Un MVP n’est pas une version simplifiée de votre produit

Marc Lainez
Engine
Published in
7 min readDec 1, 2016

A moins que vous n’ayez vécu dans une grotte sans contact avec l’extérieur ces dernières années, vous avez certainement entendu parler de ce fameux “MVP”. Non ce n’est pas le “Most Valued Player” du match mais bien le “Minimum Viable Product” développé par Eric Ries dans “Lean Startup”.

Mais au fond, un MVP c’est juste une version simplifiée et un peu foireuse qu’on livre au client c’est ça ? Un truc fait rapidement pour commencer à générer de l’intérêt ? Bin non… Ce qui est décris là c’est juste un produit baclé, pas un MVP…

Optimisé pour apprendre

Avant tout, un MVP est là pour vous apprendre quelque chose, pour valider ou invalider une ou plusieurs de vos hypothèses. Prenons un exemple parlant, tiré du tout premier Nest’in. Une des équipes souhaitait développer une boîte gastronomique comprenant des produits du terroir Wallon, et plus particulièrement des bières, le produit devait s’appeler Wallobeer.

L’idée était simple, vous faire découvrir des bières du terroir et proposer des bières qui ne se trouvent pas en grande surface, en y ajoutant une touche d’originalité avec un carnet descriptif du brasseur, de la bière mais aussi un “passeport” qui reprendrait une liste des bières comprises dans les autres boîtes ainsi qu’une carte pour visiter toutes les brasseries.

Le décor est posé, et on peut dire que niveau hypothèses, on a de quoi faire:

  • La boîte aura un style un peu “roots” et “rustique”
  • Le prix sera de 20 euros par boîte et comprendra 3 bouteilles de bière, le passeport et le carnet brasseur/brasserie
  • Le public cible (amateurs de bières artisanales) ira sur place visiter les brasseries
  • Le public cible souhaitera goûter les autres bières de Wallobeer
  • La vente se fera directement chez le brasseur

On pourrait continuer encore pendant de longues minutes à lister toutes les hypothèses possibles mais concentrons nous sur celles-la.

Comment valider ou invalider ces hypothèses ?

Le MVP “Frankenstein”

La première étape c’est de prendre une de vos hypothèses. Par exemple, la première: La boîte aura un style un peu “roots” et “rustique”.

On a deux choix. On peut commencer à contacter des agences de design, sous-traiter la conception de la boîte et attendre que le prototype soit fini et dépenser toutes nos économies pour ça ou bien… trouver un boîte en carton de la taille désirée, utiliser du papier d’emballage brun, des découpes de vieux journaux, de la ficelle et tout ce qui nous tombe sur la main pour se faire une idée de ce que ça pourrait donner.

Si le MVP est trop beau, vous aurez peu de feedback. Les gens à qui vous le montrez auront tendance à ne pas vouloir vous faire de peine. Si en revanche il est trop baclé, vous risquez de vous faire remballer… Le tout est de trouver le juste milieu.

Qu’est-ce qu’on peut tester avec ça ?

  • Est-ce que le style de la boite attire le regard du public cible ?
  • Est-ce que la boîte est assez grande pour y glisser 3 bières + la documentation ? Trop grande ? Quelle serait la taille idéale ?
  • Est-ce que les brasseries seraient prêtes à exposer une telle boîte contenant leurs produits chez eux ?
  • Est-ce que l’image de la boîte correspond à l’image que les brasseurs veulent donner de leur bière ?

Il nous suffit maintenant de sortir du bureau, rencontrer des brasseurs, des beer lovers afin de leur présenter votre premier “MVP”.

La première Wallobeer box faites avec les moyens du bord…

Et si on le vendait ce MVP ?

Imaginons qu’on à la bonne taille, que le style plaît aux amateurs de bières et qu’on a répondu oui aux questions de la section précédente. Et si on la vendait maintenant cette boîte ? Là encore plusieurs hypothèses:

  • Est-ce que 20 euros est le prix juste ?
  • Est-ce que 20 euros nous permet de rentrer dans nos frais ?
  • Quelle est la marge que nous pourrions faire à ce prix là ?

Là encore, il suffit d’aller acheter les-dites bières, de faire un passport et des fiches avec les moyens du bord en utilisant des templates de brochures achetés en ligne (cherchez indesign templates dans google), d’imprimer le tout sur votre imprimante perso et le tour est joué. Avec votre déco de boîte rustique et le contenu que vous aurez généré, vous pouvez faire votre calcul de marge et trouver des acheteurs pour votre première boîte. Et pourquoi pas en fabriquer une dizaine pour vous faire une idée de:

  • Combien de temps faut-il pour assembler une boîte ? Est-ce “scalable” ?
  • Les boîtes attirent-elles suffisamment l’attention chez le brasseur lorsqu’elles sont empilées ? Quel “empilage” est le plus efficace ?

Gardez le focus sur vos hypothèses les plus “critiques”

A chaque fois qu’on fait un pas en avant dans un projet, d’autres questions se posent, d’autres hypothèses se forment. Certaines sont plus importantes que d’autres. On dit d’une hypothèse qu’elle est critique lorsque si celle-ci n’est pas vérifiée, cela peut mettre en danger votre modèle et l’existence même de votre produit.

Votre MVP doit avoir pour vocation de tester un maximum d’hypothèses critiques. Une fois prouvées, vous pouvez désormais investir plus dans votre “produit”, contacter des personnes qui vous aideront à la rendre plus “pro”, vous faire d’autres propositions etc... Il est à ce stade plus que probable que votre MVP passe à la poubelle. Un MVP n’a pas pour vocation de rester et de continuer à exister. C’est un outil à durée de vie limitée qui vous permet de prouver vos hypothèses critiques, rien de plus.

Attention, cela ne veut pas dire que la qualité passe à la trappe, il serait stupide que personne ne s’intéresse à notre MVP parce qu’il n’est pas fait sérieusement et qu’on en tire les mauvaises conclusions par rapport à nos hypothèses de départ. Attention aux faux négatifs.

Et si mon produit, c’est du software ?

C’est beau mais tout ça c’est pour les produits tangibles, ça ne marche pas avec une app ou un site web! Détrompez-vous…

Les meilleurs exemples de cette approche se trouvent souvent dans le monde du software. Dropbox et Zappos en sont d’excellents exemples mais vous en trouverez beaucoup d’autres en ligne.

Une autre possibilité que celles listées ci-dessus, c’est d’utiliser des outils en ligne tels que Zapier et IFTTT qui vous permettrons de lier entre elles des APIs disponibles en ligne afin d’automatiser certains de vos processus et de construire un premier MVP. Voici un bon exemple de l’utilisation de ces services.

Le MVP c’est une philosophie

J’avoue, c’est un peu bateau de vous balancer un bon vieux “c’est une philosophie, un mode de vie”, mais dans ce cas-ci c’est plutôt vrai. Une fois que vous êtes capables de réfléchir de cette manière, de vous détacher de la vision irréaliste de votre produit final et de produire vous-même vos propres MVP pour tester vos hypothèses, rien ne pourra vous arrêter…

Vous pourrez valider des hypothèses à la pelle et lancer de nouveaux produits tous les mois, que dis-je, toutes les semaines. On peut rêver non ?

Et Wallobeer ils sont devenu quoi ?

On pourrait effectivement se demander si ça leur a vraiment servi à quelque chose tout ça. Si ce n’est pas juste une perte de temps. Parfois oui c’est vrai. Mais dans leur cas pas du tout ! La Wallobeer n’a pas vu le jour mais forts de leur feedback et des contacts noués dans les brasseries, ils ont lancé le bac de bière de l’avant, dont ils ont écoulé toute leur production :)

Et ils ne se sont pas arrêtés là puisque Catherine et Antoine ont continué leur aventure et ont ouvert leur propre micro-brasserie: “Ca brasse pour moi”. N’hésitez pas à aller leur parler MVP… Ils remettent d’ailleurs le couvert cette année 2016 avec un nouveau bac de bière de l’avant !

Lui est passionné par la bière, du champ à la bouteille. Elle par la gastronomie, du produit à l’assiette. Ensemble, Antoine et Catherine ont développé dans l’ancienne ferme familiale un lieu dédié à la zythologie. La zythologie, vous ne connaissez pas ? C’est à la bière ce que l’œnologie est au vin : l’art de la déguster et de l’harmoniser avec les repas. Pour explorer ce monde passionnant, ils ont ouvert une cave à bières artisanales et organisent des ateliers d’initiation à la zythologie. En plus de ces activités liées à la dégustation, une brasserie est en train de voir le jour dans l’ancienne grange de la ferme.

Et vous, c’était quoi encore votre excuse pour ne pas vous lancer ?

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