Guillaume Gibault : « Le Made in France gagnerait à bosser davantage avec les makers ! »
Les Français sont de plus en plus enclins à acheter français : 61% d’entre eux il y a deux ans, contre 39% en 1997 (Credoc, 2014). Pour comprendre ce mouvement du Made in France, Crowd s’est entretenu avec l’un de ses champions : Guillaume Gibault, fondateur du Slip français.
C’est une histoire de slip, de mecs, et de made in France. En 2011, Guillaume Gibault, alors au chômage, lance sa société, Le Slip français, au départ « sans trop de moyens » et parce qu’il aime la mode, un secteur qui lui « parle ». Cette année-là, la vente en ligne prospère et les réseaux sociaux sont un relais de choix pour les marques. Guillaume s’interroge sur le vêtement qui serait « le plus adapté pour être vendu en ligne ». Sa réponse : le sous-vêtement, « petit, léger et qui ne s’essaye pas ». Surtout, il tient à fabriquer français. L’ambition est posée : « Devenir le Hermès du slip ». Pour produire en France, le timing est parfait : « Depuis une trentaine d’années, les usines étaient en train de mourir. C’est bête, mais avec Internet, on simplifie la mise en contact entre l’usine qui fabrique et l’acheteur. » Depuis, l’entrepreneur s’est fait le chantre du mouvement Made in France. Conversation avec un beau gosse talentueux…
Le politique se préoccupe-t-il suffisamment du Made in France ?
Il y a des propositions, oui, en direction du Made in France. Depuis deux ans, se tiennent les Assises du Made in France, par exemple. En revanche, en tant qu’entrepreneur, ce qui est important pour nous c’est que le cadre législatif ne bouge pas. On ne peut pas grandir, lever des fonds, se projeter, si tous les six mois les mesures qu’on a mises en place changent. Le CICE (ndr : crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi), les baisses de charges, on met beaucoup de temps à comprendre comment ça marche. Dès qu’il y a une nouvelle personne en fonction, il faut changer et refaire. Ce n’est pas évident.
Prenez l’impression 3D : les applications potentielles dans le textile sont dingues !
Le Made in France est-il en passe de se structurer, au même titre que la French Tech ?
Oui. De plus en plus d’entreprises fabriquent en France. Voyez aussi le succès grandissant des labels « Origine France garantie » ou « Entreprise du patrimoine vivant ». Il y a un engouement certain. Ça se mesure aussi dans les études de consommation. Les Français sont de plus en enclins à acheter français : 61% d’entre eux il y a deux ans contre 39% en 1997. Mais cette tendance reste fragile. A nous, startups du Made in France, de continuer à innover pour augmenter le savoir-faire existant. Prenez l’impression 3D : les applications potentielles dans le textile sont dingues !
En France, on a tout ce qu’il faut pour inventer (l’impression 3D appliquée au textile) : les fonds, les ingénieurs et les entreprises de mode.
C’est-à-dire ?
On pourrait fabriquer à la commande l’intégralité des produits. Aujourd’hui, 97% du textile consommé et acheté sur le sol américain est fabriqué en dehors des Etats-Unis. Ecologiquement parlant, ça signifie des produits qui font trois fois le tour du monde. Il faudrait produire plus localement et donc dans de bonnes conditions. L’industrie du textile actuelle fonctionne avec énormément de stocks. Elle fabrique et expédie de l’autre bout du monde avant de se retrouver à solder. L’impression 3D appliquée au textile serait une solution pour produire ce dont on aurait besoin. Mais tout ça, c’est encore de la science-fiction. En revanche, en France, on a tout ce qu’il faut pour l’inventer : les fonds, les ingénieurs et les entreprises de mode.
Et que faudrait-il pour que le mouvement décolle ?
Du temps et des investissements. Il faudrait qu’on ait la confiance d’investisseurs, comme la BPI en donne déjà. Une nouvelle génération d’investisseurs est en train d’émerger, avec un intérêt pour l’économie sociale et solidaire. La Caisse des dépôts a monté un fonds dans ce sens. Et c’est bien !
Vous parlez de savoir-faire et d’artisanat. Le Made in France gagnerait-il à se rapprocher du mouvement maker ?
Il faudrait que les deux mouvements soient plus proches. Le maker est plus « à la pièce », au sur-mesure. Il y a parmi les makers beaucoup plus d’artisans. Le Made in France est plus industriel, mais il faudrait qu’on bosse davantage ensemble, notamment sur les problématiques d’impression 3D. J’ai visité récemment IciMontreuil et il y a évidemment plein d’idées à trouver. Au final, le mouvement Made in France, c’est un bon débouché commercial pour les makers. Et inversement pour nous : les makers représentent un bon laboratoire d’innovation et d’expérimentation.
Guillaume Gibault et le Slip Français ont eu recours déjà à trois reprises à KissKissBankBank. Pour se lancer, c’est sur KissKissBankBank et Lendopolis !