Quand les ordis fabriqueront des tomates

Usbek & Rica
Crowd
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3 min readFeb 27, 2017

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Elles ont besoin de peu d’espace. Elles fonctionnent sans terre ni soleil. Elles rendent la pousse des plantes aussi aisée que le Haricot magique de Jack. Les fermes urbaines squattent peu à peu nos cités. Leur version miniature, l’ordi de nourriture, pourrait bientôt arriver dans nos intérieurs.

Dickson et la Tour magique

En 2050, nous serons trois milliards de plus sur la planète. 80% de la population mondiale vivra en ville. Le microbiologiste américain Dickson Despommier (le destin) a calculé qu’il faudrait 1 milliard d’hectares de cultures supplémentaires — la superficie du Canada — pour nourrir ces bouches en plus. Or, 80% des terres cultivables sont déjà exploitées. Et l’expansion des villes pourrait bien en réduire le nombre.

En 1999, Despommier théorise le concept de « ferme verticale ». Il imagine des fermes-gratte-ciel (« farmscrapers ») de 30 étages où les plantes poussent hors sol, grâce à des LED et un substrat à base de laine de roche ou de sable, irrigué par une eau dopée aux nutriments. Outre ces serres, des espaces seraient réservés à l’élevage de poules et de porcs, et à l’aquaculture. Un tel bâtiment, explique-t-il dans The Vertical Farm (Macmillan, 2010), pourrait nourrir 50 000 personnes.

© Skygreens

15 ans plus tard, le rêve de Despommier est en train de prendre forme en Asie et aux Etats-Unis, où s’élèvent — pas très haut, mais quand même — des fermes verticales. A Singapour, l’entreprise Sky Greens a mis en place la première ferme verticale au monde. Grâce à un système rotatif haut de 4 étages et 9 mètres, les plants montent vers le soleil, avant d’être arrosés d’eau de pluie dopée aux nutriments. Grâce à ce système, Sky Greens produit quotidiennement sur ses 557 tours rotatives une demie-tonne de légumes. Aux Etats-Unis, Aerofarms a construit à Newark la plus grande ferme verticale, haute de 12 m. Sur une superficie de 3700 m2 et douze étages de production, l’entreprise a pour ambition de produire jusqu’à 1000 tonnes de légumes par an, soit une productivité 75 fois supérieure à celle d’une ferme classique.

Ce n’est pas encore le basculement promis par les adeptes de Despommiers, mais on est sur le bon chemin. D’abord le test & learn, comme on dit dans les startups.

Il reproduit la vie des plantes… dans une boîte

Le “food computer” de l’OpenAG Initiative

Et si demain, dans sa cuisine, on faisait un peu de place à un ordinateur ? Pas n’importe quel ordi : un personal food computer (ordinateur de nourriture). C’est le concept développé par un designer qui a attrapé la main verte, Caleb Harper, patron de l’OpenAg Initiative au MIT. En 2011, il est envoyé avec un groupe de chercheurs à Fukushima. Il y découvre une région sinistrée par le tsunami. Plus grand-chose ne pousse sur ces terres, autrefois parmi les plus fertiles du Japon. Si l’environnement ne convient pas à la pousse, autant les concevoir soi-même, se dit Harper. L’idée est née : celle d’une boîte qui, grâce à des capteurs et des LED commandés par un programme (« climate recipe »), reproduit et module les conditions favorables (luminosité, humidité, taux de carbone, etc) à la pousse d’une plante. Plus que programmer la pousse, Caleb et son groupe d’études, l’OpenAg Initiative, ont pour ambition de hacker les caractéristiques des plantes (texture, saveur, couleur et qualité nutritive). Les food computers sont capables de reproduire de n’importe où la texture, la chair, la quantité d’eau, la saveur d’un fruit qui aurait crû dans le sud de la France. Et pourraient être des alliés de choix pour une nutrition personnalisée : « Aujourd’hui, pour mille dollars, chacun peut avoir son séquençage ADN et savoir ce dont il a besoin individuellement, jusqu’à ses besoins nutritifs. Demain, vous pourrez faire pousser les légumes qui vous seront bénéfiques. »

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