Drogues au menu

Laëtitia Rattier
Cuisine MTL
Published in
3 min readDec 11, 2017
Jonas Gomez Marin, aide-serveur au restaurant Les Enfants Terribles de la Place Ville Marie à Montréal

Avec l’arrivée d’émissions de télévision comme les Chefs sur les écrans des Québécois, le métier de chef et le domaine de la restauration sont présentés de façon très glamour. Pourtant, les différents artisans du domaine s’entendent pour dire que travailler dans la restauration, ça comporte son lot de difficulté et de stress.

Pour Francis qui travaille dans le domaine de la restauration depuis 10 ans comme bar-back, suiteur, gérant, serveur et maintenant cuisinier, la pression qu’il vit au quotidien est très forte. « Le but, c’est d’être le plus performant possible, et comment tu fais pour devenir performant, tu consommes des drogues qui sont la cocaïne et le speed », indique-t-il.

La consommation de drogues et d’alcool en restauration est un phénomène largement documenté en Europe, aux États-Unis et même au Canada. En 2014, l’Express présentait les chiffres recueillis par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé en 2012. En France, les domaines de l’hébergement et de la restauration sont reconnus pour la forte consommation d’alcool de leurs employés (44,7% des gens interrogés), ainsi que l’utilisation de drogues comme la cocaïne (9,2%) ou les amphétamines (7,9%).

Si cette réalité est de plus en plus mise au grand jour dans les médias de la capitale gastronomique mondiale, la réalité n’est pas tout à fait la même à Montréal. Plusieurs articles relatent de la réalité difficile de l’hôtellerie et de la restauration. Il est question des horaires intenses, des détresses physiques et psychologiques, des difficultés économiques, mais le sujet délicat de la consommation de substances illicites est souvent abordé avec moins de profondeur. De plus, il est difficile de trouver des chiffres spécifiques à ce sujet.

« N’importe qui qui travaille dans un gros restaurant peut te dire que c’est un problème qui est assez généralisé. Ce n’est pas partout c’est sûr, mais c’est quand même un fléau », explique le jeune cuisinier du Frite Alors de la Rive-Sud, Étienne Doucet. « C’est un travail sous pression constante et si ce n’est pas la drogue, c’est l’alcool ».

Une réalité que le jeune suiteur, Simon*, a beaucoup ressentie dans ses différents environnements de travail. Le plus gros problème selon lui, c’est quand la consommation de ses collègues affecte leur capacité de travailler et de servir les clients. « Ça a lieu, avant, pendant et après les heures de travail », indique le jeune homme.

Pour Francis qui travaille en cuisine, ce problème devient aussi sécuritaire. « C’est dangereux en cuisine. Si tu n’es pas 100% alerte si tu ne fais pas attention aux autres employés, aux couteaux, à ce qui peut te revoler dessus, ça peut aller très mal », ajoute-t-il.

Un changement de mentalité

« C’est un gros sujet la drogue en cuisine et je pense que c’est une mode, dans le sens que dans tous les corps de métier du monde, il y a des problèmes de drogues », explique la chef du Quai №4, Judith Laflamme. Selon elle, des métiers très stressants comme celui de chirurgien ou de policier sont confrontés à une problématique similaire.

Aujourd’hui, le monde de la restauration s’ouvre et il y a beaucoup plus place à la communication. C’est ce que ressent aussi Francis après 10 ans de métier. « Je pense que ça s’améliore, parce qu’en ce moment c’est vraiment mal vu par les collègues de travail », témoigne-t-il. « Dans le temps, quand j’ai commencé en restauration, on consommait en gang. Maintenant, ça devrait être moins fréquent de voir ça ». Dans la cuisine où il travaille depuis un an, Francis a réussi à arrêter de consommer en travaillant.

*nom fictif

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