Cuisine au féminin

Laëtitia Rattier
Cuisine MTL
Published in
3 min readDec 12, 2017
Judith Laflamme, Chef au restaurant Quai №4

Comme dans plusieurs corps de métier, la place de la femme en restauration comporte son lot de défis. Que ce soit comme serveuse ou en cuisine, se faire une place dans un milieu majoritairement masculin et sexiste peut être exigeant, mais les conditions s’améliorent.

À Montréal, 60% des employées en cuisines sont des hommes. Alors qu’en restauration, les femmes sont plus souvent au service et les hommes plus souvent en cuisine, elles arrivent à prendre de plus en plus leur place dans ce domaine souvent macho.

Les femmes sont toutefois de plus en plus nombreuses dans ce corps de métier. Majoritaires dans les domaines comme le tourisme, la pâtisserie, la sommellerie et la gestion hôtelière, elles se font plutôt rares derrière les fourneaux.

Pour Noémie Beaulac, serveuse depuis trois ans, la séparation des rôles en fonction du sexe des employés est marquée dans le domaine de la restauration. Les préjugés des femmes en salle et des hommes en arrière sont bien réels selon elle. « Je trouve ça autant dommage pour les femmes que pour les hommes », indique-t-elle. Selon elle, les serveurs qui sont mis à l’arrière parce qu’ils paraissent « moins bien » que les serveuses souffrent autant de cette réalité que les serveuses qui ressentent une pression de toujours « mieux paraître qu’eux ».

Jonas Gomez Marin est busboy aux Enfants terribles situé à la Place Ville-Marie. Depuis 7 ans en restauration, le jeune homme a touché à plusieurs postes, dont ceux de serveur et de cuisiner. Il nous a confié son avis sur la manière dont fonctionne parfois le recrutement des serveuses, seulement de par leur physique et non leurs compétences.

Un environnement très masculin

La chef du Quai №4, Judith Laflamme, constate que cette séparation genrée des rôles en cuisine relève de plusieurs critères, dont la force physique. « On a des choses lourdes, il faut lever des trucs constamment donc il faut être faite assez forte pour être capable de suivre la vague, de suivre tout le monde ».

Comme dans la plupart des domaines professionnels, un autre enjeu est de mise : le machisme. « Je me souviens d’une fois où un monsieur était un peu trop saoul et a pratiquement fait exprès de renverser sa coupe de vin alors que je passais proche de la table », raconte Noémie Beaulac. « Donc là je vais l’aider à ramasser le dégât, puis je n’ai pas le choix de me pencher pour essuyer et tout. C’est là qu’il me dit “Ah bon, ça serait beau une fille en bobette en plus !” », témoigne-t-elle.

Cependant, elle explique que ce qui l’a le plus troublé dans cette histoire n’est non pas le comportement du client, mais plutôt la réaction de son gérant qui a simplement pris en charge la table et a continué de servir le client pour le reste de son repas. « Il m’a dit d’éviter le client pour le reste de la soirée au lieu d’aller le voir et de lui dire “c’est pas correct ce que vous avez dit puis vous ne devriez plus faire ça” parce que c’est inacceptable de faire des commentaires pareils ». Un machisme qui se manifeste donc non seulement avec les clients, mais aussi avec ses collègues et ses supérieurs.

L’âge des serveuses est aussi un aspect important pour un employeur en restauration. Préférant des femmes qui paraissent bien pour attirer les clients, l’expérience et les compétences peuvent arriver en seconde place lors d’un entretien d’embauche. « Quand on a 20 ans, on est jeune, on est belle, ça passe bien donc ils engagent n’importe qui. À mon âge c’est beaucoup plus dur. Ils cherchent les modèles jeunes et attrayants », confie Mélanie Valiquette serveuse au Molson Pub de l’aéroport de Montréal.

De par un salaire souvent plus bas, c’est souvent la femme dans un couple, qui doit se retirer du marché du travail lorsqu’un enfant naît. Cependant, selon Liza Frulla, directrice de l’Institut du tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), en entrevue avec Radio Canada, une évolution de la condition est notable et l’avenir appartient à ceux qui sont compétents et passionnés.

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