Typologie des krachs boursiers les plus crétins

Usbek & Rica
Crowd
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4 min readNov 16, 2016

Pour des tulipes, des allumettes, du papier plutôt que de l’or, l’histoire économique a été parsemée de bulles financières plutôt insolites, impulsées par des escrocs ingénus et autres losers visionnaires. Il suffit d’y faire un saut, pour découvrir que les ratés de la finance moderne n’ont rien d’inédit. Retour sur ces krachs qu’aucune Madame Irma de la Bourse n’aurait pu mirer dans sa boule.

Tiré de la Satire de la tulipomanie, par Jan Brueghel le Jeune, 1640

1637 : Le krach sur du vent

La première bulle spéculative de l’Histoire a pour décor la Hollande du XVIIe siècle, pays en plein âge d’or, culturel mais aussi commercial. Les négociants hollandais règnent alors sur les mers — orientales, mais aussi sur du vent. Le « commerce du vent » désigne la vente de contrats à terme, censés représenter la livraison de bulbes de tulipes. La tulipe, introduite à la fin du XVIème siècle en Europe, est vite devenue la coqueluche des jardins aristos et fait l’objet d’échanges effrénés. Les prix, pour un bulbe rare, s’affolent et peuvent atteindre une dizaine de milliers d’euros actuels. En 1637, la peste bubonique débarque aux Pays-Bas. Certains marchands tombent trop malades pour aller au marché de la tulipe, à Haarlem. Plus de vendeurs, donc plus d’acheteurs. Et krach, la tulipe !

La beauté est dans le virus : c’est grâce au potyvirus, bacille responsable d’un dégradé de couleurs sur le pétale, que la tulipe — ou son bulbe, se fait précieuse et rare, et que son prix surchauffe !

« Un billet de banque ! Ça alors, je n’en avais encore jamais vu ! » Jean-Pierre Marielle, dans “Que la fête commence” de Bertrand Tavernier, 1975

1720 : Le krach mégalomane

A la mort de Louis XIV, en 1715, la France est laissée exsangue par les divertissements et velléités guerrières du défunt. Philippe d’Orléans, le Régent, se retrouve avec une dette publique colossale. Le salut viendra d’Ecosse, en la personne d’un aventurier et économiste, John Law. Soutenu par le Régent, il crée la première Banque générale en 1716, qui devient banque d’Etat. Les épargnants y déposent leur or contre la remise de papier-monnaie, or ensuite prêté à l’Etat, pour endiguer la dette. Un gros succès ! Law réclame et obtient le monopole du commerce de l’empire colonial français. Quatre ans plus tard, il gère la collecte des recettes fiscales du pays, l’impression de la monnaie. C’est cette tendance au monopole sur l’économie entière qui brouillera le système.

À la même époque, le prince de Conti, les ducs de Bourbon et de la Richardière retirent leur or, pour mieux spéculer. Les retraits s’emballent. La valeur du papier-monnaie doit être dépréciée et la détention d’or au-delà d’une certaine somme interdite. Le peuple proteste, Law se fait limoger. Trop compliqué, personne n’a jamais compris son système. Las, on finit par tout brûler, les actions et les documents de la Banque Royale. Krach ! Dans l’histoire, les Français auront perdu plusieurs milliards d’euros actuels.

Mégalo mais visionnaire : John Law a été le premier à introduire le billet de banque et l’une des premières Bourses au monde.

Le roi de l’allumette, aussi victime du krach boursier.

1932 : Le krach pyromane

Son nom est Ivar Kreuger. En Suède, on l’appelle plutôt le roi de l’allumette. Il en a obtenu le monopole. Son signe particulier ? Il rapporte à ses investisseurs 25% de dividendes grâce à un système pyramidal — il paye ses anciens actionnaires grâce à l’argent de ses nouveaux entrants. Kreuger étend son terrain de jeu aux Etats-Unis, mais n’oublie pas sa mère patrie, l’Europe, pour… y déplacer son argent américain en Suisse, puis au Liechtenstein. Il est aussi un virtuose de la spéculation sur devises. Grâce à son inventivité, Ivar contrôle, en 1931, 200 entreprises. Mais c’est la vague du krach boursier de 1929 qui révèle les failles du système. Les investisseurs n’investissent plus. On découvre sa « comptabilité » créative. En 1932, son empire est déclaré en faillite et des liquidités de l’ordre de 250 millions de dollars sont déclarées inexistantes. Kreuger se tirera une balle dans la tête, mais aussi dans les économies de plusieurs milliers de gens.

La superstition rapporte : vers 1920, Ivar Kreuger invente une superstition lucrative. En ces temps d’après-guerre et de rationnement, il passe l’idée que partager la même allumette entre trois soldats conduit à la mort. Un bon moyen de vendre plus d’allumettes

6 mai 2010 : Le krach éclair

Presque 1 000 milliards de dollars, c’est le montant astronomique qu’un facétieux algorithme a fait disparaître brièvement, le 6 mai 2010. En cause, selon les enquêteurs de la Bourse américaine, des ordres de vente trop rapides à cause de programmes informatiques trop performants. Un courtier en passe un de 4 milliards de dollars, géré en 20 minutes au lieu de 5 heures. Il entraîne une réaction en chaîne. Les ordres de vente automatiques se multiplient alors qu’en face, point d’acheteurs. Résultat : en quelques minutes, 862 milliards de dollars se volatilisent temporairement. Et le Dow Jones perd 10% de sa valeur d’un coup.

Suspendre la Bourse plutôt que perdre 1 000 milliards : depuis le 6 mai, en cas de chute brutale des cours, des systèmes de suspension automatique de la Bourse ont été mis en place.

Pour éviter les crashs, diversifiez vos placements en pensant notamment au crowdfunding !

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