Les bons comptes font les bons amis

Laëtitia Rattier
Cuisine MTL
Published in
3 min readDec 12, 2017
Étienne Doucet, cuisinier au restaurant Frite Alors

La répartition des pourboires entre les différents employés d’un restaurant est un enjeu au Québec. Les cuisiniers sont souvent moins payés que les serveurs et ne sont pas assurés de toucher une partie des pourboires en salle.

Contrairement à des pays d’Europe comme la France où le pourboire est optionnel, au Québec il s’agit d’une tradition et le fait de ne pas en laisser peut être très mal vu. Généralement payés en dessous du salaire minimum qui est de 11,25$ de l’heure actuellement au Québec, les serveurs et serveuses sont compensés par le pourboire. Selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail du Québec, les salariés au pourboire sont libres de choisir s’ils souhaitent participer à une convention de partage de leur pourboire ou non, indépendamment de leur employeur.

Dans un article de Radio Canada, Gildas Meneu, journaliste à L’épicerie et critique pour le Guide restos Voir, explique qu’en moyenne au Québec un serveur est payé 26 $ de l’heure, pourboire inclus alors que les cuisiniers touchent un taux horaire de 15 $.

« Il n’y a pas de loi écrite par rapport à la distribution des pourboires », explique Judith Laflamme, chef au Quai №4. « Il y a des propriétaires qui l’exigent, des propriétaires qui l’offrent. Des fois c’est à l’équipe de juger si elle veut le séparer ou non, et tu en as qui n’en ont juste rien à foutre et qui décident de ne pas séparer les pourboires ». Lorsqu’ils en touchent une partie, c’est seulement sur le volume de nourriture vendue et non sur le volume d’alcool.

Cependant, les avis diffèrent entre la cuisine et la salle. Mélanie Valiquette, serveuse au Molson Pub de l’aéroport de Montréal, nuance que « c’est nous qui “dealons” avec tous les problèmes, les excuses, les clients épouvantables. Il faut quasiment avoir un degré en psychologie pour comprendre les clients ».

Un article du Journal de Montréal apprend que certains restaurants comme Zero8 et Bistro Rosie ont aboli la notion de pourboires dans leur établissement de par l’iniquité entre les revenus de leur personnel en cuisine et de leur personnel en salle. Au Zero8, en incluant les frais de service dans la facture, le restaurant est capable d’assurer à tout son personnel un salaire minimum de 15 $ de l’heure. Pour y arriver, il a augmenté le prix de ses plats jusqu’à 13%.

« C’est surs que dans la cuisine, ils ne sont pas payés cher pour ce qu’ils font. Si le métier était reconnu comme en France, en France il n’y a pas un cuisinier qui est payé en bas de 20$ de l’heure là. Ça devrait être comme ça ici aussi. C’est aux restaurants à les payer comme il faut », affirme Mélanie Valiquette.

Depuis le 1er mai 2017, le salaire minimum pour les employés au pourboire est de 9,45$/heure. Pour Jonas Gomez-Marin, busboy au restaurant les Enfants Terribles, « les serveurs [ne font] pas tant d’argent que ça non plus. Souvent on dit [qu’ils font] du 30$ de l’heure, oui, mais [ils en doivent] beaucoup à l’impôt. [Ils doivent] payer les busboys, les barback et les suiteurs. Sur ce 30$-là, tu enlèves la moitié de ce salaire-là ».

Une situation qui tend à s’améliorer selon Judith Laflamme. « Les cuisiniers quittent parce qu’ils n’ont pas de pourboires. Ils trouvent ça vraiment injuste de voir le serveur servir trois bouteilles de vin et avoir trois fois son salaire pendant qu’il fait des heures intenses ».

La répartition des pourboires dépend de chaque restaurant et ne fait pas toujours l’unanimité. En plus de l’aspect d’équité, le fait de partager les pourboires incite les cuisiniers à rester plus longtemps dans ce domaine où leur travail est parfois peu reconnu et peu valorisé.

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