Qui a dit : « Je ne suis qu’un banquier faisant le travail de Dieu » ?

Usbek & Rica
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3 min readDec 20, 2016
Détournement du Christ chassant les marchands du Temple du Greco

Nous sommes en pleine crise financière lorsque Lloyd Blankfein, patron de la toute-puissante banque d’affaires Goldman Sachs, fait cette déclaration au Sunday Times, en 2009. Avait-il abusé de substances pour prononcer une telle fanfaronnade ? Probablement pas.

Il faut toujours dire les choses les plus dingues avec aplomb. Et c’est exactement ce que fit Blankfein, allant alors jusqu’à ajouter qu’en aidant les entreprises à devenir toujours plus riches, Goldman Sachs faisait œuvre sociale — la richesse créé de l’emploi, on connaît la chanson. Un numéro de cynisme de haute volée que décrypte l’ouvrage La Banque : comment Goldman dirige le monde (Albin Michel, 2010) du journaliste Marc Roche. En vrac, Goldman Sachs a, d’après celui qui a mené l’enquête, participé « à la faillite de la banque Lehman Brothers, à la crise grecque, la chute de l’euro, la résistance de la finance à toute régulation, le financement des déficits et même la marée noire du golfe du Mexique. » On n’est pas très loin des douze plaies d’Egypte. Mais si l’empire Goldman Sachs botte en touche quant au respect de la vertu prônée par la religion, il ne rechigne pas à en reproduire les codes.

Le Christ chassant les marchands du Temple, El Greco vers 1570

Des soldats de Goldman tes employés seront

« On entre chez Goldman Sachs comme on entre en religion », raconte Marc Roche. « La porte de la banque franchie, vous devenez un véritable moine banquier comme il existait des moines soldats ». Et la dévotion du Goldman boy va jusqu’à tout sacrifier — vie personnelle, alimentation, au dieu Sachs. Une vie monacale, en somme.

Le dieu Goldman a aidé la Grèce à camoufler sa dette, mais a aussi parié sur sa faillite © Ingram Pinn

Influente comme la Curie romaine tu seras

« Il n’y a pas de place chez nous pour ceux qui font leurs intérêts avant ceux de l’entreprise et ceux des clients », énonce le premier des Quatorze Principes qui guident la firme. Surtout ceux de l’entreprise. La banque d’affaires doit son influence tentaculaire à une propagation d’anciens de Goldman dans les sphères dirigeantes. Un vrai gouvernement Sachs ! L’actuel président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi est un ancien cador de Goldman Sachs International. Mais l’inverse est aussi valable. José Manuel Barroso, ex-président de la Commission Européenne vient de rejoindre les rangs de la banque, à la stupéfaction générale.

Et la pieuvre n’a pas fini d’étendre ses tentacules. Le futur président Trump, pourtant le premier à fustiger l’emprise de Goldman Sachs pendant sa campagne, vient de nommer au Trésor Steven Mnuchin. Et devinez où il a fait ses armes ? Chez « GS », of course.

Influence au sommet, dévotion du disciple, quelques catastrophes (pas) naturelles, la pieuvre Goldman Sachs n’a pas fini de copier les tablettes de loi divine. Jusqu’à faire de la main invisible providentielle d’Adam Smith son Confiteor. Moi, GS, je confesse à Dieu-tout-puissant que « tout en ne cherchant que [m]on intérêt personnel, [je crois] travailler souvent d’une manière beaucoup plus efficace pour l’intérêt de la société que s’il avait réellement pour but d’y travailler. » (Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776).

Qui a dit que la finance était une science ?

© Poasterchild

Pour « œuvrer » pour l’économie réelle, ça se passe chez LENDOPOLIS, KissKissBankBank et hellomerci.

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