« La démocratie à l’échelle d’un immeuble ! »

Usbek & Rica
Crowd
Published in
3 min readApr 28, 2017
© Arkhenspaces

Eric Cassar est architecte principal du bureau d’architecture Arkhenspaces. Avec son projet « Habiter l’infini » il dessine les contours d’un habitat mutualisé en phase avec son temps.

Perché dans son bureau du Xe arrondissement parisien, entouré de livres et d’ébauches de projets aux consonances plus littéraires que « carrés », Eric Cassar évoque plus l’écrivain que l’architecte. Dans une étude de 200 pages « Habiter l’infini » — récompensée par le Grand Prix Smart Cities du Monde, il imagine un îlot de bâtiments dont les appartements seraient réduits au minimum — où « on pourrait encore dormir et manger décemment » — complétés d’espaces mutualisés et réservables en fonction des besoins des résidents grâce à une boussole numérique. Sur cette même boussole ces derniers se rendent des services — « en rentrant, tiens, je vais prendre une part de la tarte préparée par la voisine » - grâce à une monnaie locale. La promesse d’une vie de village en plein centre-ville…

Pourquoi « habiter l’infini » ?

Chez Arkhenspaces avec le projet « Habiter l’infini », on pense l’architecture physique en relation avec l’architecture numérique. On part du constat suivant : il est très difficile de se loger en centre-ville. Les espaces sont de plus en plus petits et coûtent de plus en plus cher. A partir de là comment gagner de l’espace ? Le levier aujourd’hui se loge davantage dans la considération du temps que de l’espace. Par « temps », j’entends la notion d’usage de l’espace : 50 à 60% du temps, nos habitations sont occupées. Le reste du temps, elles sont vides.

“C’est presque de la démocratie à l’échelle d’un immeuble !”

Alors, comment mieux utiliser ces espaces ?

On travaille sur toutes les typologies d’habitants — jeunes, créatifs, personnes âgées, familles. On a regardé qui utilisait quoi et à quel moment. Par exemple dans une famille, il est compliqué de se retrouver tous quotidiennement. A priori pas besoin d’une très grande cuisine dans l’appartement familial. Le jour choisi on pourra réserver la grande cuisine de l’îlot et cuisiner tous ensemble. Le midi la grande cuisine pourrait être utilisée par une grand-mère qui aime cuisiner et qui au sein d’une grande ville n’aurait d’ordinaire pas les moyens pour une cuisine de cette qualité. Dans un esprit collaboratif, ses plats pourraient être pré-vendus sur l’application de l’îlot grâce à une monnaie locale. Ou l’ado du 16B pourrait réserver une salle pour répéter avec ses copains grâce à une heure de babysitting. Chacun se rend des services et l’espace est utilisé intelligemment. Au fond, c’est presque de la démocratie à l’échelle d’un immeuble !

“ Votre logement devient un peu comme un forfait de téléphone ”

En fait, c’est une manière circulaire d’envisager l’habitat…

Oui. Tenez, traditionnellement un immeuble est constitué d’espaces d’habitation et d’espaces de circulation. Le promoteur immobilier a toujours cherché à réduire au minimum ces espaces de circulation. Nous, on les agrandit pour que vous les investissiez aussi. Votre logement devient un peu comme un forfait de téléphone. Vous réservez les espaces dont vous avez besoin à l’heure, au mois, à l’année. Le spa, la personne âgée le réservera pour moins cher parce qu’en heure creuse. Mais on a aussi pensé « Habiter l’infini » comme un habitat ouvert sur la ville. Par exemple si la salle de sport de l’immeuble n’est pas utilisée par tout l’immeuble, elle est ouverte au quartier. Ce qui du coup, va être déduit des charges du résident. On prévoit aussi une e-conciergerie qui loue votre bien à la manière d’Airbnb quand vous êtes absent.

Après le software, l’accès à la musique, le travail « as-a-service », on passe à un habitat comme service.

Oui on y va. Je pense qu’on restera propriétaire mais pas forcément de l’endroit qu’on habite. C’est l’économie de l’usage. J’y émets un bémol : il ne faut pas que ces lieux deviennent des lieux anonymes à la manière des hôtels. La notion même d’habiter, c’est s’approprier son espace !

La solidarité “as-a-service”, c’est sur KissKissBankBank & co !

--

--