Philippe le Bel, le roi qui régla son compte à son banquier

Usbek & Rica
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4 min readDec 8, 2016

Régler ses dettes, c’est surfait ! Pour les éponger, le roi Philippe le Bel préféra taxer ses sujets juifs et accuser d’hérésie son banquier principal, l’Ordre du Temple. Retour sur le parcours d’un roi « thug avant les thugs ».

A sa montée sur le trône, on ne peut pas dire que Philippe le Bel roule sur l’or. Nous sommes en 1285. Le roi de France n’a alors pas le droit de lever des impôts. Ce sont les seigneurs et prélats qui raflent la mise en local. Le roi est tenu de vivre du produit de ses terres, beaucoup trop maigre pour soutenir ses envies guerrières et son train de vie princier.

Prendre aux Juifs

Après avoir tenté de remplir ses caisses en ponctionnant les revenus du clergé, en vain, Philippe le Bel décide de taxer les usuriers étrangers. Au Moyen-Âge, prêter de l’argent contre des intérêts est jugé péché par l’Eglise. Ce rôle est dévolu aux Juifs, exclus de la société médiévale chrétienne. A son sacre, Philippe le Bel exige de la communauté juive un « don de joyeux avènement » de l’ordre de 75 000 livres. Dix ans plus tard, le roi fait arrêter les Juifs et saisir leurs biens. Pour les récupérer, il leur faudra les racheter, sous peine de vente au bénéfice du Trésor royal. En 1306, essorée, la communauté juive peine à payer les taxes ordinaires. Le souverain les expulse du royaume, en espérant tirer de leurs biens une somme conséquente. A peine quelques centaines de milliers de livres seront obtenus de la vente. Philippe le Bel est déçu : il espérait beaucoup plus. Un an plus tard, il s’attaque aux « banquiers de l’Occident », les Templiers.

Au Moyen-Âge, on impose aux Juifs le port de la rouelle, comme signe de distinction. Y est évidemment attachée… une taxe. Ca vous rappelle quelque chose ?

Prendre aux Templiers

L’ordre du Temple naît pendant les Croisades, au XIIe siècle, avec pour vocation première de protéger le voyage des pèlerins. Ces valeureux moines-soldats sont vite inondés de dons du peuple chrétien. Les princes rivalisent de générosité. Les notables, soucieux du salut de leur âme, mais trop paresseux pour faire un pèlerinage en Terre sainte, en font autant. Très vite, les Templiers deviennent l’une des plus grandes puissances foncières d’Occident, mais aussi financières. Ils investissent les dons de leurs coreligionnaires dans la construction de forteresses. Et parce qu’elles sont imprenables, l’Occident y dépose son argent. Le roi, comme d’autres, leur confie son Trésor et leur emprunte de l’argent. En 1307, à cours d’expédients pour se financer et jaloux de leur puissance, Philippe le Bel ordonne l’arrestation des Templiers. Des officiers pénètrent au petit matin dans toutes les commanderies du pays. Surpris, les Templiers s’opposent à peine. 54 d’entre eux meurent du supplice du bûcher. Le roi, lui, meurt en 1314 d’une mauvaise chute de cheval. Son âme est-elle en paix ?

Au XIVe siècle, être banquier, c’était jouer avec le feu.

Le motif invoqué ? Les Templiers sont des « hérétiques, des idolâtres et des sodomites » : ils cracheraient sur la croix, auraient renié le Christ et copuleraient entre eux, pour contrer toute tentation charnelle avec le sexe faible. La vraie raison ? Le roi leur doit beaucoup d’argent. Certes, le souverain ne peut confisquer les biens de l’ordre — ils appartiennent à l’Eglise. Mais il en a la garde. En attendant la décision du pape, il peut faire vivre cet argent à sa guise, ce qui redonnera un nouveau souffle aux finances du royaume. A la cession des biens du Temple à l’ordre de l’Hôpital, Philippe le Bel se verra gratifié d’un don de 200 000 livres, pour solde de tout compte. Quelques années plus tard, son fils obtiendra une rallonge de 50 000 livres, pour gestion de séquestre. « Thugs » de père en fils… Au XVIe siècle, l’un des descendants de Philippe le Bel, Henri II inventera, bien avant nos banques modernes, la notion de « too big to fail ». Mais c’est encore une autre histoire !

Il y a des moyens plus pacifiques de reprendre le pouvoir sur son argent. On vous explique sur Lendopolis !

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