Portrait de créateur : Il crée le premier restaurant zéro-gâchis
Aladdin Charni est le Robin des Bois anti-gâchis sous toutes ces formes. Après avoir animé les nuits parisiennes avec le Poney Club et le Pipi Caca, deux espaces abandonnés transformés en lieux de fête, ce philanthrope du quotidien s’attaque au gâchis alimentaire. Son idée ? Un restaurant dont le menu est composé d’invendus de Rungis. A table !
Chaque année ce sont 1,3 milliards de tonnes de nourriture qui seraient perdues, soit un aliment sur trois. En France 7 millions de tonnes connaissent les poubelles. Aladdin Charni entend réduire comme il peut ce gâchis en ouvrant en octobre prochain avec le soutien de la Mairie de Paris un restaurant dont la carte sera composée d’invendus, le Freegan Pony. « Je suis squatteur depuis dix ans et freegan depuis 7 ans ». Freegan, poursuit-il, consiste en vivre de la récupération pour des raisons financières comme idéologiques : « Je me nourris concrètement de poubelles de petits supermarchés ». Dès le départ il récupère tellement de nourriture qu’il est contraint d’acheter un congélateur, faire des sacs de nourriture à ses amis — « ils n’en revenaient pas ! » — avant d’organiser des apéros chaque mardi. « Et tout ça juste avec les poubelles de petits supermarchés… qu’est-ce que ça doit être à Rungis ! ». On est en 2014. Avec ses acolytes Aladdin s’essaie une première fois dans le Marais à de la restauration improvisée à partir des invendus… dans un appartement inoccupé. « On avait besoin de connaître les limites de l’exercice. Je ne viens pas de la restauration donc commencer par 100 couverts tous les soirs, c’était compliqué ».
Après deux aventures avortées de clubs — le Poney Club dans le XVe et le Pipi Caca dans les vespasiennes abandonnées du boulevard Bonne-Nouvelle — Aladdin tombe aux portes de Paris sur un local de 1000 m2 niché sous le périphérique parisien. Et le collectif Freegan Pony — créé plus tôt avec ses acolytes — d’en faire son QG : pendant quelques mois se succèdent aux fourneaux quatre soirs par semaine des chefs qui exercent leur art à partir d’invendus de Rungis récupérés le matin même. « Au départ c’était pas gagné puis on a réussi à en convaincre quelques producteurs de Rungis ». Au restaurant le prix est libre, chacun donne ce qu’il estime juste. Les réfugiés peuvent y manger gratuitement. Le week-end le lieu revêt ses habits de lumière — et le nom de Péripate — et accueille des fêtes en after — de 6h à minuit. A la berlinoise.
Problème : le local appartient à la Mairie de Paris qui se rappelle au bon souvenir du collectif squatteur. Après quelques allers retours musclés le collectif et la Mairie trouvent un terrain d’entente : Freegan Pony bénéficie d’une convention d’occupation de 2 ans avec une obligation de tout remettre aux normes. « Pour financer ces travaux on organise pas mal de fêtes et on a été 3e au budget participatif de la Mairie qui devrait — on croise les doigts — couvrir une partie des travaux ». La réouverture du restaurant est prévue le 16 octobre prochain. Entretemps l’idée a fait des émules : un Freegan Pony est en train d’ouvrir ses portes à Lyon. « A Paris on va d’abord structurer l’asso. Il y a beaucoup de travail. A moyen-long terme on pourrait peut-être ouvrir à Rennes ou à Marseille ». RDV à l’automne prochain pour inaugurer avec les couverts ce Freegan Pony nouveau !