imposer de venir tous les jours au bureaux alors qu’ils ont démontré leur capacité à être productif et à interagir avec les collègues depuis leur foyer. C’est le même constat pour les livraisons à domicile (courses, repas, objets…) : une partie de ceux qui ont été forcés de faire leurs achats sur le net conserveront ce comportement car ils y ont trouvé un nouvel équilibre. Les entreprises vont devoir se réinventer et être agiles afin de reprendre leur élan.

Nous ne sommes qu’à l’aube de l’analyse de la situation provoquée par ce virus. Nous pouvons néanmoins déjà sentir quelques tendances, livrées ici. De plus, étant donné que la situation va durer, il ne faut pas attendre la fin (s’il peut y en avoir une) pour s’adapter. Après 3 semaines de confinement, le moment de démarrer la réflexion sur la manière de s’adapter à cette nouvelle société est arrivé.

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Sebastien Morant
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Ayant travaillé dans des PMEs pendant 10 ans, j’ai ensuite rejoint Engine, comme CEO, pour accélérer les transitions de l’économie : digitale, durable…