Gaspard Koenig : « Le revenu universel n’est pas une charité, mais un droit ! »

Usbek & Rica
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4 min readJan 20, 2017
De formation philosophique, Gaspard Koenig dirige le think tank libéral Génération Libre, fondé en 2013. Il défend, depuis, la mise en place d’un revenu « inconditionnel d’existence ».

Le revenu de base, ou revenu universel, est à la mode. Symbole d’une « société de farniente et de l’assistanat » pour Manuel Valls, réponse à l’avènement des robots pour Benoît Hamon, « filet de sécurité pour tous » aux yeux de NKM, de gauche ou de droite selon les interlocuteurs, le « RdB » a surgi dans l’espace médiatique. Rencontre avec l’un de ses partisans, tendance libéral : le philosophe et économiste Gaspard Koenig.

En Finlande, il est testé sur une population de chômeurs. En Suisse, il prenait la forme d’un revenu de base de 2200 euros avant d’être rejeté par référendum. En France, il est défendu par Benoît Hamon ou NKM. Il existe ainsi plusieurs copies du revenu universel. Quelle est la vôtre ?

Chez Génération Libre, on a suivi la ligne libérale basée sur l’impôt négatif de Friedman, peaufinée par Anthony Atkinson. Friedman et Atkinson ont mis au point un système de basic income (revenu de base) couplé à de la flat tax (impôt à taux unique).

Il s’agit, avant tout, d’un instrument de lutte radical contre la grande pauvreté pour donner à chaque individu le minimum. Ce n’est pas une charité, c’est un droit. La philosophie générale est de donner aux gens un socle à vie. Tous les mois, vous recevez votre revenu universel et vous payez la taxe nécessaire pour que le système soit à l’équilibre. Tout le monde reçoit et contribue.

Ceux pour qui le crédit d’impôt est supérieur à l’impôt reçoivent un surplus, ceux pour qui le crédit d’impôt est inférieur à l’impôt paient. Dans l’entre-deux, toutes les gradations existent. Vous pouvez aussi bien faire le choix de ne pas travailler et vivre du minimum.

« Ça fait quand même 2500 ans qu’on dit que le progrès technologique va éliminer le travail. L’idée existe depuis Aristote. »

Travail à la mission, automatisation des processus : l’évolution des modes de travail rend-il d’autant plus nécessaire le revenu universel ?

Dans votre question, il y a deux débats différents. Il y a la logique défendue par Benoît Hamon aujourd’hui, qui est de considérer que les robots vont peu à peu remplacer les hommes et qu’on pourra les taxer pour, ensuite, offrir du loisir aux hommes. Je ne me prononce pas sur cette évolution. Elle est très contestée par les économistes.

Si vous y regardez, on retrouve déjà cette idée chez Aristote : dès lors que les machines de lin tisseront et que les lyres joueront seules, alors plus besoin d’esclaves, plus besoin de travail. Ça fait quand même 2500 ans qu’on dit que le progrès technologique va éliminer le travail. J’attends de voir.

Dessin de Coco tiré du Tribunal pour les Générations futures, tenu en octobre 2015, sur le thème : « Pour ou contre un revenu universel ? »

D’accord, mais le travail évolue, non ?

Oui, une autre évolution moins futuriste, mais beaucoup plus documentée est l’émergence d’un travail de moins en moins salarié et plus en plus « à la tâche », diraient les esprits critiques, « entrepreneuriale », diraient les optimistes. Là, le revenu universel est nécessaire. On va devoir concevoir la solidarité de manière différente. Aujourd’hui, la solidarité bouche les trous en cas d’accident de parcours. C’est le modèle de l’Etat-Providence. Si vous êtes aujourd’hui au RSA et que vous prenez un job de conducteur sur Uber, si vous déclarez vos revenus, vous risquez de perdre votre allocation. Si vous cessez votre activité sur Uber, il faudra la redemander. Avec le revenu universel, c’est beaucoup plus flexible et adapté à la discontinuité des revenus.

« Nous sommes assez matures en France pour passer véritablement à un système de revenu universel, d’emblée. »

En Finlande, une expérimentation de revenu de base a été lancée. Pour l’instant, elle s’apparente à une forme d’indemnisation chômage. Est-ce une bonne copie ?

Oui, sur le montant : ils testent un revenu de base à 500–600 euros, ce qui est assez proche de ce qu’on propose. Le problème est qu’il s’agit là d’une expérimentation sur 1200 personnes. Depuis les années 1970, on fait des expérimentations sur ceux qui n’ont pas forcément d’argent. On leur donne une somme fixe et on regarde ce qu’ils en font.

Alors ? En profitent-ils pour tirer au flanc ?

On a déjà le résultat de ces expériences — et il est unanime : que ce soit dans les pays développés ou plus pauvres, on ne constate pas d’effet de « désincitation » au travail. Il y a même un effet de promotion de l’entrepreneuriat. L’individu se sent davantage en sécurité et va prendre un peu plus de risque. Quelqu’un qui reçoit un minimum va-t-il ne rien faire ? La réponse est évidemment non. Il suffit de lire Pascal pour le savoir. Allons-y ! Nous sommes assez matures en France pour passer véritablement à un système de revenu universel, d’emblée.

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